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DES LIBERTÉS

DE L'ÉGLISE GALLICANE.

(Extrait du chapitre III de l'ouvrage de M. Frayssinous, intitulé: Les vrais principes de l'Eglise gallicane, édition de 1826, page 63.)

« ..... Fleury est, à mon gré, celui de nos écrivains qui a le mieux connu le fond de nos libertés, et qui en a donné une plus juste idée dans son Institution au Droit Ecclésiastique. Il rappelle d'abord ces deux maximes fondamentales, que l'autorité de l'Église est toute spirituelle, et que celle du pape doit être réglée, dans son exercice, par les canons reçus dans l'Église universelle. Ensuite il expose en détail les conséquences qu'on a tirées de l'une et de l'autre maxime. Ainsi, c'est entrer dans ses vues que de faire consister les libertés de l'Église gallicane dans les maximes propres à cette église, et les conséquences qui en dérivent naturellement.

» Les maximes françaises sont spécialement consignées dans la célèbre déclaration du clergé de France, en 4682. Que de personnes l'invoquent sans trop savoir ce qu'elle contient, et ne soupçonnent peut-être pas qu'en même temps qu'elle expose le fondement de nos libertés, elle consacre de la manière la plus décisive la primauté spirituelle du saint-siége! Nous allons la rapporter tout entière. » — Voyez ci-après, page 104, le texte de cette déclaration.

Je suis du reste entièrement de l'opinion de M. Frayssinous lorsqu'il dit de cette déclaration « qu'en même temps qu'elle expose le fondement de nos libertés, elle consacre de la manière la plus décisive la primauté spirituelle du saint-siége. » Je m'en suis expliqué de la manière la plus formelle dans la note que j'ai mise au bas des pages XXVI et XXVII de l'introduction placée en tête des deux éditions de 1844. Cette même note existait déjà dans l'édition de 1826, pages 53 à 54 de l'introduction, et surtout dans le corps même de l'ouvrage, à la page 224, qui forme la page 146 des éditions de 1844, et la page 92 de celle-ci.

III part. chap. xxv. chapitre en entier.

C'est pour cela que j'ai rapporté ce

UTILITÉ ACTUELLE

DES LIBERTÉS DE L'ÉGLISE GALLICANE.

Chacun peut comprendre maintenant toute la portée de ce que nos pères ont appelé libertés de l'Eglise gallicane. A l'époque qui les vit naître, l'extension extraordinaire qu'avait prise la puissance pontificale la faisait peser d'un poids accablant sur les rois, sur les peuples et quelque- * fois même sur le clergé : - Pour les rois, il s'agissait de leur existence même, puisque Rome s'arrogeait le droit de les déposer; Pour les peuples, il s'agissait de leur indépendance, puisque Rome aussi prétendait avoir le droit d'en disposer, de transférer le gouvernement des royaumes, de les adjuger à qui bon lui semblait, et de donner l'investiture du pouvoir politique; Pour l'Église nationale il avait fallu défendre la personne et la dignité des évêques, leur juridiction propre et le pouvoir qu'ils tiennent immédiatement de Jésus-Christ, contre les entreprises et les atteintes trop directes de la juridiction papale; on avait dû s'opposer à l'abus toujours croissant des exemptions, à l'action trop impérieuse des légats, à l'immixtion des vicaires apostoliques dans les affaires intérieures du clergé de France; il avait fallu défendre notre propre territoire contre la collation abusive des bénéfices français prodigués à des étrangers et aux sectateurs les plus outrés des doctrines ultramontaines, auxquels ils servaient à la fois d'appât et de récompense. Ces libertés servaient aussi de rempart au clergé du second ordre contre les ricochets de la puissance, quand les supérieurs immédiats abusaient de leur autorité pour vexer ou contraindre indûment leurs inférieurs ! Enfin dans la société civile et pour les actes les plus importants de la vie, le citoyen, le fidèle se trouvèrent en butte à des prescriptions, à des exigences, à des extorsions, à des excommunications téméraires contre lesquelles il fallait incessamment se défendre, si l'on ne voulait être tenu dans un véritable état d'exploitation et de servitude. Les libertés de l'Eglise gallicane ne sont donc que la défense naturelle à d'injustes prétentions; défense qu'il faudra reproduire aussi souvent que les entreprises et les attaques se renouvelleront.

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Il s'est trouvé cependant des gens (et cela parmi ceux qui ont l'habitude de se croire plus libéraux que les autres)

qui se sont mis à dire : Qu'est-ce donc que les libertés de l'Église gallicane au XIXe siècle? Eh quoi! vous en êtes encore là! c'est aujourd'hui un non-sens!

Oui, peut-être, pour ceux qui ne sont pas catholiques, ou pour les esprits forts qui se piquent de n'avoir aucun culte et de les braver tous. Ceux-là, j'en conviens, n'ont pas besoin pour leur usage de ce qu'on appelle les libertés de l'Église gallicane; ils en ont assez d'autres; ils ont toutes celles qu'ils se donnent, et tout ce qu'ils entreprennent sur celles d'autrui. Mais pour le catholique, pour celui qui tient à vivre intimement avec sa foi, à ne point s'en séparer, celui-là a besoin de se défendre autrement que les dissidents et les athées; il faut que sa défense se concilie avec le respect qu'il doit et qu'il veut garder aux choses de la foi et de la hiérarchie.

Sous ce point de vue, les libertés de l'Église gallicane sont donc : 1° pour l'Église qui leur a donné son nom, la marque et la garantie la plus certaine que le gouvernement auquel elle est soumise n'est pas un gouvernement tyrannique et absolu, mais un gouvernement réglé par des lois, auxquelles son Chef même ne peut pas arbitrairement déroger; c'est une monarchie, mais une monarchie en réalité constitutionnelle, et dont l'alliance avec les gouvernements civils qui portent ouvertement ce nom, semble d'autant plus facile que celui de l'Église leur a pour ainsi dire servi de modèle. (Voyez les notes sur l'art. XL des libertés, ci-devant p. 46.) 20 Pour les simples fidèles, les libertés gallicanes sont encore ce qu'elles ont toujours été, le moyen de n'être point opprimés dans l'exercice de leur foi, de ne dépendre que des véritables règles de l'Église, et non du caprice ou de l'ambition excentrique de tels ou tels de ses ministres. 3° Pour l'État, les libertés de l'Église gallicane n'ont pas cessé d'être ce qu'elles étaient autrefois, suivant la Déclaration de 1682 : le gage le plus assuré de l'indépendance de la couronne, et les droits du pouvoir politique dans tout ce qui regarde les rapports du pouvoir temporel avec le pouvoir spirituel et la police des cultes. C'est le droit des gens de la France vis-à-vis de la Cour de Rome, c'est son droit public à l'égard du clergé national. Le baron Charles Dupin, mon frère, a parfaitement exprimé et résumé ces idées dans le discours qu'il a prononcé le 23 avril 1844 à la Chambre des Pairs en répondant à

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UNIVER

BIBLIOTECA

102 UTILITÉ DES LIBERTÉS DE L'ÉGLISE GALLICANE.

un jeune orateur qui avait eu l'imprudence de nier ces libertés! « Les libertés de l'Église gallicane, a-t-il dit, ce » sont les libertés du roi, du clergé national, et du peuple >> catholique; ce sont les libertés qui garantissent la cou>> ronne du souverain, la mitre de l'évêque, l'étole du » prêtre et la famille du laïque; ce sont elles qui nous >> garantissent tous dans nos personnes, dans nos baptêmes, >> nos mariages et nos sépultures; dans notre dignité, >> notre propriété, nos droits et notre honneur, contre tout >> envahissement, toute oppression, toute confiscation, >> tentés par une partie de l'Église contre l'autre et par la » Cour de Rome contre l'Église gallicane. »

On conçoit donc que ces libertés ont conservé, sous tous les rapports, la même importance que sous l'ancien régime; car le régime de l'Église n'a pas cessé d'être ancien. C'est donc le cas, encore aujourd'hui, de répéter avec l'immortel auteur de la Déclaration de 1682 : « Conservons ces » fortes maximes de nos pères, que l'Église gallicane a >> trouvées dans la tradition de l'Église universelle.» (BosSUET. Discours de l'unité de l'Eglise.)

OPINION DE M. DE CORMENIN SUR LE MÊME SUJET.

(Droit administratif, appendice, p. 18, édit. de 1840.) « Ce qu'on appelle Libertés de l'Eglise gallicane n'est autre chose que le corps des Doctrines déclarées, enseignées et pratiquées sur la séparation des deux pouvoirs. Ces doctrines forment une partie du droit public du royaume. Elles établissent que, si les évêques relèvent de Rome dans l'ordre spirituel, ils relèvent du Gouvernement français dans l'ordre temporel; que, s'ils doivent vénérer la mère universelle des fidèles, ils ne doivent pas oublier non plus qu'ils sont enfants, sujets et serviteurs de l'Etat; que si l'autorité, d'accord avec l'Eglise, leur permet de publier des mandements et des lettres pastorales, c'est uniquement pour ranimer dans leurs ouailles les croyances de la foi, pour multiplier les œuvres de la charité, pour recommander l'observance des devoirs religieux; qu'ils doivent se montrer les plus soumis parce qu'ils sont les plus élevés; et que, s'il leur est permis de se mêler aux affaires publiques, ce n'est que pour dire aux peuples : « Rendez à César ce qui est à César; aimez votre gouver»nement; obéissez aux lois de votre pays. »

SUR LES LIMITES DE L'AUTORITÉ ECCLÉSIASTIQUE.

DÉCLARATION

DE LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE DE PARIS,

faite au Roi par ses Députés, au sujet des Thèses touchant l'infaillibilité du Pape.

Le 8 mai 1663.

Le jour de l'Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ (le 3 mai 1663), MM. de Miacé, Morel Bétille, de Bréda, Grandin, Guyard, Guichard, Gobillon, Coqueleu et MontGaillard, députés, s'assemblèrent en la maison de la Faculté, suivant l'arrêté de l'assemblée générale du jour précédent (2 mai), afin de résoudre entre eux la déclaration qui devait être faite au roi, au nom de la Faculté, par monseigneur l'archevêque de Paris, accompagné d'un grand nombre de docteurs.

1. Que ce n'est point la doctrine de la Faculté que le pape ait aucune autorité sur le temporel du roi; qu'au contraire, elle a toujours résisté, même à ceux qui n'ont voulu lui attribuer qu'une puissance indirecte.

2. Que c'est la doctrine de la Faculté que le roi ne reconnaît et n'a d'autre supérieur, au temporel, que Dieu seul; que c'est son ancienne doctrine, de laquelle elle ne se départira jamais.

3. Que c'est la doctrine de la même Faculté, que les sujets du roi lui doivent tellement la fidélité et obéissance, qu'ils n'en peuvent être dispensés sous quelque prétexte que ce soit.

4. Que la Faculté n'approuve point, et qu'elle n'a jamais approuvé aucunes propositions contraires à l'autorité du roi, ou aux véritables libertés de l'Église gallicane, et aux canons reçus dans le royaume par exemple, que le pape puisse déposer les évêques contre la disposition des mêmes canons.

5. Que ce n'est pas la doctrine de la faculté que le pape soit au-dessus du concile général.

6. Que ce n'est pas la doctrine ou le dogme de la Faculté que le pape soit infaillible, lorsqu'il n'intervient aucun consentement de l'Église.

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