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en deux classes: ceux intéressant les particuliers, et que l'on rendrait aux cours; et ceux intéressant la politique, que l'on réserverait au conseil d'Etat. Aujourd'hui, il n'y a plus d'évêques au conseil d'Etat, mais la jurisprudence des appels comme d'abus laisse encore beaucoup à désirer.

L'auteur du livre intitulé des Évêques ou Tradition des faits, etc., réimprimé en 1825, page 254, montre en peu de mots l'utilité qu'il y avait à laisser aux parlements la connaissance de toutes ces affaires... « Que l'on réfléchisse, dit-il, sur les dangers, trop prouvés dans cet écrit, et l'on reconnaîtra combien il est important et nécessaire pour l'ordre et la tranquillité de la monarchie qu'il y ait des Corps toujours subsistants, destinés à veiller sans cesse et sans distraction sur tout ce qui peut en conserver ou en troubler l'harmonie, et surtout à prévenir les usurpations des ecclésiastiques; elles sont d'autant plus dangereuses que les tentatives en sont plus multipliées et les artifices plus variés. Jamais ils ne se lassent de leurs défaites même semble toujours renaître une nouvelle ardeur. Quelle activité ne faut-il pas leur opposer! Où peut-on la trouver que dans des corps chargés uniquement de faire observer les lois ? >>

Il déplore ensuite l'aveuglement des princes qui, se laissant préoccuper par de fausses terreurs, ont souvent arrêté la légitime action des cours souveraines, lors même qu'elles protégeaient le plus efficacement les droits de la couronne. « Il faut l'avouer, dit-il, page 254, ce será toujours un paradoxe aussi difficile comprendre qu'il est véritable, que depuis dix siècles l'autorité royale ne paraisse avoir de force que pour rendre efficaces les coups que ses vrais ennemis ne cessent de lui porter, et de sévérité que pour punir comme un crime le zèle de tous ceux qui la défendent. »

On doit appliquer la même réflexion à la fausse opinion qui s'est introduite qu'on ne pourrait poursuivre les délits dont les ecclésiastiques se rendraient coupables qu'avec l'autorisation préalable du conseil d'Etat.

On s'est d'abord appuyé sur l'article 75 de la constitution de l'an VIII, mais il a été répondu avec raison que cet article était inapplicable aux ecclésiastiques: 1° parce qu'ils ne sont pas des fonctionnaires publics dans le sens

de cet article; 2o parce qu'à l'époque où la constitution de l'an VIII a été promulguée, le culte catholique n'étant pas encore rétabli, l'article 75 ne pouvait pas avoir eu en vue

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Alors on s'est retranché sur la disposition de l'article 8 de la loi du 48 germinal an X, qui, en parlant des appels comme d'abus et du mémoire qui devra être adressé au ministre des cultes par la partie plaignante, dit que sur le rapport de ce ministre l'affaire sera suivie et définitivement terminée dans la forme administrative (c'est-à-dire devant le conseil d'Etat), ou renvoyée, selon l'exigence des cas, aux autorités compétentes.

Mais de ce que le conseil d'Etat, compétent seulement pour juger les simples abus, est incompétent pour juger des faits qui auraient le caractère de délit; de ce que, dans ce dernier cas, il doit se dessaisir et renvoyer l'affaire aux autorités compétentes, c'est-à-dire aux tribunaux : il ne s'ensuit pas que lorsqu'au lieu d'agir par la voie d'appel comme d'abus, ou préfère agir par voie directe, les citoyens ne puissent pas de plano rendre plainte au magistrat, et poursuivre en justice le redressement des délits commis à leur égard.

L'article 8 ne dispose rien pour ce cas; il ne dit rien qui ait trait à la nécessité d'une autorisation préalable. Il ne dispose pas en général pour tous les cas, mais seulement pour celui où un délit se révèle à l'occasion d'un appel comme d'abus, et, dans ce cas seulement, il exige, non pas une autorisation qui puisse être arbitrairement accordée ou refusée, mais il ordonne le renvoi de la cause aux autorités compétentes.

C'est ainsi que dans les cas où un tribunal de première instance, procédant, comme disent les anciennes ordonnances, à la visitation d'un procès civil, rencontre la trace d'un délit, par exemple une pièce fausse, il doit renvoyer devant le juge criminel, mais sans que jamais on puisse voir dans la nécessité de ce renvoi la faculté d'autoriser ou de dénier des poursuites.

Et les arrêts l'ont ainsi jugé pendant quelque temps, mais ensuite d'autres considérations ont prévalu...

Jusqu'à présent du moins il est resté certain que, si une autorisation du conseil d'Etat est exigée pour les actions intentées par les particuliers, cette autorisation n'est pas

nécessaire pour l'action publique, surtout quand il s'agit de délits intéressant la sûreté de l'Etat. (Voyez au tome II de mes Réquisitoires, pages 22-25, l'arrêt du 25 juin 1834, rendu en conformité de mes conclusions.)

LXXXII.

Suite du précédent.

Qui est un fort sage temperament, pour servir comme de lien et entretien commun des deux puissances, si que l'une et l'autre n'ont juste occasion de se plaindre, et beaucoup moins que des inhibitions et autres moyens qui se pratiquent ailleurs, mesmes par ceux qui se vantent d'extreme obeyssance plus de parole que de faict. Des deux puissances. ] Pour empêcher qu'elles ne s'entrechoquent directement, sine medio.

Ailleurs.] C'est-à-dire en d'autres pays; en Espagne, par exemple, comme on peut s'en convaincre en lisant le traité de SALGADO : De regia protectione vi oppressorum appellantium à causis et judicibus ecclesiasticis.

LXXXIII.

Nécessité et avantage de la concorde entre les deux puissances.

Au surplus, tous ceux qui jugent droictement des choses peuvent assez cognoistre de quelle importance a esté et est encore autant et plus que jamais la bonne et entiere intelligence d'entre nostre sainct pere le pape et le roy de France, lequel, pour tres-justes causes et tres-grands merites, a emporté sur tous autres le tiltre de tres-chrestien et premier fils et protecteur de l'Église. Et pour ce doivent-ils en general et en particulier estre d'autant plus soigneux d'entretenir les liens de ceste concorde par les mesmes moyens qui l'ont faict durer jusque à cy, supportants plustost les imperfections qui y pourroient estre que s'efforçans de roidir outre mesure les cordes d'un nœud si franc et volontaire; de

peur que, par trop serrer et estraindre, elles ne se relaschent, ou (qui pis seroit, ce que Dieu ne veuille permettre) rompent tout à faict, au danger et dommage certain de toute la chrestienté, et particulierement du sainct siege, duquel un de ses plus sages prelats a tresprudemment recognu et tesmoigné par escrit que la conservation des droits et prerogatives de la couronne de France estoit l'affermissement.

Tres-chrestien.] Voyez les notes sur l'article VII.

Concorde.] Aussi la plupart des arrangements entre nos souverains et les papes ont-ils reçu le nom de concordats; quoiqu'ils n'aient pas toujours réuni tous les suffrages.

Par ce dernier article, qui est comme le couronnement de tous les autres, on voit (ainsi que nous l'avons dit en commençant) que les libertés de l'Eglise gallicane n'ont rien d'incompatible avec les droits essentiels du pape, et qu'en les défendant, à l'exemple de nos prédécesseurs; nous n'avons jamais entendu nous désunir de l'Eglise romaine, ni manquer à rien de ce qui est dû au souverain pontife, père commun de tous les fidèles. L'Eglise gallicane a rejeté les servitudes du droit nouveau; mais elle n'en est que plus fidèlement restée soumise et attachée aux devoirs qu'impose le plus ancien. Les gallicans sont orthodoxes!

Les libertés que nous invoquons tendent surtout à nous préserver des abus que les officiers de la cour de Rome ont faits et pourraient faire d'une autorité que nous respectons. Un de nos plus célèbres avocats-généraux, M. Gilbert de Voisins, a fidèlement exprimé ces sentiments lorsqu'il a dit, « qu'encore plus éloignés de la révolte des sectaires que de la servilité des ultramontains, nous révérons dans le saint-siége les prérogatives d'une juste primauté, le centre de l'épiscopat, le lien inviolable et permanent de l'unité fondée sur l'institution de Dieu même. »

DES LIBERTÉS

DE L'ÉGLISE GALLICANE.

(Chapitre 25 de l'Institution au Droit ecclésiastique de Fleury.)

Après avoir vu en détail en quoi consistent les Libertés de l'Église gallicane, j'ai pensé qu'on lirait avec intérêt ce chapitre, qui en offre simplement le résumé.

De tous les pays chrétiens, la France a été la plus soigneuse de conserver la liberté de son Église, et de s'opposer aux nouveautés introduites par les canonistes ultramontains, particulièrement depuis le grand schisme d'Avignon. La tradition constante des bonnes études en France, depuis le temps de Charlemagne, pendant plus de neuf cents ans; l'antiquité de la monarchie, la piété des rois, qui tous ont été catholiques; leur puissance, qui va toujours s'affermissant, nous ont donné plus de facilité à maintenir nos libertés, qu'aux autres nations qui n'ont pas eu les mêmes avantages.

Toutes les libertés de l'Eglise gallicane roulent sur ces deux maximes 1° Que la puissance donnée par JésusChrist à son Eglise est purement spirituelle, et ne s'étend directement ni indirectement sur des choses temporelles; 2o que la plénitude de puissance qu'a le pape, comme chef de l'Eglise, doit être exercée conformément aux canons reçus de toute l'Eglise; et que lui-même est soumis au jugement du concile universel, dans les cas marqués par le concile de Constance. Ces maximes ont été déclarées solennellement par le clergé de France, assemblé à Paris en 1682', comme étant l'ancienne doctrine de l'Eglise gallicane. On en tire plusieurs conclusions qui sont autant d'articles de nos libertés.

La puissance que Jésus-Christ a donnée à son Eglise ne regarde que les choses spirituelles, et ne se rapporte qu'au salut éternel donc elle ne s'étend point sur les choses temporelles; aussi a-t-il dit: Mon royaume n'est pas de ce monde; et ailleurs: Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu. Toute personne vivante doit donc être soumise aux puissances sou

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Voyez ci-après le texte même de cette Déclaration.

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