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pétent pour déclarer la faillite de ce commerçant. Pour les sociétés commerciales françaises ou belges ayant leur siège social dans l'un des deux pays, le tribunal compétent est celui de ce siège social.

Les commerçants des deux nations, dont le domicile n'est ni en France, ni en Belgique, peuvent être néanmoins déclarés en faillite dans l'un des deux pays, s'ils y possèdent un établissement commercial. Dans ce cas, le tribunal compétent est celui du lieu de l'établissement.

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§ 2. Les effets de la faillite déclarée dans l'un des deux pays, par le tribunal compétent d'après les règles qui précèdent, s'étendent au territoire de l'autre. Le syndic ou curateur peut, en conséquence, prendre toutes mesures conservatoires ou d'administration, et exercer toutes actions comme représentant du failli ou de la masse. Il ne peut, toutefois, procéder à des actes d'exécution qu'autant que le jugement en vertu duquel il agit a été revêtu de l'exequatur, conformément aux règles édictées par le Titre II ci-après. Le jugement d'homologation du concordat, rendu dans l'un des deux pays, aura autorité de chose jugée dans l'autre et y sera exécutoire d'après les dispositions du même Titre II.

§ 3. Lorsque la faillite déclarée dans l'un des deux pays comprend une succursale ou un établissement dans l'autre, les formalités de publicité exigées par la législation de ce dernier pays sont remplies, à la diligence du syndic ou du curateur, au lieu de cette succursale ou de cet établissement.

$4. -Les effets de sursis, concordats préventifs ou liquidations judiciaires, organisés par le tribunal du domicile du débiteur dans l'un des deux Etats, s'étendent, dans la mesure et sous les conditions ci-dessus spécifiées, au territoire de l'autre Etat.

Art. 9. Les mesures provisoires ou conservatoires organisées par les législations française et belge peuvent, en cas d'urgence, être requises des autorités de chacun des deux pays, quel que soit le juge compétent pour connaître du fond.

Art. 10.

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Pour tous les cas où la présente convention n'établit pas de règles de compétence commune, la compétence est réglée dans chaque pays par la législation qui lui est propre.

TITRE II. DE L'AUTORITÉ et de l'exÉCUTION DES DÉCISIONS JUDICIAIRES, DES SENTENCES ARBITRALES ET DES ACTES

AUTHENTIQUES.

Art. 11. Les décisions des Cours et Tribunaux rendues en matière civile ou en matière commerciale dans l'un des deux Etats ont dans l'autre l'autorité de la chose jugée, si elles réunissent les conditions suivantes :

1° Que la décision ne contienne rien de contraire à l'ordre public ou aux principes du droit public du pays où elle est invoquée ;

2 Que, d'après la loi du pays où la décision a été rendue, elle soit passée en force de chose jugée;

30 Que, d'après la même loi, l'expédition qui en est produite réunisse les conditions nécessaires à son authenticité ;

4° Que les parties aient été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes;

5° Que les règles de compétence rendues communes aux deux pays par la convention n'aient pas été méconnues.

Art. 12. - Les décisions des cours et tribunaux, rendues dans l'un des deux Etats, peuvent être mises à exécution dans l'autre Etat, tant sur les meubles que sur les immeubles, après y avoir été déclarées exécutoires. Les décisions belges rendues exécutoires en France. n'y entraîneront pas hypothèque judiciaire.

L'exequatur est accordé par le tribunal civil du lieu où l'exécution doit être poursuivie. Il a effet dans toute l'étendue du territoire.

Le tribunal saisi de la demande d'exécution statue comme en matière sommaire et urgente. Son examen ne porte que sur les points énumérés dans l'article précédent.

Art. 13. En accordant l'exequatur, le juge ordonne, s'il y a lieu, les mesures nécessaires pour que la décision étrangère reçoive la même publicité que si elle avait été prononcée dans le ressort où elle

est rendue exécutoire.

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Art. 14. Le jugement qui statue sur la demande d'exequatur n'est pas susceptible d'opposition. Il peut toujours être attaqué par la voie de l'appel dans les quinze jours qui suivent la signification à partie. L'appel est jugé sommairement et sans procédure.

Art. 15. Les sentences arbitrales rendues dans l'un des deux Etats ont dans l'autre l'autorité de la chose jugée, et peuvent y être rendues exécutoires, si elles satisfont aux conditions exigées par les nus 1, 2, 3 et 4 de l'article 11.

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L'exequatur est accordé par le président du tribunal civil de l'arrondissement dans lequel l'exécution est poursuivie.

Art. 16. Les actes authentiques, exécutoires dans l'un des deux pays, peuvent être déclarés exécutoires dans l'autre par le président du tribunal civil de l'arrondissement où l'exécution est demandée.

Ce magistrat vérifie si les actes réunissent les conditions nécessaires pour leur authenticité dans le pays où ils ont été reçus et si les dispositions dont l'exécution est poursuivie n'ont rien de contraire à l'ordre public ou aux principes de droit public du pays où l'exequatur est requis. Art. 17. -Les hypothèques consenties dans l'un des deux pays n'auront d'effet à l'égard des immeubles situés dans l'autre, que lorsque les actes qui en contiennent la stipulation auront été rendus exécutoires par le président du tribunal civil de la situation des

biens.

Ce magistrat vérifie si les actes et les procurations qui en sont le complément réunissent toutes les conditions nécessaires pour leur authenticité dans le pays où ils ont été reçus.

Art. 18. Dans les cas prévus par les articles 15, 16 et 17, la décision du président a effet dans toute l'étendue du territoire. Elle est susceptible d'appel.

La cour statue comme en matière d'appel de référé.

Art. 19. La présente convention ne sera applicable qu'aux décisions rendues par les cours et tribunaux postérieurement au jour où elle sera devenue obligatoire dans les deux pays.

Elle ne déroge pas à la convention internationale conclue, à la Haye, le 14 novembre 1896, et relative à la procédure civile.

Elle n'enlève aux Français aucun des droits que leur confère

la loi belge du 25 mars 1876, tant qu'elle sera en vigueur.

Art. 20. La présente convention est conclue pour cinq ans à

partir du jour de l'échange des ratifications. Dans le cas où aucune des Hautes Parties contractantes n'aurait notifié, une année avant l'expiration de ce terme, son intention d'en faire cesser les effets, la convention continuera d'être obligatoire encore une année et ainsi de suite, d'année en année, tant que l'une des Parties ne l'aura pas dénoncée.

Art. 21. La présente convention sera soumise à l'approbation des pouvoirs législatifs.

Les ratifications en seront échangées à Paris aussitôt que faire se pourra, et la convention entrera simultanément en vigueur dans les deux pays au jour fixé par les Parties contractantes.

En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs ont signé la présente convention, qu'ils ont revêtue de leurs cachets.

Fait à Paris, en double exemplaire, le 8 juillet 1899.

(L. S.) (L. S.)

Signé: DELCASSÉ.
Signé: Baron d'ANETHAN.

Exposé des motifs présenté par le Gouvernement francais aux Chambres pour obtenir l'approbation de la Convention qui précède : Messieurs,

Les dispositions de nos Codes relatives à la compétence de nos Tribunaux à l'égard des étrangers et à l'exécution des sentences rendues par des Tribunaux étrangers, ont donné lieu depuis longtemps à diverses critiques; elles ont souvent paru trop rigoureuses sur certains points, insuffisantes sur d'autres. L'exclusivisme et les lacunes de notre législation peuvent s'expliquer en partie par sa date. En 1804, les rapport avec les étrangers n'étaient pas aussi fréquents qu'aujourd'hui, et surtout ils n'étaient pas envisagés de la même manière. Si nos Codes venaient à être refondus, on peut affirmer que les articles 14, 15, 2123, al. 4, du Code civil, 546 du Code de procédure civile ne seraient pas maintenus tels qu'ils sont; ils seraient rectifiés et complétés. Le projet de revision du Code de procédure civile, élaboré avec grand soin par une Commission extraparlementaire et soumis à la Chambre des Députés le 5 mai 1894, règle à nouveau la situation des étrangers au point de vue des procès dans lesquels ils seraient engagés comme demandeurs ou défendeurs, et propose des solutions qui, tenant compte des vœux exprimés par la doctrine et les besoins nouveaux révélés par la pratique, s'écartent des règles formellement édictées par le Code civil ou admises par la jurisprudence, mais se rapprochent de celles qu'ont adoptées la plupart des pays qui nous entourent. En ce qui touche les jugements étrangers, on peut sans doute penser que la solution de notre jurisprudence, qui leur refuse en général l'autorité de la chose jugée, qui permet de remettre en question le bien fondé de la sentence devant le tribunal français auquel on demande de déclarer cette sentence exécutoire, toute rigoureuse et gênante qu'elle soit, est néanmoins nécessaire en tant que solution générale devant s'appliquer aux sentences rendues dans des pays très différents, dont certains peuvent avoir une législation et une organisation judiciaires n'offrant pas les mêmes garanties que nos lois et nos institutions. Il serait grave de nous obliger, sous la seule réserve de certaines conditions extrinsèques, à exécuter des décisions dont la justice ne pourrait pas toujours être présumée.

Mais s'il ne nous parait pas raisonnable de renoncer, pour les sentences rendues par des tribunaux quelconques, au contrôle d'un tribunal français, on comprend qu'il en soit autrement pour les décisions rendues dans des pays déterminés dont la législation et l'organisation judiciaires offrent des garanties analogues à celles que nous trouvons dans nos lois et dans nos tribunaux. N'est-il pas excessif, eu pareil cas, de ouvrir un nouveau debat sur un litige qui a été régulièrement terminé par un tribunal étranger compétent? N'est-ce pas donner des facilités trop grandes à l'esprit de chicane et même à la fraude du plaideur qui ne veut pas se soumettre à une juste condamnation ?

Dans cet ordre d'idées, la France a conclu des conventions en vertu desquelles, moyennant certaines justifications, des sentences rendues en Italie (1), dans le Grand-Duché de Bade et en Alsace-Lorraine (2), en Suisse (3), peuvent être rendues exécutoires en France sans qu'il y ait un nouveau débat sur le fond. Quelques-unes de ces conventions contiennent aussi des règles de compétence.

On s'est souvert, et avec raison, étonné qu'il n'y eût pas de convention analogue entre la France et la Belgique. Outre qu'il y a entre les deux pays de nombreuses et importantes relations tant civiles. que commercia les, beaucoup de Français étant établis en Belgique et beaucoup plus de Belges encore étant établis en France, la grande ressemblance entre les législations des deux pays, en concordance complète sur certains points, analogues sur d'autres, l'identité de langue, rendaient une entente à la fois nécessaire et facile. Un avocat du barreau de Paris, M. Ch. Lachau, connu par d'importantes publications sur la compétence à l'égard des étrangers et sur l'exécution des sentences étrangères, mit en relief l'utilité de la conclusion d'une convention franco belge sur la compétence et l'exécution des jugements, formula même un projet avec un exposé des motifs (4). L'idée fut acceptée en principe dans les milieux intéressés. Le Gouvernement français fit au Gouvernement belge des ouvertures qui furent accueillies favorablement. On convint de nommer, de part et d'autre, des commissaires chargés de préparer une convention.

Un avant-projet fut soumis par les commissaires français à leurs collègues belges; ceux-ci présentèrent à leur tour un contre-projet. Après un échange d'observations, une conférence eut lieu à Paris (5) et aboutit, le 29 avril 1899, à la signature du projet qui, accepté par les deux Gouvernements, est devenu la convention du 8 juillet 1899, que nous avons l'hon neur de soumettre à votre approbatiou.

Si l'élaboration a été lente, c'est parce qu'une convention internationale touchaut au droit privé est toujours une chose délicate qui demande une attention particulière. Les commissaires des deux pays étaient également

(1) Traité du 24 mars 1860 et Déclaration du 11 septembre 1860.
(2) Traité du 15 avril 1846, Convention du 11 décembre 1871 (art. 10).

(3) Traité du 16 juin 1869.

(4) Projet de traité entre la France et la Belgique, sur la compétence judiciaire des tribunaux et sur l'exécution réciproque des jugements en matière civile et commerciale (extrait du Bulletin de la Societe de legislation compurée), Paris, 1896.

(2) Elle comprenait pour le Gouvernement français, MM. G. de Boislisle, président de Chambre à la Cour d'appel de Paris; Ch. Lachau, avocat à la Cour d'appel de Paris, et Louis Renault, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Paris, jurisconsulte du Ministère des Affaires étrangères, et, pour le Gouvernement belge, MM. de Paepe, conseiller à la Cour de cassation, et van den Bulcke, ministre plénipotentiaire, directeur général au Ministère des Affaires étrangères.

animés du désir d'arriver aux solutions les plus rationnnelles, les plus conformes aux exigences d'une bonne administration de la justice. Tout en se préocccupant naturellement de leurs législations respectives, ils ont admis parfois des solutions qui ne cadrent exactement ni avec l'une ni avec l'autre. On n'aboutirait à rien, s'il n'y avait pas des concessions réciproques. L'entente est relativement facile dans un pareil domaine, où il ne s'agit pas de s'assurer un avantage exclusif et de remporter un succès politique. L'intérêt, au fond, est bien le même de part et d'autre; on peut seulement différer sur le meilleur moyen de le constater et d'y donner satisfaction. Nous pensons que la convention du 8 juillet pose des principes jusles en eux-mêmes et d'accord avec les intérêts des deux pays. Elle substitue des dispositions précises à des règles ou surannées ou incertaines; tout le monde ne pourra qu'y gagner.

L'objectif avait d'abord été le règlement de l'exécution, dans chacun des deux pays, des jugements rendus daus l'autre, mais il y a un lien intime et nécessaire entre cette question et celle de la compétence, puisqu'une des premières choses que doit faire la juridiction saisie d'une demande d'exequatur, c'est de vérifier si le tribunal qui a rendu la décision à exécuter était compétent (1). La convention comprend donc deux parties distinctes sur lesquelles nous allons fournir des explications.

TITRE PREMIER, - DE LA COMPÉTENCE.

L'idée fondamentale de la convention est clairement formulée dans l'article 11 en matière civile et commerciale, les Belges en France et les Français en Belgique sont régis par les mêmes règles de compétence que les nationaux. Ainsi, en principe, daus les rapports franco-belges, la compétence sera déterminée conformément aux règles du droit commun et abstraction faite de la nationalité des plaideurs, sans qu'il y ait à distinguer suivant la nature des actions. Un Français ne pourra donc poursuivre un Belge devant un tribunal français qu'autant que ce tribunal serait compétent si le défendeur était Français. La disposition exorbitante de l'article 14 du Code civil cesse, par suite, de pouvoir être invoquée contre les Belges. D'autre part, un Français ne pourra non plus être poursuivi par un Belge devant un tribunal français que si ce tribunal est compétent d'après les règles ordinaires. La disposition de l'article 15 du Code civil, interprétée par la jurisprudence en ce sens qu'un Français poursuivi par un étranger ne peut décliner la compétence des tribunauxfrançais, cesse de pouvoir être invoquée par les Belges, comme le dit expressément l'article 1, alinéa 3. Enfin, dans le cas d'un litige entre Belges ou entre Belges et étrangers, le tribunal saisi ne pourra s fonder sur la seule extranéité des parties pour refuser de connaitre de l'affaire ; il se déclarera compétent ou incompétent comme si le litige ne concernait que des Français.

Il résulte de là que les Belges en France sout, au point de vue de la compétence, assimilés aux Français. Cette assimilation ne doit cependant pas être poussée à l'extrême; elle est exacte en tant qu'il s'agit pour les Belges d'être soustraits à des règles exceptionnelles, nais non en tant qu'il s'agirait pour eux d'invoquer contre d'autres étrangers le bénéfice de

(1) Des Traités conclus en cette matière par la France, seul le Traité avec l'Italie ne règle pas la compétence, ce qui précisément a entraîné des difficultés dans la pratique.

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