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raient cette formalité propriétaires incommutables, sous la condition de payer une certaine partie du prix ou une redevance annuelle. Celles qui ne satisfirent pas à cette condition durent être poursuivies devant les conseils de préfecture, et ne purent devenir propriétaires que moyennant le payement intégral du prix. (Ord. 23 juin 1819.) Les délais déterminés par l'ordonnance du 23 juin 1819 sont expirés depuis longtemps; les détenteurs de ces biens ne peuvent aujourd'hui en devenir propriétaires incommutables qu'en les acquérant de la commune dans les formes prescrites par la loi ( nos 1600 et suiv.). Si cependant la question de revendication donne lieu à un procès qui présente quelques doutes, la cession de biens peut être de la part de la commune le résultat d'une transaction (no 1642). (Avis du comité de l'intér. du 14 mars 1843, et circ. du 10 juin 1843.)

1532. Nous venons de voir les seigneurs d'abord, et les particuliers ensuite, se mettant en possession, à différents titres, des biens appartenant aux communes; l'État s'est aussi plusieurs fois immiscé dans leurs affaires, et s'est attribué leurs biens sous des conditions dont lui seul était juge, et que les communes étaient forcées de subir. La loi du 24 août 1793, qui liquida les dettes de la république en payant les unes, en déclarant les autres éteintes ou réduites, mit à la charge de l'État les dettes des communes préalablement épurées et triées, en ayant soin notamment d'excepter celles dues à la république, pour éviter leur extinction par la confusion; puis l'actif des communes, dont l'État se chargeait ainsi de payer les dettes, à l'exception des biens communaux dont le partage était décrété, et des objets destinés aux établissements publics, fut déclaré appartenir à la nation jusqu'à concurrence des dettes payées. (L. 24 août 1793, 82 à 93.)

1533. Le gouvernement impérial, ayant besoin d'argent, s'attribua, par la loi du 20 mars 1813, tous les biens ruraux, maisons et usines possédés par les communes, excepté les bois, les biens dont la jouissance était laissée en commun, et tous ceux qui servaient à un usage public: la caisse d'amortissement figura dans ce marché comme acquéreur; elle fut déclarée propriétaire moyennant le payement d'une rente égale au revenu net des biens cédés (1). L'administration de l'enregistrement et des domaines prit possession, au nom de la caisse d'amortissement, des biens ainsi attribués à l'Etat, et en poursuivit la vente par adjudication dans la forme ordinaire. Cette mesure avait pour résultat de procurer au trésor un capital considérable, moyennant le payement d'une rente qui, étant égale au revenu ordinaire des biens, sauf plusieurs déductions, était de beaucoup inférieure à l'intérêt que le capital aurait pu produire, même au taux de cinq pour cent; c'était donc une opération excellente pour le trésor, mais une véritable spoliation pour les communes. (L. 20 mars 1813, t. 1, 1 à 6.)

La restauration, qui trouva l'opération commencée, en ordonna la continuation; elle prescrivit l'inscription sur le grand-livre des rentes dues aux communes, et enjoignit aux acquéreurs de verser leur prix dans les caisses du trésor (2). Mais la loi de finances du 28 avril 1816 vint enfin rapporter la loi du 20 mars 1813, et ordonna la restitution aux communes de ceux de leurs biens qui n'avaient point été vendus.

1534. Nous venons de parler d'une manière générale du patrimoine des communes, et des vicissitudes aux

(1) Le décret du 6 nov. 1812 détermine le mode d'évaluation.

(2) Ord. du 6 juin 1814; loi du 23 sept. 1814, art. 25, no 3. Voir aussi l'ord. du 16 juill. 1815.

quelles il a été exposé; il faut maintenant entrer dans quelques détails sur cette matière, distinguer les différentes espèces de biens, et exposer les règles qui les

concernent.

La loi du 10 juin 1793 porte, art. 1, que « les biens >> communaux sont ceux sur la propriété ou le produit » desquels tous les habitants d'une ou plusieurs com>>munes, ou d'une section de commune, ont un droit >> commun. » Le Code civil contient, art. 542, une définition qui ne diffère de celle de la loi de 1793 que parce qu'elle ne parle pas des sections de communes; mais son silence ne peut les dépouiller du droit d'avoir des biens distincts de ceux de la commune dont elles font partie. On sait que le mot biens comprend des meubles et des immeubles, des choses corporelles et des choses incorporelles, telles que des actions, des servitudes, etc. Cette observation est nécessaire pour l'intelligence de la définition qui parle des biens sur le produit desquels les habitants ont un droit commun; il est évident en effet que les biens sur lesquels les habitants n'ont que des droits d'usufruit, d'usage, de servitude, ne sont communaux que par rapport à l'usufruit, à l'usage, à la servitude, et non par rapport à la propriété.

1535. Les biens des communes peuvent se diviser en trois classes:

Biens publics communaux ;

Biens et revenus patrimoniaux;
Biens communaux proprement dits.

Nous appelons biens publics communaux tous ceux qui sont affectés soit à l'usage de tout le monde, soit à l'usage des habitants de la commune tels sont les rues, places, chemins et églises, les bâtiments consacrés à la maison commune, aux bureaux et aux diffe

rents services dépendants de la commune, les hospices, colléges, écoles primaires, les halles et marchés, etc. Nous avons déjà dit, au titre de la petite voirie, que les terrains des rues, places et chemins vicinaux appartiennent aux communes; quant aux bâtiments, les uns leur appartiennent depuis un temps immémorial, les autres ont été acquis ou construits de leurs deniers, d'autres enfin leur ont été attribués par le décret du 9 avril 1811. D'après ce décret, la pleine propriété des édifices et bâtiments nationaux occupés pour le service de l'administration, des cours, des tribunaux et de l'instruction publique, a été concédée gratuitement aux départements, arrondissements et communes; la remise en a été faite aux préfets, souspréfets et maires, chacun pour les établissements qui le concernaient. (Voir ce décret, n° 1380.) Ces actes de remise existent dans les archives, et constituent les titres de propriété des communes. Nous parlerons, en traitant des fabriques et des hospices, des biens consacrés au service des institutions religieuses ou de bienfaisance.

Nous sommes les premiers qui ayons donné aux biens dont nous venons de parler le titre de biens publics communaux; nous avons voulu par là les distinguer des autres biens des communes, et exprimer que l'usage auquel ils sont destinés les soumet à des règles particulières tout à fait semblables à celles qui régissent les choses dont il est question dans l'art. 538 du Code civil. Quoique cet article ne paraisse considérer comme étant hors du commerce que les choses qui appartiennent à l'Etat, il faut reconnaître cependant que les biens que nous venons d'énumérer n'appartiennent pas à l'Etat, et que cependant ils sont hors du commerce à cause de l'usage auquel ils sont

consacrés; il en résulte qu'ils ne peuvent être aliénés tant que leur destination n'est pas changée, qu'ils sont imprescriptibles, etc., etc. M. Proudhon, dans son Traité du Domaine public, publié en 1834, admet aussi un domaine public municipal; mais il en exclut les hôtels de ville et les maisons communes, « attendu, dit-il, qu'ils ne sont point asservis aux usages du public en général (1). » Nous n'adoptons point cette opinion, et nous considérons l'hôtel de ville comme consacré au service public, au moins autant que les colléges et les hospices, auxquels M. Proudhon reconnaît cette qualité. Nous pouvons nous appuyer sur le paragraphe 6 du tit. 1er du liv. 2 des Institutes, en faisant observer foutefois, avec M. Proudhon, qu'aujourd'hui les théâ tres ont perdu leur caractère d'établissements publics, lors même qu'ils appartiennent aux communes, parce que celles-ci en font un objet d'exploitation.

1536. Les biens patrimoniaux sont ceux qui se louent, qui s'afferment ou s'exploitent régulièrement au profit de la commune; tels sont les maisons; les metairies, les moulins, les usines, les prés et les terres labourables, les bois dont on vend les coupes (2). Il faut ranger dans cette classe les rentes sur l'Etat ou sur les particuliers, les créances dues aux communes, et le produit des droits et des contributions qu'elles sont autorisées à percevoir pour suppléer à l'insuffisance de leurs ressources. Nous parlerons plus loin de ces différentes branches de revenus.

Les biens patrimoniaux sont donnés à loyer; nous

(1) Traité du domaine public, t. 2, nos 342, 343 et 344.

(2) Nous avons déjà dit que les bois des communes étaient en général soumis au régime forestier. V. Code forestier, art. 1, 90 et suiv.; ordonnance du 24 août 1849; et, quant au payement des frais d'administration, voir l'article 5 de la loi du 25 juin 1841, qui abroge l'art. 106 du Code forestier. V. no 768, note 2.

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