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verrons la forme des baux en traitant des contrats des communes. (N° 1612 et suiv.)

1537. Les biens communaux proprement dits sont ceux dont la jouissance en nature est laissée aux habitants; tels sont les pâturages où ils envoient leurs bestiaux, les bois dont les coupes leur sont distribuées, etc., etc. Les biens de ces deux classes ne sont pas hors du commerce, par conséquent ils peuvent être aliénés, mais avec l'accomplissement de formalités particulières, el ils sont susceptibles de prescription (1). (C. civ. 2227.) La loi du 18 juillet 1837 attribue au conseil municipal le droit de régler le mode d'administration des biens communaux, le mode de jouissance et la répartition des pâturages et des fruits, sous certaines restrictions relatives aux bois. Nous allons faire connaitre les règles à cet égard; mais avant tout nous devons nous demander quelles sont les personnes qui ont droit au partage des fruits communaux.

1538. Le premier point à examiner est celui de savoir si, pour participer aux fruits des biens communaux, il est nécessaire d'être Français. L'article 2 de la section 2 de la loi du 10 juin 1793 n'appelait au partage des biens communaux que les citoyens français domiciliés dans la commune. Cependant un arrêt de la Cour de cassation (chambre des requêtes) du 26 février 1838 décidé que les étrangers peuvent devenir habitants d'une commuine, et en conséquence participer au partage des fruits communaux, toutes les fois qu'ils ont été légalement autorisés à établir leur doini

(1) La loi du 22 novembre 1790, art. 5, décide que les villes et communes qui ne sont pas places fortes, et qui ont la jouissance des anciens murs, fossés ou remparts, y sont maintenues, si elles sont fondées en titre ou si leur possession remonte à plus de 10 ans, et que celles dont la possession a été troublée ou interrrompue depuis 40 ans y sont rétablies. Ces biens sont patrimoniaux ou communaux, suivant l'usage qu'en fait la commune.

cile en France. Un autre arrêt de la chambre criminelle du 11 mai 1838, plus large que le précédent, décide que les droits de pâturage et d'affouage sont des droits réels établis pour l'utilité des maisons et des héritages de la commune; que la jouissance en appartient dès lors à tous ceux qui possèdent, habitent ou exploitent ces maisons ou héritages, quelle que soit leur qualité; et que la loi du 10 juin 1793 s'applique au partage des biens, et non à leur jouissance. On ajoute, en faveur de cette opinion, que les étrangers supportent les charges communales de la même manière que les habitants français ; qu'ils doivent donc participer aux mêmes avantages; et qu'aux termes de l'art. 13 du Code civil, dès qu'ils sont admis à fixer leur domicile en France, ils y jouissent de tous les droits civils.

La loi du 10 juin 1793 nous paraît avoir posé un principe parfaitement juste, quand elle a appelé au partage des biens communaux seulement les Français domiciliés dans la commune. On ne peut supposer en effet que ceux qui ont rendu les biens communs aient eu l'intention d'admettre à cette communauté d'autres que des Français. Les chartes municipales de la plupart des villes exigeaient de plus l'accomplissement de conditions spéciales des nouveaux membres de la bourgeoisie, et notamment le payement des droits connus autrefois sous les noms de droits d'entrée, de jouissance, d'incolat. On décide aujourd'hui que ces droits ne sont pas dus par les nouveaux habitants (1). Cette décision peut être critiquée, car elle est fondée sur la confusion que l'on a faite entre l'acquisition de priviléges qui n'existent plus, et l'acquisition d'une part de jouissance dans des biens qui existent encore; mais, si le payement d'un

(1) Circul. du ministre de l'intérieur du 28 mars 1838; arrêt de la Cour de cass. du 9 avril 1838.

droit spécial n'est plus exigé de ceux qui deviennent copropriétaires des biens communaux, on ne peut en conclure que la qualité de Français ne soit pas toujours nécessaire. Il est vrai qu'on distingue entre la copropriété des fonds et le droit de jouissance des fruits. Cette distinction ne nous semble nullement fondée. Le droit aux fruits est ici évidemment la conséquence du droit à la propriété, et l'on ne peut admettre que ceux-là percevraient une portion des fruits qui, en cas de partage, ne pourraient prétendre à aucune partie du fonds.

C'est encore, selon nous, un point de vue faux, que de présenter le droit aux fruits communaux comme une conséquence des charges auxquelles sont soumis les habitants de la commune, étrangers ou nationaux ; car ces charges pèsent sur les habitants des communes qui n'ont pas de biens, comme sur les habitants des communes qui en ont. Enfin, on ne peut considérer la participation aux fruits communaux comme un droit accordé par l'article 13 du Code civil aux étrangers admis à fixer leur domicile en France car il ne s'agit ici que d'un droit de copropriété, et non d'un droit civil proprement dit.

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L'arrêt de la chambre criminelle du 11 mai 1838, en considérant le droit aux fruits communaux comme attaché non aux personnes, mais aux choses, pose un principe qui ne manque pas de vérité, mais auquel il donne une trop grande extension. Il existe, en effet, des droits communaux inhérents aux propriétés, tels que celui de prendre dans les bois des arbres pour la reconstruction des maisons. Ces sortes de droits profitent aux propriétaires, quels qu'ils soient; mais on ne peut, comme l'a fait l'arrêt, placer dans la même catégorie le droit d'affouage, qui a un caractère tout per

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sonnel (C. for. 105). Nous devons aussi reconnaitre qu'un fermier étranger doit jouir des avantages même personnels appartenant à son propriétaire français, non pas en son nom, mais au nom du propriétaire dont il exerce les droits. C'est le cas de l'arrêt du 11 mai 1838, qui, ce nous semble, aurait dû être motivé sur cette considération (1).

Que doit-on entendre par le mot habitant? Suffirat-il, pour avoir droit à la jouissance des communaux, qu'un individu réside dans la commune, sans qu'on puisse examiner depuis combien de temps et à quel titre? Nous ne le pensons pas; car le droit de prendre sa part des fruits communaux suppose l'intention sérieuse de faire partie de la commune, et il y aurait de grands inconvénients à se contenter d'une simple manifestation d'intention, puisqu'un individu pourrait, par de fréquentes translations de domicile, participer successivement dans plusieurs communes au partage des fruits, sans appartenir réellement à aucune d'elles. En général, la jouissance des droits publics attachés à l'établissement d'un domicile est subordonnée à l'accomplissement de conditions qui garantissent la réalité de cet établissement. C'est ainsi que la constitution du 22 frimaire an VIII exigeait une année de résidence pour l'exercice des droits civiques. Si la législation nouvelle sur cette matière ne prescrit pas de délai fixe, elle exigè

(1) V. un arrêt de la Cour royale de Colmar du 20 janvier 1841 qui développe la doctrine contraire à celle de la Cour de cassation. Cette question est d'une grande importance pour les communes des provinces frontières, dans lesquelles un grand nombre d'étrangers pourraient venir s'établir, et diminuer par leur participation aux fruits communaux la part des habitants français. La Cour de cassation ne parait pas avoir sur ce point une jurisprudence bien arrêtée, car le 9 avril 1838 la chambre des requêtes a rendu sur la question quatre arrêts qui contiennent ce considérant : « Attendu qu'il est reconnu en fait que les défendeurs à la demande sont Français, domiciliés dans la commune, etc. »

du moins l'inscription sur les listes, ce qui entraine toujours un délai. Nous trouvons, quant à la participation aux fruits communaux, un principe analogue posé par l'art. 3 de la section 2 de la loi du 10 juin 1793, qui n'admet au partage des biens communaux, décrété le 14 août 1792, que les citoyens français domiciliés dans la commune un an avant le jour de la promulgation de ce décret; nous pensons que cet article est encore en vigueur. D'après la loi du 10 vendémiaire an iv, tit. 3, art. 4, le tableau des habitants d'une commune ne doit contenir que ceux qui y sont domiciliés depuis un an. L'art. 6 de la constitution du 22 frimaire an vin dit aussi que le domicile politique s'acquiert par une résidence d'un an.

M. Carré, dans son Traité sur les droits d'usufruit, est d'un avis contraire, et soutient que le principe de la loi du 10 juin à été abrogé par le Code civil, qui pose le principe de la jouissance des propriétés communales, et qui règle les effets et les conditions du domicile, auxquels sont attachés les droits de l'incolat. Ce raisonnement ne nous paraît pas concluant, car le Code civil ne s'est occupé du domicile que sous un tout autre point de vue; et en parlant des droits des habitants sur les biens communaux, il se réfère évidemment, quant aux conditions requises pour avoir la qualité d'habitant, aux lois spéciales sur la matière. Le Code forestier du 21 mai 1827 prouve bien que l'acquisition de domicile, telle qu'elle est réglée par le Code civil, serait insuffisante, puisqu'il déclare dans l'art. 105 que le droit aut partage des bois appartient aux chefs de maison ayant domicile réel et fixe; enfin si, aux termes de la loi du 24 vendémiaire an 11, un indigent ne peut obtenir de secours dans une commune qu'autant qu'il y a séjourné pendant un an, comment admettrait-on qu'il peut avant

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