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tablissement public, le bien reste dans le patrimoine du donateur, ou profite aux héritiers quand la disposition a eu lieu par testament. Mais l'ordonnance d'acceptation ne pourrait pas modifier les clauses de la libéralité, ou répartir le montant des réductions qu'elle prononcerait entre les héritiers. Nous devons faire observer toutefois, comme l'a fait le ministre de l'intérieur dans un rapport au Roi du mois d'avril 1837, que l'intérêt des héritiers ne vient qu'en seconde ligne, parce que les dispositions du Code civil sur la réserve suffisent ordinairement pour les protéger.

1592. Le refus d'autoriser un établissement public à accepter un legs ne profite pas toujours à l'héritier du sang. En effet, s'il y a un légataire universel, qu'il soit ou non en concours avec un héritier à réserve, comme il est tenu du payement du legs dans l'un comme dans l'autre cas (C. C., 1006, 1009), si, par suite du défaut d'acceptation du donataire, le legs devient caduc, c'est lui, débiteur du legs, qui profite de la caducité, de telle sorte que l'héritier du sang n'en retire aucun avantage. L'existence d'un légataire universel, et même de légataires à titre universel, tenus également du payement des legs particuliers (1012 du C. C.), doit donc être prise en considération lorsqu'on délibére sur la convenance d'autoriser ou non l'acceptation.

1593. Le conseil municipal est appelé d'abord à délibérer sur l'acceptation des dons et legs qui sont faits à la commune; si la libéralité consiste dans des objets mobiliers ou dans des sommes d'argent dont la valeur n'excède pas 3,000 francs, et s'il n'y a pas de réclamations de la part des prétendants droit à la succession, la délibération du conseil municipal tendant à l'acceptation est exécutoire en vertu d'un arrêté du préfet. C'est une dérogation à l'article 910 du Code civil, qui

parle d'une ordonnance du Roi. Dans tous les autres cas, et lorsque la délibération porte refus d'acceptation, quelle que soit la valeur de la donation, il faut une ordonnance du Roi, le Conseil d'État entendu, sur l'avis des préfets et sous-préfets (1).

1594. En attendant que l'autorisation supérieure intervienne, le maire peut, à titre conservatoire et en vertu d'une délibération du conseil municipal, accepter provisoirement les dons et legs, conformément aux dispositions du Code civil (2). L'ordonnance du Roi ou l'arrêté du préfet qui intervient ensuite a effet du jour de cette acceptation. (L. 18 juillet 1837, 48 *.) Cette disposition est fort importante par rapport aux donations entre-vifs, qui ne lient le donateur que du jour de l'acceptation; elle empêche la caducité dans le cas où le donateur viendrait à mourir avant que l'autorisation d'accepter soit accordée. (Art. 932 Cod. civ.) Un avis du Conseil d'État du 4 juin 1840 décide que les donations faites en faveur des établissements publics doivent être réalisées devant notaire avant que l'acceptation en soit autorisée, pour que l'autorisation royale n'intervienne que sur un acte ayant une valeur légale, et qu'on ne puisse pas craindre que dans la rédaction définitive le projet sur lequel l'autorisation serait intervenue ne soit modifié. Les notaires dépositaires de testaments qui contiennent des legs au profit des communes sont tenus, lors de l'ouverture de ces testa

(1) Aucune loi n'exige que les héritiers du testateur soient mis en demeure de présenter leurs réclamations. (Avis du comité de l'intérieur du 31 mars 1835.) Secus quand il s'agit de legs faits à des établissements ecclésiastiques et à des communautés religieuses de femmes. Ord. du 14 janvier 1831, art. 3.

(2) L'acceptation provisoire d'une donation faite à un établissement public ne rend pas exigible le droit proportionnel, tant qu'une ordonnance n'a pas autorisé l'acceptation définitive. (Délibér. de la régie du 11 juill. 1837.)

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ments, d'avertir les maires, afin de les mettre en mesure de faire des actes conservatoires.

L'autorisation administrative ne fait pas obstacle à ce que les tiers intéressés se pourvoient par les voies de droit contre les dispositions dont l'acceptation a été autorisée. (Ord. 2 avril 1817 *.)

1595. On a demandé si les donations d'objets mobiliers faites de la main à la main aux administrateurs des établissements publics étaient assujetties aux formalités dont nous venons de parler. Pour la négative on invoque la doctrine et la jurisprudence, qui considèrent la tradition d'un objet mobilier comme un moyen d'acquérir du droit naturel, qui n'est nullement assujetti aux formes prescrites par la loi civile (1).

Mais on répond, dans le système contraire, que ce principe, qui n'a pas d'inconvénients lorsqu'il s'agit d'un don manuel fait par une personne capable de donner à une personne capable de recevoir, en aurait beaucoup si on pouvait l'invoquer pour valider un don fait à un incapable, car alors on ne manquerait pas d'employer la tradition pour éluder les dispositions prohibitives de la loi; qu'en accordant au don manuel tous les effets d'une donation ordinaire, il faut bien aussi l'assujettir aux règles générales qui sont prescrites pour ces sortes de donations; qu'ici des considérations d'ordre public font exiger une autorisation du Roi pour l'acceptation; que ces considérations, qui s'appliquent à une donation faite ostensiblement dans un acte passé par-devant notaire, prennent une nouvelle force quand il s'agit d'un fait souvent occulte qui peut avoir

(1) V. M. Grenier, t. 1, p. 176 et 179 bis; M. Merlin, Questions de droit, yo Donation; M. Toullier, t. 5, no 117. Voir, pour connaître la jurisprudence, M. Dalloz, Recueil alphabétique, vo Dispositions entre-vifs, ch. 4, sect. 2, art. 2.

lieu entre deux personnes dont l'une a quelquefois sur l'autre une grande influence.

Les auteurs ne font nulle difficulté de décider que les règles du fond, telles que celles relatives à la réduction et au rapport de la donation, sont applicables au don manuel, et qu'il doit être annulé quand il est fait au profit d'un incapable (1). Or il y a pour les établissements publics une incapacité de recevoir qui ne peut être levée que par une ordonnance du Roi; par conséquent toute acceptation faite par eux avant que cette ordonnance ait été rendue n'est que provisoire. On comprend toutefois que la rigueur de ces principes ne doit pas s'appliquer aux choses d'une modique valeur, telles que les effets mobiliers qui peuvent être dounés à des établissements de bienfaisance pour être consacrés aux besoins des pauvres, les sommes provenant des quêtes et des souscriptions que les établissements pourraient faire dans une circonstance malheureuse, etc. (2).

Cette doctrine est confirmée par un avis du comité de législation en date du 28 janvier 1840. (V. Vuillefroy, Administration du culte catholique, p. 282, note 6.)

Il arrive quelquefois qu'un legs est fait à un établissement public sous la condition de services qui rentrent dans les attributions d'autres établissements; par exemple à une fabrique, sous la condition qu'elle fondera une école primaire gratuite. Une telle école ne

(1) V. MM. Grenier, t. 1, p. 176, et Toullier, t. 3, no 178.

(2) Un arrêt de la Cour de Paris, du 12 janv. 1835, consacre ce principe quant aux sommes modiques, ce qui doit être apprécié eu égard à la for tune du donateur. Un arrêt de la Cour de Bourges, du 21 novembre 1831, pose au contraire d'une manière générale le principe de la nécessité de l'autorisation. La Cour de cassation à jugé, le 26 novembre 1833, que tout est consommé par le dessaisissement du donateur et par l'appréhension du donataire; que peu importe que l'autorisation intervienne après le décès du donateur, parce que les art. 932 et 937 du Code civil ne s'appliquent pas aux dons manuels, qui ne sont assujettis à aucune formalité.

peut être fondée que par la commune; mais ici la commune n'est pas légataire; d'où il résulterait, d'après la rigueur des principes, que le legs serait caduc. Un avis du Conseil d'État du 4 mars 1841 a résolu la difficulté, en décidant que, dans des cas semblables, on autoriserait simultanément les deux établissements à accepter. De cette manière, la volonté du testateur reçoit son exécution, et les règles de l'administration publique sont observées.

SII. Acquisitions à titre onéreux.

1596. Les acquisitions à titre onéreux exigent des formalités d'une autre nature qui sont toutes dans l'intérêt des communes, et ont pour but de prouver que l'acquisition est nécessaire, et qu'elle n'est pas faite à des conditions désavantageuses. Le conseil municipal délibère sur le projet d'acquisition; sa délibération, lorsqu'elle est affirmative, est rendue exécutoire par arrêté du préfet en conseil de préfecture, quand il s'agit d'une valeur n'excédant pas 3,000 francs pour les communes dont le revenu est au-dessous de 100,000 francs, et 20,000 francs pour les autres communes; s'il s'agit d'une valeur supérieure, il est statué par ordonnance du Roi.

Les pièces à produire sont :

1° L'estimation de l'immeuble à acquérir; le procèsverbal de cette estimation doit être fait contradictoirement par deux experts, nommés l'un par le maire, l'autre par le propriétaire vendeur; 2° le plan des lieux, s'il s'agit d'un édifice important, et le devis des travaux à faire pour la destination que l'on veut lui donner; 3° le consentement du propriétaire. Pour que la commune et le vendeur soient liés de part et d'autre, on fait un acte portant promesse de vendre et promesse d'acheter d'après les conditions énoncées, lorsque

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