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que la nature des travaux était déterminée par l'origine des fonds destinés à les acquitter; d'où il résulterait que les travaux payés par les communes devraient toujours être assimilés à des travaux d'intérêt privé. M. Tarbé de Vauxclairs, dans son Dictionnaire des travaux publics, repousse avec raison cette dernière opinion; il pense que c'est la destination de l'entreprise et non l'origine des deniers qu'il faut consulter, et que par exemple les travaux d'une portion de route royale ne perdraient pas leur caractère de travaux publics parce qu'une commune en ferait les frais. Il nous semble que la juridiction de l'administration, étant établie

Conseil, dont 14 déclaraient les travaux d'utilité publique, et 13 ne leur reconnaissaient qu'un intérêt communal. Un arrêt de la Cour de cassation du 3 février 1841 et un arrêt du Conseil du 23 juin 1841, statuant l'un et l'autre sur les travaux de construction d'une église, ont adopté des systèmes contraires; nous croyons devoir en citer les textes comme présentant le dernier état de la jurisprudence:

Cour de cass. du 3 février 1841. 1« Attendu qu'il s'agit de la construction de l'église de P...; que les devis et cahier des charges des travaux de cette église ont été rédigés par ordre de l'administration municipale; que l'adjudication a eu lieu par-devant le maire, non comme délégué de l'autorité supérieure, mais comme administrateur des intérêts de sa commune; que les travaux ont été dirigés et surveillés par un architecte à ce désigné; que le prix des travaux devait être entièrement acquitté avec les fonds de la commune; que l'approbation soit de l'adjudication, soit des devis et cahier des charges, par le préfet investi de la tutelle légale des communes, ou même par le ministre, approbation nécessitée par l'importance de la dépense, aux termes des lois et règlements, n'a pu altérer la nature des travaux qui sont purement communaux, et ne peuvent dès lors être réputés travaux publics; - attendu d'ailleurs que le débat s'agitait, non entre le demandeur et l'administration, mais entre le demandeur et une commune; qu'ainsi, sous aucun rapport, la contestation ne rentrait dans la classe de celles dont la connaissance est attribuée, par l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse an vin, aux conseils de préfecture, et était dès lors soumise à la juridiction des tribunaux, etc. »

Conseil d'Etat du 23 juin 1841.- « Considérant que, par leur nature et leur destination, les travaux de construction de l'église d'A..., adjugés au sieur G..., avaient le caractère de travaux publics; que dès lors il appartenait au conseil de préfecture de connaître de la contestation élevée entre le sieur G... et la commune d'A... » Il aurait été à désirer que l'arrêt du Conseil fût motivé avec plus de soin, et eût indiqué, au lieu de trancher la question, les caractères distinctifs des travaux publics.

dans l'intérêt général, ne doit pas s'étendre aux travaux dont le caractère dominant est de n'intéresser que la localité; que, par rapport à ces travaux, les communes ne sont que des personnes morales traitant pour des intérêts qui leur sont propres, et que les contrats qu'elles passent, bien que revêtus de formes administratives exigées dans leur intérêt, ne sont que des conventions privées qui doivent être appliquées et interprétées par les tribunaux ordinaires.

1621. Lorsqu'un travail intéresse plusieurs communes, les conseils municipaux sont spécialement appelés à délibérer sur leurs intérêts respectifs et sur la part de la dépense que chacune d'elles doit supporter. Ces délibérations sont soumises à l'approbation du préfet. En cas de désaccord entre les conseils municipaux, le préfet prononce, après avoir entendu les conseils d'arrondissement et le conseil général. Si les conseils municipaux appartiennent à des départements différents, il est statué par ordonnance royale. La part de la dépense définitivement assignée à chaque commune est portée d'office aux budgets respectifs. En cas d'urgence, un arrêté du préfet suffit pour ordonner les travaux, et pourvoit à la dépense à l'aide d'un rôle provisoire; il est procédé ultérieurement à sa répartition définitive. (L. 18 juillet 1837, 72, 73 *.) Ces règles toutefois ne sont applicables qu'aux dépenses obligatoires, les seules qui puissent être portées d'office au budget; c'est ce que prouve surabondamment le renvoi fait par l'article 72 à l'article 39. (Lettre min. du 24 mars 1841.)

S X. Emprunts.

1622. La trop grande facilité qu'auraient les communes à contracter des emprunts serait pour elles unc

cause de ruine; aussi la loi prend-elle des précautions pour qu'elles ne soient autorisées à emprunter qu'autant qu'elles y sont contraintes par un besoin réel et urgent. Les emprunts sont votés par la commune de la même manière que les contributions extraordinaires, c'est-à-dire avec l'adjonction des plus imposés pour les communes dont le revenu est inférieur à 100,000 fr. Ils sont autorisés par une ordonnance du Roi rendue dans la forme des règlements d'administration publi. que pour les communes ayant moins de 100,000 fr. de revenu, et par une loi s'il s'agit d'une commune ayant un revenu supérieur. En cas d'urgence, et dans l'intervalle des sessions, l'ordonnance du Roi suffit pour autoriser les communes de cette seconde classe à contracter un emprunt, mais seulement jusqu'à concurrence du quart de leur revenu (L. 18 juillet 1837, 41, 42* ); ce qui veut dire que la dépense projetée ne doit pas excéder en totalité le quart des revenus communaux, sinon ce serait engager à l'avance le vote des Chambres, et leur enlever le droit de contrôle que la loi leur attribue.

1623. L'emprunt peut se faire de deux manières, savoir : 1° par adjudication avec publicité et concurrence; 2o par traité de gré à gré avec la caisse des dépôts et consignations. Les formalités et les conditions à remplir pour contracter des emprunts avec la caisse des dépôts et consignations sont énumérées dans une instruction du directeur général de cette caisse, en date du 20 août 1840.

Les pièces à produire à l'appui des propositions d'emprunt sont : 1o la délibération municipale énonçant, outre la demande en autorisation, le taux de l'intérêt, le mode et les termes du remboursement, ainsi que les ressources à l'aide desquelles la commune se pro

pose d'y pourvoir, et qui doivent être régulièrement votées ; 2o un relevé présentant, dans des colonnes distinctes, le total des recettes et dépenses ordinaires, d'après le compte des trois derniers exercices, afin que l'on puisse juger si la commune est en mesure de se libérer dans le temps fixé; 3° un état dùment certifié des dettes de la commune; 4° le projet des travaux à exécuter, ou l'énoncé des charges auxquelles l'emprunt proposé a pour but de subvenir; 5o le budget communal réglé pour l'exercice courant; 6° l'avis du souspréfet et du préfet. L'autorisation accordée, l'emprunt doit être réalisé à l'époque convenue, sinon une nouvelle autorisation serait nécessaire. (Instr. du 12 août 1840.)

1624. Nous terminerons ce chapitre par l'examen d'une question qui présente un assez grand intérêt. Nous venons de voir que les contrats des communes doivent être autorisés tantôt par le préfet, tantôt par une ordonnance du Roi, suivant l'importance de la chose qui en fait l'objet; lorsqu'une ordonnance est nécessaire, le ministre de l'intérieur peut-il se dispenser de soumettre à la délibération du Conseil d'État la demande d'autorisation, et mettre ainsi indirectement obstacle au contrat?

Deux arrêts du Conseil des 12 janvier 1835 et 6 avril 1836 ont jugé la négative, et annulé des décisions ministérielles qui avaient refusé de soumettre au Conseil d'État et rejeté des demandes d'autorisation en acceptation de legs formées par une commune et par un hospice; mais un arrêt plus récent, du 17 janvier 1838, a repoussé la réclamation formée par une commune contre une décision du ministre de l'intérieur qui lui avait refusé l'autorisation de faire une acquisition. Cet arrêt

se fonde sur ce que l'acte du ministre contre lequel le pourvoi de la commune est dirigé est un acte d'administration et de tutelle, et que dès lors il n'est pas susceptible de lui être déféré par la voie contentieuse.

Nous ne pouvons approuver cette dernière jurisprudence. En effet le ministre de l'intérieur n'est chargé de la tutelle des communes que par une délégation du pouvoir exécutif : or, lorsque la loi réserve à ce pouvoir certains actes à cause de leur importance, le ministre ne peut les faire seul; toutes les fois donc qu'une disposition de loi veut qu'il soit statué sur une demande d'autorisation par le Roi, le ministre est obligé de soumettre l'affaire au Conseil d'État. En refusant lui-même l'autorisation, ou, ce qui revient au même, en refusant de soumettre la demande au Conseil d'État, il fait évidemment une chose qu'il n'a pas le droit de faire, et sa décision doit être annulée par ce motif. Nous pensons donc que l'arrêt du 17 janvier est contraire aux véritables principes, et qu'on doit s'en tenir à la jurisprudence établie par ceux des 12 janvier 1835 et 6 avril 1836.

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1625. Par qui sont représentées les communes en justice? 1626. Peut-on forcer une commune à intenter une action?

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