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sonnel des ouvriers ou des artisans, en leur assurant des moyens de crédit mutuel, ou en augmentant leurs salaires par la suppression des entrepreneurs et intermédiaires, ou encore en leur faisant obtenir à prix réduits les choses nécessaires à la vie ou à l'exercice de leur profession ». « C'est donc, ajoute-t-elle, par l'examen des statuts de chaque société qu'il est possible d'en déterminer le caractère... ». Cette règle paraît exacte. Une société est, en effet, caractérisée par son objet ou, mieux, par son but, et ce n'est guère que par les statuts que ce but est révélé. Nous savons, d'ailleurs, par les exemples précédemment donnés, quels genres d'objets caractérisent les sociétés coopératives.

9. OUVRIERS ET ARTISANS. La deuxième condition nécessaire pour qu'une société puisse bénéficier des dispositions de l'art. 21 de la loi de 1903 est qu'elle soit formée exclusivement entre des ouvriers ou des artisans, c'est-à-dire entre personnes exerçant une profession manuelle, soit sous la dépendance d'un patron, soit sans le concours d'auxiliaires nombreux.

L'ouvrier, en effet, est le salarié qui travaille pour le compte et sous la direction d'autrui; l'artisan est celui qui est à son propre compte, mais qui, en principe, n'emploie aucun ouvrier. Cependant, on considère encore comme artisan celui qui a recours accidentellement au travail d'un auxiliaire et même le forgeron, le maréchal ferrant, le tailleur, le cordonnier, etc., qui occupent d'une manière permanente un ou deux ouvriers seulement.

Une société coopérative qui serait ouverte à tout le monde, devrait l'impôt sur le revenu suivant la règle générale. C'est ce qni a été reconnu, sous l'empire de la loi de 1875, pour une société de panification qui acceptait comme associés des personnes de toute condition (Sol. 4 mai 1882, J. E. 21.899). La décision serait la même si la société était constituée entre personnes de même profession, mais était accessible à certaines d'entre elles ayant la qualité de patron. Par exemple, une société de magasinage organisée pour recevoir et pour vendre les objets que les associés fabriquent séparément, devra supporter la taxe sur le revenu dans les conditions ordinaires, si un ou plusieurs des associés ont sous leurs ordres un certain nombre d'ouvriers et n'out pas, par conséquent, la qualité d'artisan. Les statuts de la société permettent, le plus souvent, de reconnaître si ses membres ont la qualité requise pour l'application de la loi du 30 décembre 1903. Mais il peut arriver que ces statuts soient conçus en termes peu explicites ou trop compréhensifs. Dans ce cas, il appartient à la société qui se prétend dans les conditions voulues pour bénéficier de l'exemption d'impôt, d'établir par ses registres et documents sociaux que seuls sont admis comme sociétaires les ouvriers et les artisans. Par exemple, si une société est constituée entre

«< forgerons » d'une même localité ou d'une région déterminée, pour l'achat des matières premières, cette société devra démontrer qu'aucun de ses membres n'est patron forgeron. Par contre, lorsqu'une société est expressément constituée entre ouvriers ou artisans, l'Administration peut lui dénier le droit de profiter de l'immunité édictée par l'art. 21 de la loi de 1903 en établissant, par les moyens compatibles avec la procédure écrite, qu'il se trouve, en fait, parmi les sociétaires, des personnes n'ayant jamais eu ou ayant perdu depuis leur entrée dans la société, la qualité d'ouvrier ou d'artisan.

Une société qui, pendant un certain nombre d'années, a légitimement profité de l'exemption particulière aux sociétés coopératives, parce que ses associés étaient réellement ouvriers ou artisans, peut donc, à un moment donné, se voir appliquer la règle commune, si, à ce moment, un ou plusieurs des sociétaires ont changé de qualité.

Ainsi, sera assujettie à la taxe la société entre ouvriers qui, d'abord modeste, est amenée, par sa prospérité, à employer des auxiliaires, c'est-à-dire des ouvriers travaillant pour elle comme ils travailleraient pour un patron. Les associés deviennent alors de véritables patrons, et la société ne remplit plus l'une des conditions indispensables, d'après la loi, pour jouir de l'immunité d'impôt.

Il est à peine besoin d'ajouter que cette modification de la qualité des sociétaires ne peut avoir d'effet rétroactif et n'autorise pas l'Administration à réclamer la taxe pour les années antérieures. L'impôt n'est dû qu'à compter du jour où la société ne se trouve plus dans la catégorie des associations soumises au régime de faveur.

10. SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES DE CONSOMMATION. La disposition qui forme l'art. 21 de la loi de finances de 1903 a été introduite, au cours de la discussion, sous forme d'un amendement dû à l'initiative de M. Veber, député, et accepté en ces termes par le président de la commission du budget: « Je crois que, si le gouvernement n'y fait pas d'opposition, nous pouvons sans inconvénient adopter la disposition qui nous est proposée par la commission de législation fiscale, et qui tend à régler au point de vue de certains impôts le sort des associations ouvrières de production... si le gouvernement n'y fait pas d'opposition, nous accepterons d'insérer cette disposition dans la loi. » — M. le Ministre des finances : « J'accepte » (Chambre, 1re séance du 4 déc. 1903, J. O. du 5 déc., p. 3172, col. 3).

Nous ne pensons pas qu'il y ait lieu d'appliquer à la lettre l'expression limitative employée par le président de la commission du budget: «< Associations ouvrières de production », d'autant plus que M. Veber, rapporteur de la commission de législation fiscale, a donné des sociétés exemptes une définition beaucoup plus large, en les désignant ainsi : « les associations et coopératives ouvrières » (J. 0.

loc. cit.). Au surplus, tels sont à peu près les termes de la loi et c'est ce seul texte qui fait foi et doit être littéralement appliqué.

Nous pensons donc que les sociétés coopératives ouvrières de consommation ou de crédit doivent bénéficier de la loi nouvelle, au même titre que les sociétés de production.

L'exemption pro

11. AssociatIONS DE SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES. noncée par la loi de 1903 s'applique non seulement aux sociétés coopératives, telles qu'elles viennent d'être définies, mais encore aux associations ou syndicats formés exclusivement entre ces sociétés. La seule condition de l'exemption d'impôt est que chacune des unités constitutives du groupement remplisse les deux conditions exigées par la loi pour être dispensée de la taxe.

12. REVENU DES ACTIONS, PARTS D'INTÉRÊT, OBLIGATIONS ET EMPRUNTS. - L'exemption de taxe n'est plus limitée, comme en 1875, aux parts d'intérêt, à l'exclusion des actions et des obligations ou emprunts. Aujourd'hui elle est absolue et s'étend à tous les produits, quels qu'ils soient, distribués ou payés par les sociétés coopératives ouvrières.

13. RETROACTIVITÉ DE LA LOI NOUVELLE. Enfin cette dispense d'impôt s'étend même aux sommes dues au Trésor au jour de la mise à exécution de la loi nouvelle. L'Instruction n° 2846 est applicable au cas particulier, par analogie. On doit décider notamment que les taxes régulièrement perçues jusqu'à la promulgation de la loi ne sauraient être restituées.

14. SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES AUTRES QUE CELLES BÉNÉFICIANT DES ART. 1er DE LA LOI DU 1er DÉCEMBRE 1875 ET 21 DE LA LOI DE 1903. Les sociétés coopératives qui ne rentrent point dans les exceptions prévues par les art. 1 de la loi du 1er décembre 1875, et 21 de la loi du 30 décembre 1903, sont, il est à peine besoin de l'indiquer, entièrement soumises aux dispositions de la loi du 29 juin 1872.

15. SOMMES DISTRIBUÉES AUX ASSOCIÉS. BENÉFICES OU REMBOURSEMENTS. DISTINCTION. Mais, pour déterminer quelles sont les sommes sur lesquelles la taxe établie par cette loi doit être perçue, il ne faut pas oublier que seuls y sont assujettis les bénéfices distribués, c'est-à-dire les revenus produits par les actions, les parts d'intérêt ou les commandites. Les sommes réparties entre associés à titre de remboursements d'apports ou d'avances, n'ont pas à supporter l'impôt.

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16. SOCIÉTÉS DE CONSOMMATION. Aussi a-t-on reconnu qu'une société coopérative dont le but exclusif est de procurer à ses membres de la viande au meilleur marché possible, ne doit pas l'impôt de 4 0/0 pour l'excédent des recettes sur les dépenses qu'elle partage entre les sociétaires au prorata de leur consommation encore que cette société comprenne des membres qui n'ont pas la qualité

d'ouvrier ou d'artisan. « Les sommes qu'elle distribue ainsi ne peuvent représenter que des restitutions, car elles ont nécessairement pour origine les mises d'entrée et les différences entre le prix de revient et le prix de vente de la viande. Les sociétaires qui reçoivent ces sommes rentrent dans leurs avances, mais ne touchent pas un bénéfice. » (Sol. 5 mai 1882; J. E., 22016; R. P., 6142; D. P., 83.3.129).

De même, une société de panification fondée entre personnes de toute condition, autrement que dans la forme de société en nom collectif, devra l'impôt sur l'intérêt des emprunts qu'elle contracte, mais elle n'aura pas à payer la taxe sur les sommes réparties au prorata des acquisitions (Sol. 17 février 1873).

Il'a été jugé de même que, quand une société coopérative d'approvisionnement constituée par actions, formée entre patrons, pour l'achat de denrées en gros et leur revente en détail, distribue à ses actionnaires: 1o 5 0/0 d'intérêts; 2° 10 0/0 de l'excédent des bénéfices; 3° 65 0/0 du même excédent au prorata des achats effectués pour le compte de chaque associé, le surplus étant affecté aux fonds de réserve et d'amortissement et au personnel, les distributions des deux premières catégories sont seules passibles de la taxe de 4 0/0 sur le revenu (Seine, 22 février 1902; R. E., 3018).

Mais lorsqu'une société de consommation vend non seulement à ses associés, mais aussi à des tiers et que la répartition de l'excédent des recettes sur les dépenses est faite entre les associés seulement, cette répartition a pour objet les bénéfices réalisés tant sur les ventes faites aux associés que sur celles faites aux personnes étrangères à la société. Dans cette hypothèse, il est bien évident que la somme touchée pas l'associé n'est point, pour le tout, un remboursement d'avances. Cette répartition ne modifiant pas ses droits sociaux ou, mieux, laissant intact son apport en deniers, la seule somme qui puisse être considérée comme lui étant remboursée à titre d'avances, est la différence entre le prix de revient et le prix de revente des marchandises qu'il a lui-même achetées. Le surplus représente un véritable bénéfice réalisé sur les ventes faites à des tiers et doit supporter la taxe.

17. Les mêmes règles paraissent applicables aux sociétés coopératives de production non exclusivement formées entre ouvriers ou artisans.

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18. SOCIÉTÉS DE CRÉDIT. Si une société coopérative de crédit qui n'effectue d'opérations qu'avec ses associés, leur distribue, à la fin de l'exercice, une partie des bénéfices, au prorata des opérations de prêts ou d'escompte de chacun d'eux, cette répartition n'est qu'une restitution de l'intérêt et des commissions prélevés au

moment des opérations et ne constitue pas une distribution de bénéfices passible de la taxe.

L'impôt serait, au contraire, exigible si, opérant non seulement avec les associés mais aussi avec les tiers, la société, tout en réservant intégralement son apport à chaque associé, lui attribuait en fin d'année une somme supérieure aux intérêts et commissions par lui payés la différence entre ces versements et la répartition serait un bénéfice imposable.

Pour les sociétés de crédit agricoles, Voy. n° 24, infrà.

19. SOCIÉTÉS DE PRODUCTION. De même, lorsqu'une société de production à laquelle les associés ont apporté des matières premières pour être transformées et vendues, attribue aux associés une. partie du produit de la vente pour les payer de l'intérêt de leurs apports en deniers, et leur répartit le surplus de ce produit, au prorata de la valeur des matières premières apportées, cette distribution doit subir l'impôt: 1° sur les intérêts attribués aux capitaux ; 20 sur ce qui, dans la répartition au prorata, excède la valeur des matières premières dont la somme distribuée est, pour partie, la représentation.

20. En résumé, il en est des sociétés coopératives non exclusivement ouvrières comme des sociétés ordinaires. Toute distribution ayant pour objet un excédent du fonds social sur le capital social constitue une distribution de bénéfices. Or, dans la société de production donnée comme exemple, le capital social se compose : 1o des cotisations ou apports en argent des associés; 2o de leurs apports en matières premières. Les apports en deniers et le produit de la vente des marchandises fabriquées, déduction faite des frais généraux, forment le fonds social. L'excédent de ce fonds sur le capital social représente les bénéfices imposables attribués pour partie comme intérêts des apports en argent et pour partie au prorata des apports en nature.

21. SOCIÉTÉS FROMAGÈRES. Parmi les sociétés coopératives, on doit encore classer les sociétés fromagères, associations particulières que forment entre eux les cultivateurs de certains départements de l'Est et du Sud-Est pour la fabrication en commun des fromages.

On trouvera au Traité alph., V. Impôt sur le revenu, no 65, les renseignements nécessaires sur ces sociétés; on y verra notamment que l'Administration les considère, quelle que soit leur forme, comme n'étant pas soumises aux dispositions de la loi du 29 juin

1872.

22. SOCIÉTÉS DE CRÉDIT AGRICOLE. Les sociétés de crédit agricole constituées dans les conditions prévues par la loi du 5 novembre 1894 (R. E., no 873) entre tous ou quelques-uns des membres des syndicats professionnels agricoles, ont pour objet exclusif de facili

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