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mement pures il n'a rien fait, rien enseigné, que de très - modéré, et de conforme à toutes nos obligations et à notre cathéchisme : il nous rappelle aux devoirs de notre état; il nous parle sur nos vœux, sur l'amour de Dieu, sur la confiance en ses miséricordes, sur la nécessité d'approcher des sacrements, et jamais il ne nous dit un mot du jansénisme. Il m'ordonne de tenir la main au maintien dubon ordre et de la paix.J'ai eu l'honneur, madame, de le dire à notre archevêque, qui me parut être satisfait de cette conduite. Je vous dis simplement ce que je connois de notre supérieur; mais je vous réponds, qu'il ne sera jamais parlé de Gomer-Fontaines d'une maniere à vous affliger: nous avons à craindre le péché, et non l'erreur; j'ai toujours eu beaucoup d'aversion pour tout ce qui pouvoit nous tirer de la simpli cité de notre état j'ai là dessus des instructions qui me serviront toute ma vie.

Je vous demande la continuation de vos bontés, et la grace de me regarder toujours, madame, comme la plus attachée de vos filles, et la plus fidelle.de

Vos servantes..

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LETTRES

DE MADA ME

DE MAINTENON,

AUX DAMES DE SAINT-LOUIS.

AVERTISSEMENT.

Je crois devoir placer ici la lettre suivante, pour donner une idée des obstacles que j'ai eus à surmonter pour avoir des pieces, que les dames de Saint-Cyr conservent comme un des plus précieux monuments de la vigilance, de la douceur, de la piété de leur institutrice.

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MON

ONSIEUR, la premiere chose que je fais, en sortant de Saint» Cyr, est d'écrire à un homme; ce n'est » point assurément ce qu'on m'y a appris : » mon zele pour Me. de Maintenon me »le permet. L'honneur que j'ai d'être sa parente, par ces mêmes Cardillac,

» qu'on dit geoliers d'une prison, justi» fiera une infidélité que je blâmerois » moi-même dans une autre. Vous >> trouverez ici tous les papiers que j'avois » promis à mon oncle. Je n'ai pas eu l'es» prit de ne faire que des abrégés; et si » ceci est en confusion, c'est que j'ai écrit » fort vîte, de crainte d'être suprise.Je ne » vous envoie pas la moitié de ce que ces » dames ont j'ai pris le meilleur, ou ce » qui me l'a paru. J'aurois voulu mieux » faire; et je crains d'avoir trop fait. Me. » la supérieure va être bien étonnée: » elle étoit fort jalouse de ces lettres de » spiritualité : la personne que j'ai em»ployée pour les avoir, ignore l'usage

que j'en fais: je vous assure, monsieur, » que j'ai bien des remords; et Me. de » Maintenon, si réguliere en tout, m'a

fait faire bien des irrégularités. La » gloire de Dieu, l'amour de la vérité » les conseils de mon oncle qui me disoit » que ces lettres étoient pour lui, me » paroissent une légitime excuse. Cepen»dant, monsieur, je ne serai point » tranquille que votre ouvrage ne voie » le jour; sûre que ce sera une belle » chose, et qu'alors on me remerciera » de ce qu'on me reprocheroit aujourd'hui, ou du moins, qu'on ne me

"grondera de mes indiscrétions que du » bout des levres. Car dans le fond du » cœur, on est pour vous à Saint-Cyr ; » et ces dames auroient entré volontiers » dans votre projet. Votre façon de penser » sur un point essentiel;les difficultés qu'on » vous fait à présent pour l'imprimerie, » celles que les dames auroient trouvées » pour le consentement des supérieurs ; » le peu d'apparence qu'il y a, que votre » livre de la maniere dont est le titre, » puisse être utile à Saint-Cyr, où l'on ne » voudroit que des choses édifiantes: tout » cela fait qu'elles sont bien-aises d'avoir » persisté dans leur refus. Que votre » ouvrage soit goûté, que les gens du » monde ne se moquent point de lettres » si saintes; on me saura bon gré d'un »larcin utile, quoi qu'il arrive, à la » gloire de Me. de Maintenon. Vous » serez peut-être bien aise, monsieur » d'avoir une idée de Me. de Glapion, » qui figure si avantageusement dans ces » lettres, et qui de toutes les dames de » Saint Louis fut la plus intimement » honorée de sa confiance: en voici un "portrait, tel que je le tiens d'une de >> ses éleves :

» Elle étoit grande et bien faite, fort » blanche et fort pâle, les yeux bleus,

» pleins de feu et d'esprit, le visage long, » la bouche agréable, le nez un peu gros, » les levres fort minces. Dès l'enfance » elle eut l'amitié de Me. de Maintenon; »elle joua dans Esther le rôle de Mardo»chée à ravir: ce fut Racine qui décou» vrit et cultiva son talent pour la décla"mation: J'ai trouvé, écrivoit-il à Me. » de Maintenon, un Mardochée dont la » voix va droit au cœur : la voyant sur

la scene avec madame de Caylus, dont » le visage étoit fort beau, Ah! s'écria»t-il, quelle actrice, si je pouvois mettre » cette tête sur ces épaules! Me. de Main» tenon n'oublia rien pour l'attacher à » Saint-Cyr; et quand elle se rappelloit » tous les chagrins que lui avoient donnés » Me. de Brinon, Me. de la Maison» fort, M. de Fénelon, M. de Beau» villiers, M. le C. de Noailles, toutes » ses favorites et tous ses amis, elle » disoit: Il n'y a que Glapion qui ne m'ait » point trompée. C'étoit l'ame la plus

grande et la plus élevée à Saint-Cyr, » elle fut une sainte : dans le monde, elle » eût été une héroïne. On peut juger de » son cœur, par l'amitié qu'elle avoit pour » Me. de Maintenon, et par celle que » Me. de Maintenon avoit pour elle. Ce » sentiment alloit de part et d'autre

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