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» jusqu'à la jalousie; du moins on a cru
» l'entrevoir, et que Mlle. d'Aumale en
» étoit l'objet. Elle s'oublioit elle-même
» pour ne s'occuper que des autres. Elle a
» rempli en divers temps toutes les char-
»ges de la maison: elle étoit si active
» qu'elle les eût remplies toutes à la fois ;
» et elle s'acquittoit si bien de chacune
» qu'on eût dit qu'elle n'étoit propre
» qu'à celle qu'elle faisoit. L'infirmiere
» la maîtresse des classes, la dépositaire,
» auront à jamais un modele en madame
» de Glapion, ainsi que la supérieure, et
» la maîtresse des novices. Sa piété n'avoit
» rien de gêné : elle servoit Dieu, elle
» en parloit comme un ange. Toutes ses
» inclinations étoient vertueuses; et son
» cœur étoit inaccessible à tout ce qui
"en auroit altéré l'innocence. Le monde
» l'aimoit, et lui étoit indifférent : quand
» elle en avoit vu, elle disoit : Mes chers
» enfants, je me sens une faim de prier
» Dieu que je vais satisfaire. Dans une
» grande maladie qu'elle eut, toute la
» cour envoyoit savoir de ses nouvelles :

Je crains bien, disoit-elle, que Dieu » ne me paye en papier, du peu que j'ai » fait pour lui. La reine alloit souvent à » Saint-Cyr, dans les commencements » de son mariage, et toujours pour Me.

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» de Glapion. Elle vint la voir, dès » qu'elle fut guérie, et cherchoit des » prétextes pour la faire asseoir devant » elle. La reine de Pologne ne la goûtoit » pas moins: Je l'aime, disoit- elle, et » il n'y a qu'elle qui sache aimer. Le. » marechal de Villeroi et la comtesse de » Caylus avoient avec elle un commerce » de lettres, qu'elle entretenoit dans l'es» pérance de faire goûter la dévotion au » maréchal, et d'y affermir la comtesse ; » et, pour achever son éloge, M. le duc. » de Noailles étoit son ami. Sa mort causa.. » à Saint-Cyr autant de désolation, que

celle de Me. de Maintenon même : La » gloire d'Israël est tombée, répétoit - on » douloureusement d'après une des » dames, à qui cette expression étoit » échappée. Cette grande vertu étoit-elle » sans tache ? non : et Me Glapion avoit » sans cesse à combattre l'indignation » que Tui donnoient les mauvais procé» dés et les prétentions de ces esprits » orgueilleux, qui se croient en droit de » marcher sur la tête des autres; sen» timent qui partoit d'un cœur trop » sensible et trop généreux : aussi mad. » de Maintenon la voyant irritée de ne » pouvoir se vaincre, lui disoit souvent: » Patience ma fille ! vos défauts seroient » les vertus des autres ».

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JE

LETTRE I.

A Me. du Pérou. (1)

Ce 25 octobre 1686.

E suis persuadée de votre zele et de votre capacité : il faut employer l'un et l'autre pour notre chere maison. Il est vrai que je suis fort vive pour tous ses intérêts, et je crois même aller quelquefois jusqu'à l'impatience; mais il me semble qu'il y a quelque raison de se presser, et de profiter du temps favorable où nous sommes. Dieu sait que je n'ai jamais pensé à faire un aussi grand établissement que le vôtre, et que je n'avois point d'autre vue que de m'occuper de quelques bonnes œuvres pendant ma vie. Je ne me croyois ni obligée à de grands biens, ni destinée à de grandes vues, et je ne trouvois déja que trop de maisons religieuses. Moins j'ai eu de part à cet ouvrage, plus je reconnois que c'est Dieu qui l'a fait : aussi, étant de lui, et de lui

(1) N. Travers du Pérou, alors maîtresse des novices.

seul, je l'aime beaucoup plus que s'il étoit de moi. Ce qui prouve bien que c'est l'œuvre de ses mains, c'est qu'il a conduit le roi à cette fondation, le roi qui ne peut souffrir les nouveaux établissements: et dans quel temps? après une longue guerre, qui avoit épuisé ses finances; et avec des ministres qui auroient fortifié son aversion, s'il avoit hésité. Il est vrai qu'autant que j'aurois tremblé dans le gouvernement de Saint-Cyr, s'il avoit été fait par moi; autant fus- je hardie quand j'y vis le doigt de Dieu, et que je crus en être chargée par lui. Aussi puis-je vous dire avec vérité, que je le regarde comme le moyen que Dieu m'a donné pour faire mon salut, et que je sacrifierai toujours ma vie avec joie pour qu'il y soit glorifié. Je voudrois que tout fût bien établi avant la mort de Me. de Brinon avant la mienne, avant celle de M. l'abbé Gobelin; afin que l'esprit de l'institut subsistât toujours, et triomphât des oppositions que j'apperçois, dans l'avenir, sans être ni fort pénétrante, ni inquiete : car aurez-vous jamais une supérieure plus habile ou plus absolue que Me. de Brinon, une amie plus zélée que moi, un supérieur aussi rempli de nos maximes que M. l'abbé Gobelin ?

Profitons

Profitons des moments heureux et rapides où nous avons toute l'autorité spirituelle et temporelle entre les mains : le roi et l'évêque sont prêts à faire tout ce que nous pouvons désirer d'utile: c'est à nous à mettre les choses dans l'état de perfection où nous voulons qu'elles soient pour toujours. Une des choses qui s'y oppose le plus, c'est la facilité de Me. de Brinon à recevoir de mauvais sujets. Vous devez toutes être fermes là-dessus, vous garantir des complaisances, et vous élever au-dessus des craintes: vous en rendrez compte à Dieu et c'est une des plus importantes actions de votre vie.

:

Dans l'examen de vos filles, attachez vous à la vraie piété, à l'esprit droit, au goût pour l'institut, à l'envie d'y devenir habile, à l'attachement aux regles, à l'esprit de société, à l'éloignement du monde : voilà le principal pour une dame de Saint-Louis. Car pour l'humeur un peu prompte, comptez que nous avons les vices et les vertus de notre tempérament et celui qui fait prompte, fait active, vigilante, attachée au succès; celui qui fait douce fait nonchalante, tiede, paresseuse, indifférente à tout, lente, insensible : c'est (9) F

Tome III.

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