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la piété qui rectifie les passions. Qui est plus prompte que Me. de Brinon et moi? Et nous en aimez-vous moins? Ceux qui obéissent, me direz-vous avec raison, ont à souffrir de l'humeur de ceux qui commandent. Je vous répondrai qu'il faut souffrir, et que nous ne sommes au monde que pour cela. Après tout, vous n'aurez dans la suite que les supérieures que vous choisirez. Quoique j'excuse les promptes, et peut-être par amour-propre, je vous exhorte bien à corriger le plus que vous pourrez ce défaut dans toutes vos filles; il faut qu'elles le tolerent dans les autres, et qu'elles ne l'aient pas elles-mêmes.

Il n'y a pas à hésiter à faire le chapitre aux postulantes, et à les éprouver par des mortifications. Nous avons si bien ôté toutes les manieres des couvents que, si nous n'en reprenions quelques maximes, nous ferions à la fin une maison particuliere qui tomberoit bientôt. Parlez là-dessus à Me. la supérieure, et établissez ce chapitre au plutôt. Agissez de concert avec elle : elle a bien de l'esprit et de la vertu et il faut tâcher d'en donner à tout ce qui est sous vos loix. Adieu, ma très-chere fille.

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LETTRE II.

A la même.

Ce 11 octobre 1689,

Ous serez long-temps à l'infirmerie, avant que je me doute que vous y demeurez par goût. Votre lettre me fait un grand plaisir : j'y vois avec quel zele, quelle application, vous vous donnez à votre charge: elle est très-importante et très-difficile: Dieu vous aidera quand vous aurez de bonnes intentions, et assez d'humilité pour consulter tous ceux qui peuvent vous être utiles. Je vous conterai

Saint-Cyr ce qui s'est passé entre Me. d'Arcy et moi; vous verrez que j'ai commencé à l'éprouver assez durement: cependant profitez des avis de Mr. l'abbé de Brisacier, et agissez de concert avec Me. la (1) supérieure. Me. de Fontaines m'a écrit des merveilles du noviciat: tourmentez bien ma sœur (2) de Montalembert, et plus qu'une autre, pour

(1) Me. de Loubert.

(2) Proche parente de Me. de Maintenon.

l'amour de moi nous avons un grand intérêt à ne recevoir que d'excellents sujets, et il ne faut avoir là-dessus d'autres vues que le bien de notre chere maison, qui ira toujours de mieux en mieux vous pouvez beaucoup y contribuer, et par pår le noviciat, et par le bon exemple.

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On ne peut jamais séparer chez vous les constitutions des religieuses de l'éducation des demoiselles : il est dit par-tout que l'établissement est fait pour elles: on ne vous y a ajoutées, que pour leur servir de meres et de maîtresses; et l'on ne vous a imposé des vœux, que pour fixer votre tendresse et votre zele. Je serai très-aise de recevoir une lettre du noviciat que chacune me dise son mot, mais sans s'aider mutuellement. Je commence à trembler pour ma prophétie : le P. d'Orange se porte bien.

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LETTRE III.

A Me. de la Maison-fort.

Mardi 12 décembre 1695.

E ne vous ai point marqué toute ma (1) joie mais je suis assurée que vous n'en doutez pas. Je remercie Dieu de tout mon cœur de ce qu'il fait pour vous et pour nous. Vous allez trouver la paix. Vous voilà dans le fond de cet abyme où l'on commence à prendre pied. Vous savez de qui (2) je tiens cette phrase. Je le verrai demain ; je lui demanderai pour votre retraite tout ce que Mr. de Chartres vous a marqué. Abandonnez-vous

(1) Me. de M. souhaitoit fort d'attacher par des vœux Me. de la Maison-fort à Saint-Cyr. Le 12 décembre, M. de Chartres, et les abbés de Fénelon, Gobelin, Brisacier, Tiberge, déciderent que Dieu l'appelloit à être dame de SaintLouis. Dans le temps de l'assemblée, Me. de la Maison-fort se retira devant le St. Sacrement dans une étrange agitation; et quand elle sut la décision, elle pensa mourir de douleur.

(2) De l'abbé de Fénelon, que Me. de la Maison-fort aimoit très-tendrement en NotreSeigneur

bien à Dieu, ma très-chere: laissez-vous conduire les yeux bandés. Que vous êtes heureuse de pouvoir lui faire un sacrifice de tout ce que vous êtes! Si l'on osoit envier les graces, j'aurois de la peine à me contenir là-dessus. Ne m'oubliez jamais dans vos prieres. J'ai parlé de Mr. votre frere à Mr. de Chartres, et nous penserons à la sœur. Abandonnez-vous toute à celui à qui vous vous donnez, Soyez bien préparée à le recevoir, et que je trouve que tout va bien.

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LETTRE IV.

A la même. 1691.

Onnez-vous toute entiere à Dieu. Rendez-vous simple à l'abbé de Fénelon et à Mr. de Chartres. Je serai toujours moi-même soumise à l'opinion de ces deux saints. Accoutumez-vous à vivre avec eux. Mais ne répandez point les maximes de l'abbé devant des gens qui ne les goûtent point. Vous parlez sans cesse de l'état le plus parfait, et vous êtes encore remplie d'imperfections. Quand à Me. Guyon, vous l'avez trop prônée; il faut nous contenter de

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