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la garder pour nous. Il ne lui convient pas, non plus qu'à moi, qu'elle dirige nos dames. Ce seroit lui attirer une nouvelle persécution. Elle a été suspecte: c'en est assez pour qu'on ne la laisse jamais en repos. Elle m'a paru d'une discrétion admirable; elle ne veut de commerce qu'avec vous tout ce que j'ai vu d'elle m'a édifiée, et je la verrai toujours avec plaisir; mais il faut conduire notre maison par les regles ordinaires et tout simplement. Ce sera une perfection en yous de n'aspirer point à être parfaite.

LETTRE V.

A la même.

Ce 3 février 1692.

JE

E ne puis vous dire, madame, la joie que je sens de voir qu'on vous détermine à demeurer à Saint-Cyr, je ne saurois attendre jusqu'à mardi à vous la témoigner. Soyez donc en paix. J'ai senti la peine que je vous ai vue depuis quelques jours. Donnez-vous à Dieu et à nous de bonne grace et avec un grand courage, pour travailler ensemble à votre

sanctification et à celle des autres. Que yous êtes heureuse de vous appartenir de pouvoir vous offrir et vous donner! J'ai bien de la peine à ne pas vous envier un vol si haut, pendant que nous traînons au service de Dieu, et que nous croyons faire beaucoup quand nous ne tombons pas dans les précipices que nous voyons. par-tout. Bon soir, ma très-chere : vous allez devenir ma fille; car je deviens tous les jours de plus en plus votre

mere.

LETTRE VI

A la même.

Ce 6 février 1691

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Ous êtes destinée, ma chere fille,

Vous

à être une pierre fondamentale de Saint-Cyr. Vous devez soutenir un jour ce grand bâtiment par votre régularité et par vos exemples. Mais ne soyez pas si vive parlez moins, et sur-tout ne vous emportez pas. Vous dites qu'il ne faut se gêner en rien, qu'il faut s'oublier, et n'avoir jamais de retour sur soi-même. Ces discours jettent le trouble dans

l'esprit de plusieurs de nos dames. Vous savez mieux que moi, que chaque chose a son temps. Mon peu d'expérience en ces matieres me révoltoit contre Mr. l'abbé de Fénelon, quand il ne vouloit pas que ses écrits fussent montrés. Cependant il avoit raison. Tout le monde n'a pas l'esprit droit et solide. On prêche la liberté des enfants de Dieu à des personnes qui ne sont pas encore ses enfants, et qui se servent de cette liberté pour ne s'assujettir à rien: il faut commencer par s'assujettir. Embrassez donc (1) avec soumission Dieu qui vous appelle. Voyez si vous voulez vous défier de lui. Lui marquerez-vous des bornes? Il n'en veut point souffrir avec les ames qu'il a prévenues de certaines graces. C'est en se livrant à son Esprit que vous trouverez la paix et la liberté. Ou je me trompe fort, ou vous prenez la piété d'une maniere trop spéculative: vous faites tout consister en mouvements subits, en abandons, en renoncements. Mais quel est le renoncement de celle qui veut avoir l'esprit en liberté, et le corps à son aise?

(1) Elle fit enfin profession entre les mains de l'abbé de Fénelon, le 1 mars 1692.

F S

JE

LETTRE VII.

A Me. de Montfort. (1)

:

E vous vis hier, sortir du chœur, avec un visage si chagrin, et si abatu, que je vous aurois été chercher, si je n'avois destiné ma journée à ma retraite. Vous êtes troublée, ma chere enfant vous voulez vous donner à Dieu; vous n'en avez pas le courage : il vous fait la grace de ne pouvoir demeurer tranquille dans cet état ravissez donc le ciel par un peu de violence: ne demeurez pas à moitié chemin; tandis que ceux qui ont moins reçu que vous, se convertissent entiérement choisissez un guide, et marchez avec lui: vous broncherez, mais Vous ne ferez pas de chûte; vous l'aurez d'un côté, et moi de l'autre, pour vous soutenir; car je ne prétends pas vous abandonner jamais. Qu'est-ce qui vous retient? vos péchés : et pour qui J. C.. est-il venu? vous êtes honteuse de dire toujours les mêmes fautes, et de recevoir

(1) Nouvelle catholique, que Pelisson avoit donnée à Me.. de Maintenon, et qui n'étoit pas encore bien.revenue de ses premieres idéess,

toujours les mêmes conseils ; et c'est cette honte-là qui fait une partie de votre pénitence je suis plus en peine de votre orgueil, que de vos péchés ; c'est ce qui nous éloigne le plus de Dieu, et c'est contre ce mal-là que vous avez besoin de remedes : je suis dans le même état; mais je meurs d'envie de guérir : il faut y travailler ensemble, ma très-chere. Répondez-moi, si cela vous est de quelque consolation; il me semble que ce que je connois de vos peines ne devroit point vous mettre dans l'état où je vous vois. Je vous embrasse de tout mon cœur.

LETTRE VIII.

A Me. de Fontaines.

Ge a septembre 1690.

Ieu soit béni mille fois, madame

D' des graces qu'il vous fait il vous

veut; il ne cesse de vous appeller à lui; il vous donne les dispositions nécessaires pour répondre à ses invitations. Votre lettre me ravit, quoiqu'elle soit remplie de troubles et de peines : elles s'évanouiront, si vous devenez humble et

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