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connu à Saint-Cyr, nous a dit souvent que les retours inquiets sur nous-mêmes retardent notre avancement dans la perfection et qu'il faut marcher avec foi et avec confiance sans regarder derriere nous. Je vous exhorte à la même conduite, mes cheres filles ! ne pensons plus aux peines passées, pardonnons-nous les unes les autres celles que nous nous sommes données; et ne songeons qu'à entrer avec courage dans tout ce qui nous est confié. Vous voyez ce qu'on vous demande par vos constitutions, par vos réglements, et par le titre même de vos charges: c'est à nous à ne vous plus rien imposer de nouveau; c'est à vous à ne vous plus plaindre des austérités d'un état que vous choisissez avec liberté. Cherchez tout ce qui pourroit vous soulager; mais soulagez à votre tour vos supérieurs par une obéissance entiere. Je demande à Dieu bien souvent de vous faire la grace de le regarder dans la personne qui gouvernera votre maison: vous avez obéi très-exactement, depuis dix mois, à celle qu'on vous a donnée; sa vertu, son esprit, son expérience, vous ont prévenues pour elle; plusieurs d'entre vous disent qu'elles lui obéiroient avec joie toute leur vie : j'espere que votre obéissance

ne sera pas réservée à une occasion impossible, et que vous obéirez de même à une de votre communauté. Elle ne sera pas si expérimentée que notre chere mere: aussi serez-vous toutes appliquées à faire si bien votre devoir, que vous lui donnerez le temps d'apprendre le sien. Nous travaillerons ensemble, mes cheres filles j'y donnerai ma vie; et ce sera avec trop de plaisir, si vous êtes remplies de courage, de zele, de confiance en Dieu, pour le faire servir par le petit peuple qu'il vous confie. Je languis de me retrouver avec vous: je vous aime bien tendrement.

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Au nom de Notre-Seigneur Jesus-Christ. De notre maison de St. Louis, ce 11 octobre 1693.

C

'EST pour vous apprendre à dater, car la plupart des femmes datent fortmal. Nos meres manquent à la simplicité des filles de St. François de Sales, pour ce qui les regarde: ne leur obéissez point là-dessus, et mettez les fautes sur Nanon:

n'est-ce pas-là des conseils d'institutrice? L'idée de mettre une boiteuse à la porte est extravagante; vous savez de qui elle est. Ne vous amusez pas tant à regreter nos (1) meres, qu'à bien profiter de ce qu'elles disent, et de ce qu'elles font: Vous ne pouvez trop demander à Dieu d'inspirer tout ceux qui gouvernent votre maison. Je serai au comble de ma joie. si je vous vois enfin ménageres, pauvres en esprit ; et épargnant pour donner, comme les avares épargnent pour amasser: c'est l'esprit que je desire à mes cheres filles.

Le témoignage que vous me rendez de la satisfaction des dames sur les soulagements qu'on leur a accordés, me fait un sensible plaisir : il n'y en a point que je ne voulusse leur faire, dès qu'ils ne nuiront point à l'ordre de la maison. J'ai toujours compris qu'il étoit fort - fâcheux de coucher dans les dortoirs des demoiselles; et je regarde cette obligation comme une si grande austérité, que je voudrois qu'il ne s'en pratiquât guere d'autre chez nous. Je suis ravie de la résolution où vous êtes de ne point consentir jamais

(1) De Sainte-Marie de Chaillot.

qu'on

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qu'on détruise les pratiques que nos meres établissent: il vous est permis, jusqu'à la profession, de représenter ce que vous auriez envie de changer; mais après cela il faut demeurer fermes, et ne rien innover, quand même il seroit meilleur. Ne tremblez point sur ce que vous avez à faire; je ne vous ai jamais demandé qu'une bonne volonté: si elle est droite et sans réserve pour Dieu, il saura bien vous former vous instruire et vous rendre propre à ses desseins. Pourquoi me faire des excuses de me parler naturellement? c'est ce que j'ai toujours demandé de toutes, et toujours attendu de vous. La franchise est nécessaire dans tous les états; mais si dans le monde elle est une vertu, dans les convents elle doit être un devoir. Vous le faites sur l'habit religieux, et je vous sais bon gré de me montrer cette foiblesse, puisque Dieu vous la laisse encore: il n'y a rien de décidé làdessus. Me. de Montfort (1) n'hésiteroit si elle étoit de votre conseil; elle dit que l'habit religieux l'humilie, et qu'om n'ose plus lever la tête.

pas,

(1) Devenue fille de Sainte-Marie.

Tome III.

(7) G

J'A

LETTRE XV.

A Me. de Fontaines.

Ce 12 janvier 1694.

'AI lu avec attention tout ce que vous avez bien voulu me confier. Votre évêque ne peut dire que vous l'ayez trompé, et vous n'avez pas assurément adouci vos défauts. Dieu soit loué de tout ce qu'il a fait en vous! Avancez votre perfection pour vous et pour la communauté qu'il a confiée en vos soins. Soyez persuadée que votre principale obligation est de l'édifier et de la conduire; que vos pratiques de mortification, de renoncement à vous-même, et à votre propre volonté, se doivent appliquer particuliérement au gouvernement de vos filles qu'il faut que vous les éclairiez, que vous leur ouvriez le cœur, que vous les consoliez, que vous les animiez, que vous les repreniez, que vous les divertissiez, que vous les préveniez, et qu'enfin ce soit là votre continuelle application. Vous ne devez guere faire ce qu'une autre pourra faire, afin de vous garder pour ce qui

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