Page images
PDF
EPUB

leur intendante, leur femme d'affaires et de tout mon cœur leur servante, pourvu que mes soins puissent leur apprendre à s'en passer. Voilà où je tends; voilà le fond de mon cœur ; voilà ce qui fait ma vivacité et mon impatience : et voilà ce que je soumets à vos avis.

Point d'économie indiscrete: si elle est nécessaire, qu'elle tombe sur vous qui êtes religieuses, et non sur les demoiselles. C'est vous qui avez fait vœu de pauvreté : dans les temps calamiteux, que les demoiselles ne mangent de pain bis qu'après que vous en aurez mangé de noir. Que le bon esprit de les regarder en tout comme le premier objet de l'institut, se perpétue dans votre maison.

Par le même principe, sacrifiez toujours le temporel au spirituel. Soyez plus attentive à maintenir vos réglements, qu'à faire valoir votre bien : la chûte des maisons religieuses ne commence jamais par le désintéressement. S'il y a dans la maison un bon esprit, ne l'employez point à tenir des comptes, mais à former les novices et à instruire les enfants. Noubliez jamais que Saint-Cyr n'a pas été bâti pour vous, et que vous avez pris le voile pour elles. Ce qui est vertu pour les autres, est devoir pour vous.

LETTRE

[ocr errors]

LETTRE XLI.

A Me. de Roquemont.

Ui, ma chere fille, je suis la protectrice des récréations, et je ne cesserai de prêcher la régularité et la récréation. Je crois que l'un contribue à l'autre je crois que des filles, qui sont fidelles au silence de la regle et à l'application des classes et des autres emplois de la maison, ont besoin de se débander' l'esprit je crois que des récréations réglées par les supérieures ne tourneront jamais à mal: je crois que celles qui s'y opposent sont moins humbles et moins simples que celles qui croient en avoir besoin, et que les premieres sont soutenues dans leurs austérités par l'amourpropre je crois que celles qui seroient en effet plus ferventes et plus mortifiées plairont plus à Dieu en s'accommodant aux autres, qu'en se distinguant; et que la charité et la condescendence sont audessus de l'austérité : je crois enfin ma très-chere fille, que vos supérieures doivent être fort attentives à vous récréer tant que vous ne chercherez pas Tome III. (9) I

vous-même à vous donner des plaisirs; et que vous ne voudrez, ni au dehors ni au-dedans, faire la moindre irrégularité. Je vous parle d'autant plus hardiment là-dessus, que je l'ai consulté plusieurs fois à votre saint évêque, qui n'est pas assurément accusé de relâchement, et qui m'a toujours dit que vous n'aviez pas assez de récréations. Continuez donc hardiment, ma chere fille, à les solliciter. Je voudrois bien que votre santé vous mit en état d'y prendre part, car je vous aime tendrement. Mais puisque ceux qui ont fait les regles, les trouvent eux-mêmes si exactes et si serrées, ne vaudroit-il pas mieux les relâcher, que de donner si souvent des récréations? Non car l'exactitude est d'une absolue nécessité pour les dames de Saint-Louis et tout changement à la regle est nuisible au but pour lequel la regle a été faite. Il faut modérer le travail, sans cesser pourtant de travailler.

La petite de Villefort étoit dans une profonde tristesse: je lui donnai une pistole ; son visage changea; elle se mit à rire; et je vis bien distinctement que nous apportons en naissant toutes sortes de convoitises. Votre domestique a des vapeurs : peut-être un présent les dissiperoit-il ;

187. donnez lui donc dix pistoles de ma part. Nos maîtres s'ennuient ici, et font semblant de s'y plaire fort. Vive Saint-Cyr! malgré ses défauts, on y est mieux qu'en aucun lieu du monde. Je n'ose rien dire à ma sœur de Glapion, à cause des attendrissements de part et d'autre. Qu'on est heureux, ma fille, de trouver Dieu partout ! Et qui peut se suffire à soi-même ?

JE

E

LETTRE XLII

A Me. de Champigny.

[ocr errors]

Je n'ai jamais rien vu de si bon, de si aimable de si net de si bien arrangé, de si éloquent, de si régulier en un mot, de si merveilleux que votre lettre si votre conscience est dans un aussi grand ordre, M. Treilh (1) n'a pas grand'chose à faire. Il est vrai, ma chere fille, que la mienne est en paix ; mais vous seriez bien mécontente des troubles, des ennuis, des impatiences, des dépits, et quelquefois des désespoirs de mon pauvre esprit, au milieu des importunités

(1) Confesseur de cette dame.

dont vous me parlez, et qui sont sans mesure depuis que la cour d'Angleterre s'est jointe à celle de France. Je vous crois trop sage pour vous laisser aller au chagrin de mon absence, qui finira, s'il plaît à Dieu, le 27 de ce mois. L'éloge que vous faites de ma sœur Vandam est complet. Vous savez, ma très-chere fille, combien je vous aime; car cela est trop vrai pour que vous ne vous en apperceviez pas.

JE

LETTRE XLIII.

A Me. de Fontaines.

E n'ai rien à vous dire de nouveau depuis hier. Nous sommes gâtés crottés, mouillés, ennuyés. Pour moi, je suis attristée de me voir pour si longtemps éloignée de mes cheres filles, avec lesquelles je trouve tout ce qu'il y a de bon. Je demande pardon à ma sœur de Radouay de cette phrase, qui me paroît encore trop foible pour exprimer l'a-' bandon où je me trouve au milieu des caresses, des plaisirs, des honneurs, de la multitude et des richesses. N'en parlons plus; car elle ne me pardonneroit jamais.

[ocr errors]
« PreviousContinue »