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connu à fond l'innnocence de ses exagéra tions; si je sais ce qu'elle a voulu dire, mieux que ses livres ne l'ont expliqué; si j'en suis convaincu par des preuves aussi décisives, que les termes qu'on reprend dans ses livres sont équivoques; puis-je la diffamer contre ma conscience, et me diffamer avec elle?

Qu'on observe de près toute ma conduite a-t-il été question du fond de la doctrine ? J'ai d'abord dit à M. de Meaux que je signerois de mon sang les trentequatre propositions qui avoient été dressées, pourvu qu'il y expliquât certaines choses. M. l'archevêque de Paris pressa très fortement M. de Meaux sur ces choses, qui lui parurent justes et nécessaires. M. de Meaux se rendit, et je n'hésitai pas un seul moment à signer. Mainnant qu'il s'agit de flétrir par contre-coup mon ministere avec ma personne,en flétris sant Me. Guyon avec ses écrits, on trouve en moi une résistance invincible. D'où vient cette différence de conduite? Est-ce que j'ai été foible et timide, quand j'ai signé les trente-quatre propositions? On en peut juger par ma fermeté présente. Est-ce que je refuse maintenant d'approuver le livre de Mr. de Meaux par entêtement et avec un esprit de

cabale? On en peut juger par ma facilité

signer les trente-quatre propositions. Si j'étois entêté, je le serois bien plus du fond de la doctrine de Me. Guyon que de sa personne; je ne pourrois, même dans mon entêtement le plus dangereux, me soucier de sa personne, qu'autant que je la croirois nécessaire pour l'avancement de la doctrine : tout ceci est assez évident par la conduite que j'ai tenue, On l'a condamnée, renfermée, chargée d'ignominie je n'ai jamais dit un mot pour la justifier, ni pour l'excuser, ni pour adoucir son état. Pour le fond de la doctrine, je n'ai cessé d'écrire et de citer les auteurs approuvés de l'église. Ceux qui ont vu notre discussion, doivent avouer que M. de Meaux, qui vouloit d'abord foudroyer, a été contraint d'admettre pied à pied des choses qu'il avoit cent fois rejetées comme très-mauvaises. Ce n'est donc pas de la personne de Me. Guyon dont j'ai été en peine, ni de ses écrits; c'est du fond de la doctrine des saints, trop inconnue à la plupart des docteurs scholastiques.

Dès que la doctrine a été sauvée, sans épargner les erreurs de ceux qui sont dans l'illusion j'ai vu tranquillement Me. Guyon captive et flétrie. Si je refuse

maintenant d'approuver ce que M. de Meaux en dit, c'est que je ne veux ni achever de la déshonorer contre ma conscience, ni me déshonorer en lui imputant des blasphêmes qui retombent inévitablement sur moi.

Depuis que j'ai signé les trente-quatre propositions, j'ai déclaré dans toutes les occasions qui se sont présentées naturellement , que je les avois signées, et que je ne croyois pas qu'il fût jamais permis d'aller au-delà de cette borne.

Ensuite j'ai montré à M. l'archevêque de Paris, une explication très-ample et très-exacte de tout le systême des voies intérieures, à la marge des trente-quatre propositions. Ce prélat n'y a pas remarqué la moindre erreur, ni le moindre excès. M. Tronson, à qui j'ai montré aussi cet ouvrage, n'y a rien repris.

Il y a environ six mois qu'une carmélite du fauxbourg Saint-Jacques me demanda des éclaircissements sur cette matiere. Aussi-tôt je lui écrivis une grande lettre, que je fis examiner par M. de Meaux. Il me proposa seulement d'éviter un mot indifférent en lui-même, mais que ce prélat remarquoit qu'on avoit quelquefois mal employé. Je l'ôtai aussitôt, et j'ajoutai encore des explications

pleines

pleines de préservatifs, qu'il ne demandoit pas. Le fauxbourg Saint-Jacques, d'où est sortie la plus implacable critique des mystiques, n'a pas eu un seul mot à dire contre ma lettre. M. Pirot a dit hautement qu'elle pouvoit servir de regle assurée de la doctrine sur ces matieres. En effet, j'y ai condamné toutes les erreurs qui ont allarmé quelques gens de bien dans ces derniers temps. Je ne trouve pourtant pas que ce soit assez pour dissiper tous les vains ombrages; et je crois qu'il est nécessaire que je me déclare d'une maniere encore plus authentique. J'ai fait un ouvrage où j'explique à fond tout le systême des voies intérieures où je marque, d'une part, tout ce qui est conforme à la foi, et fondé sur la tradition des saints; et de l'autre, tout ce qui va plus loin, et qui doit être censuré rigoureusement. Plus je suis dans la nécessité de refuser mon approbation au livre de Mr. de Meaux, plus il est capital que je me déclare en mêmetemps d'une façon encore plus forte et plus précise. L'ouvrage est deja tout prêt: on ne doit pas craindre que j'y contredise Mr. l'évêque de Meaux : j'aimerois mieux mourir que de donner au public une scene si scandaleuse : je ne parlerai Tome III.

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de lui que pour le louer, et que pour me servir de ses paroles. Je sais parfaitement ses pensées, et je puis répondre qu'il sera content de mon ouvrage, quand il le verra avec le public.

qu'il

D'ailleurs, je ne prétends pas le faire imprimer sans consulter personne. Je vais le confier avec le dernier secret à Mr. l'archevêque de Paris, et à Mr. Tronson: dès qu'ils auront achevé de le lire, je le donnerai suivant leurs corrections: ils seront les juges de ma doctrine, et on n'imprimera que ce qu'ils auront approuvé ainsi l'on ne doit pas être en peine. J'aurois la même confiance pour Mr. de Meaux, si je n'étois dans la nécessité de lui laisser ignorer mon ouvrage, dont il voudroit apparemment empêcher l'impression par rapport au sien. J'exhorterai dans cet ouvrage tous les mystiques qui se sont trompés sur la doctrine, d'avouer leurs erreurs. J'ajouterai que ceux qui, sans tomber dans aucune erreur, se sont mal expliqués, sont obligés en conscience à condamner sans restriction leurs expressions, à ne s'en plus servir, et à lever toute équivoque par une explication publique de leurs vrais sentiments. Peut-on aller plus loin pour réprimer l'erreur ?

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