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armée d'imitateurs, veuve déjà de ses chefs, dont la verve est éteinte et morte. Nous avons tant vu de chevaliers armés de toutes pièces, nous avons été les témoins d'un si grand nombre de tournois, nous avons assisté à tant de levers royaux, depuis quinze ans, qu'à peine notre curiosité est-elle excitée, lorsqu'un téméraire écrivain vient essayer encore de ressusciter toutes ces merveilles du moyen-âge. Pourtant dans le cas actuel, on aurait tort de céder à une prévention qui doit être bien générale parmi les lecteurs de romans. M. Power n'est pas un créateur; il n'y a dans sa production rien qui porte un caractère bien tranchant d'originalité: ses héros, leurs aventures, leurs costumes, leurs passions, tout cela n'est pas nouveau pour nous : nous parviendrions bien à les retrouver, épars cà et là, dans les romans de Walter-Scott et de tant d'autres; mais il y a cependant un mérite réel dans son livre, puisque nous sommes parvenus à lire sans ennui deux gros volumes in-octavo, et qu'ils nous ont même laissé une impression fort agréable. C'est que M. Power a su disposer ces matériaux avec art, c'est qu'il les a rajeunis par un style spirituel et de bon goût, c'est qu'en imitant, il l'a fait avec discernement, laissant là les défauts de son modèle pour ne lui emprunter que des beautés : sa manière est vive, animée, et se garde avec soin des longueurs soporifiques dont quelques autres allourdissent leurs récits. C'est dommage que le Secret du roi soit presque un anachronisme : dans le bon tems, lorsque le genre était en pleine et bruyante vogue, le nom de M. Power aurait occupé une belle place dans tous les feuille tons littéraires.

55. MUSÉE DE PEINTURE et de SCULPTURE, ou Recueil des principaux tableaux, statues et bas-reliefs des collections publiques et particulières de l'Europe; dessiné et gravé à l'eau-forte sur acier, par REVEIL; avec des notices descriptives, critiques et historiques, par DUCHESNE aîné. Paris, 1832; Audot, rue du Paon, n° 8. Bruxelles, Jobard, lithographe, plaine de Sainte-Gudule.

Cet ouvrage sera prochainement terminé. Il se composera de 168 livraisons, plus les Loges du Vatican et les Amours de Psyché, d'après Raphaël, ainsi que les Amours des Dieux, d'après Titien et Jules Romain. Toutes les livraisons, jusqu'à la 162°, et même plusieurs

gravures des Loges et de Psyché, ont déjà paru. Nous consacrerons un article à cette importante collection.

56. ESSAI HISTORIQUE ET DESCRIPTIF SUR LA PEINTURE SUR VERRE ANCIENNE ET MODERNE, et sur les vitraux les plus remarquables de quelques monumens français et étrangers; suivi de la Biographie des plus célèbres peintres verriers; par E.-H. LANGLOIS, peintre, orné de 7 planches dessinécs et gravées par mademoiselle ESPÉRANCE LANGLOIS. Rouen, 1832; E. Frère. In-8° de 300 pages. (Voy. ci-dessus, p. 281, quelques mots relatifs à l'Essai sur la peinture sur verre aux Pays-Bas, par M. de Reiffenberg.)

Cet Essai parut d'abord en 1823, dans le procès-verbal de la séance publique de la Société libre d'émulation de Rouen, l'une des compagnies littéraires de province qui méritent le plus d'éloges par la constance, les résultats et la direction de leurs travaux. Alors beaucoup moins étendu, il fut tiré à part à un très-petit nombre d'exemplaires; leur rapide épuisement et les demandes réitérées auxquelles l'éditeur actuel ne put satisfaire l'ont enfin déterminé à reproduire ce travail, dont plusieurs planches nouvelles accompagnent le texte entièrement refondu. L'auteur débute par des recherches relatives à l'origine et aux progrès de la peinture sur verre, et d'abord il s'occupe du verre lui-même, sur lequel peut-être le docte de Valois aurait pu lui fournir quelques indications dans un Mémoire inséré au premier volume du recueil de l'Académie des inscriptions. Le Vieil, et ce n'est pas à tort, a été son principal guide. Aimant à croire que la peinture sur verre naquit en France, il s'en rapporte volontiers sur ce point à son patriotisme, qui peut-être ne l'a point trompé, mais qui n'aurait rien perdu à s'appuyer de quelques preuves. Vient ensuite une description de vitraux des principales églises de Rouen, et ici M. Langlois est sur son terrain. On s'aperçoit que c'est un digne fils de cette Normandie si riche en beaux souvenirs, en monumens du passé, et qui excitait si vivement l'enthousiasme du bibliomane-archéologue Dibdin, comme elle doit échauffer celui de tout ami des arts. Après ce morceau étendu, l'auteur passe en revue les vitraux remarquables dans plusieurs autres parties de la France, ceux de la cathédrale de Chartres, de la cathédrale de Strasbourg, de Notre-dame de Brou, de la cathédrale de Reims, de l'église royale de Saint-Denis, des cathédrales de Metz, Soissons, Noyon, Bour

ges, Paris. Voyageant de là dans les pays étrangers, il nous entretient des cathédrales de Cantorbéry, de Milan, de Cologne. Enfin, après avoir tracé le tableau de l'état actuel de la peinture sur verre, particulièrement en France, il termine par la biographie que le titre annonce. Ce livre est, en général, d'une lecture attrayante et instructive. Est-il exempt d'inexactitudes? non, et toutes les personnes qui s'occupent de ce genre de recherches minutieuses savent combien il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'éviter toute erreur. Les noms, les dates sont une source de méprises désespérantes. Souvent les renseignemens manquent ou devraient être pris aux lieux mêmes, dans des dépôts fermés au public ou trop éloignés de l'écrivain. Le lecteur ne sait rien des peines excessives que se donne un savant consciencieux pour restituer à un nom propre sa véritable orthographe, pour ressusciter un personnage ignoré, oublié, obscur, pour fixer une année, prendre en faute un historien ou un bibliographe, au moment d'y tomber soi-même; ou, s'il le sait, il n'en a cure, pas plus que des sueurs des malheureux qui ont été chercher dans les entrailles de la terre le métal dont est faite la pièce de monnaie avec laquelle il paie son déjeuner ou sa place à l'opéra. DE REiffenberg.

57. Histoire de LA MUSIQUE, par M. STAFFORD, traduite de l'anglais par madame ADÈLE FÉTIS, avec des notes, corrections et additions, par M. FÉTIS, Paris, 1832; Paulin, éditeur, place de la Bourse. In-12 de 367 pages; prix, 5 fr.

publiée par

M. FÉTIS,

Avant la fondation de la Revue musicale, journal hebdomadaire, maintenant européen, la littérature historique et critique de la musique en France se bornait à un très-petit nombre de traités généraux ou de dissertations particulières, faits sans discernement, sans goût, et à peine lus de quelques savans. Les gens de lettres qui passaient de la critique de la Comédie-Française à celle de l'Opéra, ignorant les principes de l'art qu'ils jugeaient sans appel, et n'en ayant souvent même pas un sentiment juste, ne firent que gêner sa marche et ralentir ses progrès. Quant aux musiciens, tels que Brossard, Delaborde et autres, qui essayèrent d'écrire sur cet objet, ils manquèrent, soit de discernement dans le choix de leurs matériaux, soit de connaissances suffisantes, soit de méthode dans l'exposition de leurs idées. Les étrangers, au contraire, possèdent depuis long-tems une

grande quantité d'ouvrages remarquables sur cette matière, parmi lesquels l'histoire générale de Forkel chez les Allemands, celle du père Martini en Italie, celles de Burney et de Hawkins en Angleterre, occupent le premier rang. C'est dans ces deux derniers ouvrages que M. Stafford a puisé les principaux matériaux de son abrégé historique, 'il y a ajouté quelques recherches assez étendues sur la musique des Orientaux, et sur les compositions modernes postérieures à l'époque où Burney et Hawkins écrivirent. Cette partie du travail de M. Stafford a été revue et souvent même refaite par M. Fétis, qui a rectifié par des notes et additions les diverses erreurs et omissions qu'elle présentait. Les musiciens, qui éprouvent plus que jamais le besoin de connaître, sinon dans ses détails, au moins dans ses faits généraux, l'histoire de leur art, la trouveront done suffisamment développée dans ce livre, traduit avec un soin remarquable par madame Fétis, et enrichi de nombreux supplémens par M. Fétis. On peut le diviser en deux parties à peu près égales dans la première il est traité de la musique chez les anciens et chez tous les peuples de la terre qui n'en ont eu qu'une connaissance imparfaite; l'auteur n'y a omis aucun des faits qui peuvent éclaircir l'histoire générale de l'art ou même seulement intéresser la curiosité des lecteurs; la seconde contient l'histoire de la musique depuis la connaissance de l'orgue et la découverte de l'harmo'nie jusqu'à nos jours. Il est encore à remarquer que, dans cette seconde partie, l'auteur anglais avait jugé prudent d'intéresser la vanité de ses compatriotes au succès de son livre, en s'étendant longuement sur la musique anglaise ancienne et moderne, et sur ses progrès. Ces détails, fastidieux et inutiles pour l'histoire de l'art, ont été considérablement raccourcis par M. Fétis, qui les a remplacés par une notice sur la musique française, dont il était à peine question dans l'ouvrage anglais.. Nous reprocherions ici à M. Fétis la brièveté de cette notice, si nous ne savions que ce savant professeur s'occupe actuellement d'un ouvrage considérable auquel cet écrit, et ceux qu'il a précédemment fait paraître, n'ont été jusqu'ici qu'une sorte d'introduction (1).

(1) Voici le titre de ces ouvrages :

La musique mise à la portée de tout le monde, 4 vol. in-8°.
Curiosités historiques de la musique, 1 vol. in-8°,

En attendant la publication de ces importans travaux, nous recommandons vivement aux artistes et aux personnes qui désirent posséder quelques notions sur l'histoire de la musique, ce petit volume, que rien ne saurait remplacer en ce moment, et dont la lecture peut servir de préparation à des études plus étendues.

CH. D.

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