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ENCYCLOPÉDIQUE.

POLITIQUE.

DU JOURNALISME.

Les quinze années qui ont précédé la chute de la branche aînée des Bourbons se résument tout entières dans la lutte de la restauration et du journalisme, lutte mémorable qui s'est terminée enfin par la défaite d'une dynastie rétrograde; c'est pendant ces quinze années que la puissance du journalisme s'est organisée et développée, qu'elle s'est élevée à la hauteur d'un pouvoir nouveau, qui n'a pas de modèle dans le passé, et dont l'influence sur la société a été si vaste et si féconde.

Autour de ce pouvoir se sont groupés les hommes politiques les plus importans de l'époque, soit pour le défendre, soit pour l'attaquer, et toujours ils se sont rencontrés là avec aigreur, avec passion; toutes les questions de la presse, concentrées dans celle du journalisme, ont constamment soulevé les sympathies et les antipathies les plus violentes; elles ont été des questions de vie et de mort pour les différens ministères qui se sont succédé pendant quinze ans ; elles ont tué une dynastie tout entière.

TOME LV. SEPTEMBRE 1832.

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II y a donc dans le journalisme une force sociale sentie de tous aujourd'hui, mais dont nous voulons rechercher l'origine et caractériser l'influence sur l'époque actuelle. La révolution de 1830, en anéantissant, par sa rapide et sublime énergie, les derniers efforts de rétrogradation des derniers représentans du passé, a créé la voie à de nouvelles destinées voyons quel a été, dans ces circonstances, le rôle du journalisme, et quelle est sa mission.

Quand la société vint à reconnaître que les pouvoirs anciens de l'Église, de la féodalité et de la monarchie ne pouvaient plus riep pour sa direction, elle manifesta ses répugnances en réclamant son indépendance, son droit d'examiner la légitimité de ces pouvoirs; et cette volonté fut proclamée au nom de la religion par Luther, au nom de la philosophie par Descartes, au nom de la politique par Rousseau. Une ère toute nouvelle s'ouvrait pour l'humanité: c'était l'appel à une religion moins mystérieuse, moins accablante pour la raison, plus en harmonie avec les découvertes de la science, avec les progrès de l'industrie; c'était l'appel à une philosophie plus indépendante de l'autorité religieuse, plus inspirée de la conscience humaine, de sa nature, de ses besoins, de ses espérances; c'était l'appel à une politique plus large, dégagée de tous les priviléges de naissance, fondée sur le principe de l'égalité et le respect de toute individualité.

Avec quelle entraînante audace l'homme sapait alors toutes les bases de la vieille société! Les questions de l'origine du pouvoir, de l'infaillibilité de l'autorité religieuse, du droit divin, sont soulevées et niées; sous toutes les formes, on les discute, on les critique; jamais les hauts problèmes, jusqu'à ce jour agités dans l'humanité et insondables pour la foule, n'avaient conquis tant de popularité! Trois siècles de polémique, de guerre civile, de guerre européenne, de massacres, sont employés à l'élaboration des principes nouveaux et à leur réalisation sociale, un siècle pour l'émancipation religieuse, un siècle pour l'émancipation philosophique, un siècle pour l'émancipation politique, ce siècle dure encore.

Le caractère particulier de cette ère nouvelle, c'est que la vérité n'est plus donnée seulement à quelques disciples, renfermée dans l'intérieur du temple ou de l'école, mais qu'elle est jetée à tous, répandue sur tous, comme la lumière du soleil. L'homme a conquis son individualité; tous ont droit à cette pâture sacrée, le fruit des labeurs du génie, des expériences sanglantes de l'humanité; chaque être est appelé à s'initier aux progrès de la science, de l'industrie, de la morale; nul ne peut plus être en dehors de la marche générale de la civilisation, et tout progrès doit être une amélioration dans l'existence de chaque individu.

Cette puissance d'universalité qui caractérise en tout l'époque moderne devait se créer un organe spécial, devait enfanter une institution nouvelle; et c'est le journalisme. En effet, le journalisme, expression de l'opinion de tous, s'adresse à tous : il est la voix du peuple; car par lui le peuple parle, condamne ou acclame : il est le pouvoir du peuple; car, par lui, le peuple manifeste sa souveraineté, qui, à son gré, conserve ou renverse. Le journalisme favorise la diffusion des lumières, incarnation des idées dans chacun des meinbres de la société.

On peut comparer l'institution du journalisme à la tribune antique.

Dans l'antiquité, la classe la plus nombreuse étant en dehors de la loi civile ne prenait aucune part à la discussion des affaires publiques; aussi la parole ne s'adressait qu'à la classe la moins nombreuse, aux hommes libres, aux patriciens, puis aux plébéiens. Nous comprenons aujourd'hui pourquoi il était facile alors de parler à ce qui s'appelait le peuple assemblé, de soumettre les lois à son acclamation, de l'éclairer sur la situation de la république, de le faire participer au mouvement général de la société. Mais, par l'émancipation chrétienne, depuis que tous ont été initiés à la loi religieuse, depuis que la classe la plus nombreuse a été affranchie et est entrée dans la cité, depuis que tous les hommes, sans exception aucune, ont été appelés à conquérir leur personnalité, il n'a plus été si facile de grouper sur une

place publique tout ce qui portait le signe d'homme libre; l'homme libre est devenu l'humanité tout entière il a fallu parler la même langue, prêcher la même loi à l'humanité tout entière.

Pendant quelques siècles, les prédications multipliées de l'église chrétienne ont servi à développer le sentiment moral et l'intelligence de l'espèce humaine; mais, devenues insuffisantes et arriérées, le besoin s'est fait sentir, pour propager les idées nouvelles qui surgissaient comme un monde, d'une institution plus rapide, plus pénétrante, capable de communiquer partout et à tous à la fois les pensées fécondes de la philosophie, de la science, des beaux-arts, de la politique. Par la découverte de l'imprimerie, la presse a été cette parole universelle qui infiltre dans l'humanité tout entière la pensée progressive de l'époque; et enfin le journalisme, perfectionnement de-la presse, est venu donner à l'homme la puissance de prendre possession en un jour des créations du génie, de se les approprier, de les appliquer.

Non-seulement les idées ne peuvent plus se perdre, mais elles se répandent, elles se discutent du soir au matin aussi voyez la rapidité avec laquelle aujourd'hui tout se dit et tout se fait!

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Mais le plus grand bienfait du journalisme, c'est de pouvoir, par la promptitude de ses communications et sa facilité à se répandre, à se multiplier, associer entre elles les destinées des peuples, mettre une nation au courant des intérêts, des affaires et des progrès de tous les jours d'une autre nation.

Le journalisme peut être, pour l'avenir, l'instrument admirable d'une œuvre sublime d'association.

Mais ne croyez pas, si j'exalte ainsi la vertu de la parole écrite représentée par le journalisme dans sa vivacité, sa force d'improvisation et d'expansion, ne croyez pas que je dédaigne ou subalternise la parole parlée, l'éloquence.

Oh! je sais trop la puissance magnétique de cette parole qui s'adresse directement à l'homme, et lui dit de ces choses divines

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