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que les causes qui les ont opérés ont cessé à jamais leur action. S'il est un fait démontré, c'est que les phénomènes qui se sont succédé pendant la période d'émersion peuvent très-bien avoir été produits par des causes semblables à celles dont nous pourrons calculer et apprécier l'action. S'il n'est pas aussi constant qu'il en a été de même de ceux qui se rattachent à l'époque où les mers recouvraient une plus grande étendue de la surface terrestre, l'analogie, qui équivaut presqu'à l'expérience, le fait également présumer. Comment pouvoir en douter, lorsque la nature, interrogée dans les faits que nous pouvons saisir, nous montre qu'elle n'a jamais agi que d'après des lois aussi simples qu'universelles? La vraie philosophie repousse donc avec raison ces causes occultes, à l'aide desquelles l'on voudrait expliquer les phénomènes naturels des tems passés, comme pour s'épargner la peine de les étudier et de les comparer aux phénomènes actuels. N'oublions pas que, si l'expérience et l'observation nous permettent de saisir certains points des phénomènes de la nature, il en est d'autres qui ne peuvent être appréciés que par la comparaison et l'analogie.

Ce sont là, les diverses périodes que le globe a parcourues, et qui l'ont successivement amené à l'état de stabilité et d'harmonie auquel il est arrivé, stabilité qui était aussi nécessaire à la conservation qu'à la durée des choses créées. Maintenant examinons en particulier les diverses modifications que la surface du globe a éprouvées, et voyons si elles ont suffi pour opérer la destruction des espèces dont on ne voit plus de traces sur la terre.

Les principaux changemens que le globe a subis paraissent avoir dépendu d'un certain nombre de causes, que nous allons essayer d'énumérer dans l'ordre qu'elles semblent avoir suivi, ou plutôt dans celui de leur importance. La première, la plus influente, l'abaissement de la température, a eu pour effet immédiat la solidification de la croûte terrestre et la précipitation de l'eau liquide sur cette même enveloppe. La précipitation de l'eau liquide dut être considérable, puisque, dans les premiers tems de

la formation de notre planète, l'étendue des mers, par rapport à celle des parties découvertes, était beaucoup plus grande que celle qu'elles conservent aujourd'hui. Les mers, d'abord réunies et ne formant qu'un seul océan, finirent par se séparer en mers intérieures et mers extérieures, séparation occasionée par les dislocations et les soulèvemens qui s'opérèrent dans la croûte à demi solidifiée du globe. De semblables soulèvemens continuant à s'opérer pendant la période tertiaire, les mers finirent par rentrer dans les limites qu'on ne leur voit guère dépasser depuis les tems historiques. Aussi, depuis lors, les modifications un peu générales que notre planète a éprouvées ont été bornées à l'action des eaux courantes et à celle qu'exercent les eaux des mers sur la forme et la disposition des rivages qui les bornent.

Mais, avant d'examiner les effets que l'abaissement de la température du globe a produits sur les êtres vivans, ne perdons pas de vue les lois de distribution des espèces fossiles et humatiles, lois d'autant plus belles et d'autant plus curieuses, qu'elles sont aussi simples que faciles à saisir.

Ainsi, par exemple, les premiers êtres que l'on découvre dans les plus anciens dépôts de sédiment n'ont rien de commun avec nos races actuelles. Ils en diffèrent autant par les espèces que par les genres, dont l'établissement repose sur des formes spéciales et diverses. C'est uniquement dans les terrains tertiaires que l'on commence à découvrir des espèces analogues aux nôtres, tandis que les espèces semblables à nos races vivantes ne se montrent guère que dans les terrains quaternaires, terrains les plus récemment déposés. Or ce rapport entre l'ancienneté des couches et la différence des débris organiques qu'elles renferment avec les êtres qui existent de nos jours, n'a pu avoir lieu que parce que les divers changemens opérés dans la croûte la plus superficielle de notre planète ont exercé une grande influence sur les êtres qui y étaient dispersés.

L'abaissement de la température du globe étant prouvé par les faits géologiques, il s'agit de savoir s'il a été assez grand ou

assez subit pour faire périr les espèces qui exigeaient une température élevée.

roseaux,

Si nous étudions les êtres dont les plus anciennes couches du globe nous ont conservé les traces, nous les voyons à peu près tous appartenir à des espèces qui, d'après leur taille et l'habitation de leurs congénères, exigeaient une grande chaleur. Les premiers végétaux de l'ancien monde se composaient d'immenses de fougères en arbre de la taille la plus colossale, et d'arbres qui, comme les prêles, ne sont plus aujourd'hui que des plantes chétives ou des arbrisseaux rabougris. Il en était de même des animaux établis les premiers sur les terres découvertes. Les reptiles les plus bizarres et les plus monstrueux composaient presqu'à eux seuls cette antique population. Quelle surprise n'éprouverions-nous pas si, au milieu de ces singulières forêts de l'ancien monde, dont les cryptogames formaient la plus grande partie, nous apercevions ramper ces immenses mégalosaurus, sortes de lézards grands comme des baleines, ou si nous voyions tout à coup sortir du sein des eaux ces énormes et étranges ichtyosaurus et plésiosaurus, dont rien ne nous rappelle la grandeur ni les formes bizarres.

Tout a donc changé sur la scène du monde, et les variations. de la température ont grandement influé sur ce changement; car à toutes les époques la chaleur a constamment été favorable au développement des forces vitales. Oui, tout a changé par l'effet de cette cause puissante; car, réfléchissez aux changemens immenses qui résulteraient pour le globe d'un abaissement de température même inférieur aux variations que le thermomètre éprouve dans nos climats pendant le cours d'une année, cet abaissement suffirait pour anéantir à jamais les espèces tropicales et pour faire refouler vers l'équateur les races des zones tempérées et y entraîner celles qui, jalouses de respirer un air pur et raréfié, se plaisent sur les hauteurs et ne descendent qu'à regret sur le sol abaissé de nos plaines.

L'abaissement de la température a tellement produit des effets

analogues, qu'à mesure qu'il a eu lieu, les espèces qui consommaient le plus et qui exigeaient le plus de chaleur ont peu à peu disparu des lieux où elles ne trouvaient plus ni la nourriture appropriée à leurs besoins, ni la température qu'exigeait leur organisation. Il y a plus encore, elles ont péri à jamais, lorsqu'elles n'ont rencontré nulle part la chaleur dont elles avaient besoin. Ainsi les mastodontes, les éléphans, les rhinocéros, les hippopotames, les lions, les hyènes, les ours grands comme le sont actuellement nos chevaux qui ont jadis foulé le sol de nos contrées, en ont tout-à-fait disparu. Leurs espèces, différentes des nôtres, paraissent même tout-à-fait éteintes ; et leur destruction a probablement dépendu de ce qu'elles n'ont plus trouvé sur la surface du globe la chaleur qui leur était nécessaire.

Mais, ce qui n'est pas moins remarquable, la chaleur propre de la terre, qui, en s'ajoutant à la chaleur solaire, a porté beaucoup plus haut la température des différens climats, s'est elle-même abaissée dans des limites tellement fixes, que les climats ont conservé entre eux les mêmes rapports qu'ils avaient autrefois, rapports qui nous sont indiqués par la comparaison des hauteurs inégales où l'on découvre dans les deux hémisphères les espèces fossiles et humatiles.

L'abaissement de la température n'a donc pas été subit; mais, comme la plupart des phénomènes naturels, il a eu lieu d'une manière lente et graduée. Ainsi s'est toujours maintenue cette harmonie admirable qui existe dans la nature, et qui, émanée de la sagesse suprême, préside à tout et rend tout désordre impossible.

La distribution des espèces fossiles et humatiles nous annonce en effet que la chaleur allait en diminuant, de l'équateur aux pôles, de la même manière qu'aujourd'hui. Chacune des zones de la terre a donc passé par la température équatoriale, et celleci baissant graduellement, les divers parallèles terrestres ont pris leur température actuelle qui ne dépend plus que de la chaleur solaire.

La température d'un même point n'ayant varié qu'avec une assez grande lenteur, la vie n'a été troublée à la surface du globe que d'une manière graduée, comme la diminution dans la distribution du calorique qui en était la cause. Ainsi à toutes les époques, du moins depuis l'apparition des corps organisés, la différence entre les températures moyennes du pôle à l'équateur fut, comme elle l'est actuellement, d'environ 80 degrés.

La zone dans laquelle peut vivre un animal ou un végétal donné a été ainsi continuellement en s'avançant du pôle vers l'équateur, pour arriver enfin à sa position actuelle et invariable. Les espèces aujourd'hui fossiles et humatiles ont donc péri plutôt dans les contrées septentrionales que vers les régions équatoriales.

Cette progression, qui a porté constamment les espèces vivantes des pôles vers l'équateur, jusqu'au moment où elles ont pris leur position actuelle et invariable, paraît également avoir eu lieú par rapport aux hauteurs. Les premiers êtres vivans semblent du moins avoir apparu sur les montagnes et être descendus successivement dans les plaines, à mesure que la température du globe s'abaissait. Aussi voyons-nous l'échelle verticale habitée avoir été constamment plus élevée dans le nouveau continent que dans l'ancien. Ce fait est trop remarquable pour ne pas dépendre de ce que les climats actuels en s'établissant ont conservé entre eux les mêmes rapports qu'ils avaient à l'époque à laquelle ont péri toutes ces espèces dont les entrailles de la terre nous ont conservé les restes.

Ce qui est arrivé par suite de la diminution de la température de la surface terrestre s'est fait également ressentir sur les espèces aquatiques; car, dans tous les tems, la chaleur des eaux de la mer a exercé sur elles la plus notable influence. Quelques degrés de différence en température ont suffi pour que les mollusques d'une contrée ne pussent pas vivre dans une autre ; à peu près comme dans les tems présens, les mollusques des côtes méridio

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