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Tels sont les principes fondamentaux professés par M. Zachariae, et qu'il n'est pas possible de poursuivre ici dans toutes leurs conséquences. Je m'abstiens de les accompagner d'aucun commentaire. Il me suffit d'observer qu'ils me paraissent valoir la peine qu'on les médite, soit qu'il examine l'origine et le fondement du pouvoir, question que la révolution de juillet a remise parmi nous à l'ordre du jour, soit qu'il détermine le but et la mission de ce pouvoir et ses limites, autre question agitée plus vivement que jamais par le saint-simonisme ou à son occasion, sans que nous soyons arrivés sur ce point à une conclusion satisfaisante.

Dans son cours de droit public, outre la partie générale dont j'ai parlé jusqu'ici, M. Zachariae expose aussi le droit public de la confédération germanique, avec l'histoire et les sources du droit public de l'Allemagne, depuis l'origine jusqu'à nos jours.

C'est avec un vif plaisir que j'ai vu M. Zachariae, à l'occasion des droits dont les différentes communions religieuses jouissent en Allemagne, se prononcer, après une longue hésitation, comme il le dit luimême , pour l'émancipation absolue des juifs. En Allemagne, l'État est chrétien, et l'établissement de Moïse est considéré moins comme une religion que comme législation. D'où il suit que les juifs sont un peuple étranger, vivant sous des lois particulières parmi les peuples chrétiens et qu'ils n'ont point le droit de réclamer la qualité de citoyens dans l'État, qui les tolère, mais de la communion duquel ils sont exclus. C'est là un des côtés les plus déplorables de la civilisation d'ailleurs si avancée de l'Allemagne. Beaucoup d'hommes éclairés, et qui sur toutes les autres questions ont la prétention d'être les plus libéraux, ne peuvent vaincre leurs doutes et leurs scrupules lorsqu'il s'agit d'émanciper les juifs. On convient bien qu'il y a quelque chose à faire pour l'amélioration de leur position sociale, mais ce n'est pas un droit qu'on leur reconnaît, c'est une faveur qu'on fait dépendre d'un grand nombre de conditions préalables. Que les juifs commencent par se rendre dignes du bienfait qu'on leur réserve, et aptes à remplir les devoirs du citoyen, ce n'est qu'après qu'on pourra les admettre à l'égalité civile et politique. M. Zachariae répond avec raison que ce qui a le plus contribué à dégrader la nation judaïque, ce qui a empêché le développement d'une foule de qualités généreuses dont elle est capable, ce qui l'a retenue dans une séparation si tranchée et une hostilité sourde contre les chré

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à plusieurs; mais le pouvoir lui-même ne saurait dériver d'un contrat, parce qu'aucune convention ne peut établir d'autorité investie d'un droit de coaction absolu. Il n'existe

pas un seul

gouvernement à l'éta

citoyens

aient

blissement et au maintien duquel tous les expressément consenti; et la fiction du consentement tacite conduit à de fâcheuses conséquences et à la dissolution de tous les liens sociaux. On présume le consentement des citoyens qui restent dans le pays, parce que les mécontens peuvent le quitter. Mais combien n'y en a-t-il pas qui sont de fait dans l'impossibilité de s'expatrier, dont le consentement est par conséquent forcé? Et s'il fallait que tous les mécontens émigrassent pour avoir le droit de se dire mécontens, ils achèteraient un peu cher ce droit; et puis combien resterait-il à la fin d'habitans dans le pays? Au reste, il faut convenir que plusieurs n'ont entendu par contrat social rien autre chose que la volonté de la majorité, et professent par con séquent, quoique sous un nom impropre, la théorie indiquée plus haut.

La cause de la naissance de l'état en démontre assez l'objet et le but, qui est de faire régner la loi juridique par l'établissement d'un pouvoir public. Les hommes doivent vivre dans l'état, afin que le droit y trouve un appui dans le pouvoir, et le pouvoir une règle, une direction dans le droit. L'on a souvent cru que l'état s'élevait et gagnait en dignité à mesure qu'on en étendait le but, sans songer que c'était restreindre d'autant la liberté légale des citoyens. L'état, il est vrai, est grandement intéressé au bien-être et à la prospérité du peuple, puisque la puissance de l'état en dépend. Est-ce à dire que l'état doive ou puisse se proposer pour but la satisfaction de tous les intérêts du peuple? L'homme, en tant que membre d'une société politique, ne peut avoir d'autre but que le règne de la justice, et, toutes les fois qu'il en dépasse les limites, il ne peut invoquer d'autre loi que celle de la nécessité. Mais cela n'empêche point l'état ne produise une foule d'effets que par l'influence qu'il exerce naturellement sur le développement de l'humanité; et ces effets sont comme autant de fins secondaires que la nature atteint au moyen de l'état, sans qu'elles rentrent pour cela dans le but véritable de celui-ci, dans la raison et la loi de son existence. Quant au but secondaire de l'état, il n'est d'ailleurs pas le bonheur des hommes, mais bien leur éducation par le développement de leurs facultés au milieu des luttes.

observation n'a rien de désobligeant pour les jeunes docteurs que je viens de nommer: ils remplissent une tâche utile en donnant une introduction raisonnée aux élèves qui se préparent à l'étude du droit positif. Mais autre chose est l'utilité de ces cours pour compléter un plan d'études, autre chose leur importance pour faire connaître l'état de la science en Allemagne.

Heidelberg, ce 23 août 1832.

HENRI KLIMRath.

DE LA NÉCESSITÉ ET DES MOYENS DE CRÉER DES
BANQUES, DÉPARTEMENTALES.

Le développement de l'industrie en France rend chaque jour plus sensible l'absence des moyens d'échange, qui, en Angleterre et aux États-Unis, concourent si puissamment à la prospérité des travailleurs. L'utilité des banques commence à être généralement appréciée, et c'est surtout dans nos villes manufacturières que la fondation de ces centres de crédit est plus vivement réclamée. Aussi tandis que nos gouvernans semblent impassibles en présence de l'allanguissement du travail, des sociétés sont fondées dans nos départemens pour préparer, pour hâter la réalisation de ces puissantes associations financières, qui seules peuvent donner à l'industrie une impulsion que les relations actuelles du crédit ne peuvent lui offrir.

On nous communique, et nous nous empressons de publier ici l'extrait d'un travail sur cette matière importante, travail qui a été couronné par la Société industrielle de Mulhouse, et qui, par là même, acquiert un caractère de gravité. Notre opinion, quant aux principes qui en forment la base, est conforme à celle de son auteur, M. Émile Bères; il n'en est point de même quant aux moyens d'exécution, sur lesquels nous nous proposons d'exposer incessamment nos vues. Nous devons toutefois reconnaître que le système qui s'y trouve exposé serait,

s'il était réalisé, un progrès incontestable sur l'ensemble des moyens de circulation et de crédit dont le travail peut aujourd'hui disposer; à ce titre nous le recommandons à l'attention de nos lecteurs.

POUR donner quelque vie à l'agriculture, à l'industrie et au commerce si languissans de nos provinces, rien ne serait plus utile que de créer une banque par département : il n'en existe aujourd'hui que trois ou quatre hors Paris; et c'est vingt fois trop peu.

Quand on recherche attentivement les causes du malaise industriel et commercial de la France, on s'aperçoit bientôt qu'une des plus réelles d'entre elles réside dans ses moyens d'échange à la fois trop peu nombreux et pas assez économiques.

Mieux avisée que notre pays, l'Angleterre y a pensé depuis long-tems: aussi quelle masse d'affaires n'est-elle pas à même d'entreprendre, dans l'enceinte de son étroit horizon, lorsque nous, sur le plus vaste

théâtre d'exécution, pouvons à peine nous remuer!

A ne considérer que le mouvement commercial de l'Angleterre, on croirait qu'elle a beaucoup d'or et d'argent, tandis qu'aucun état proportionnellement n'en a moins. Il y a à peine chez elle, en monnaie d'or et d'argent, 500 millions; mais en échange elle a près de deux milliards de papier de banque, milliards qui eux-mêmes donnent une valeur réelle à une masse incalculable d'effets de commerce: ils n'ont, il est vrai, qu'une assez courte échéance, mais pouvant se renouveler à l'aise, ils donnent ainsi une sûre et rapide impulsion aux affaires. Il est facile de voir combien par-là le producteur anglais a d'avantages sur les producteurs des autres contrées, forcés par les conditions d'un crédit restreint de fabriquer et de vendre pour ainsi dire, au jour le jour.

L'Angleterre est tellement pénétrée de l'avantage du papier de banque, qu'elle le livre à la circulation sans qu'il soit garanti par une réserve effective: il n'y a que la banque de Londres qui échange ses billets contre argent. Les banques de province n'y sont pas tenues; ce n'est sans doute pas plus sage, mais c'est ainsi établi, tant cette habile et active nation est pénétrée de l'immense puissance du crédit.

A l'exemple de l'Angleterre, les État-Unis ont porté une vive atten

tion sur le système des banques, qui s'est développé chez eux avec une étonnante rapidité. Le nombre de ces utiles établissemens est aujourd'hui de trois cent trente, et leur capital s'élève à cinq cent soixante millions de francs.

Comment espérer de lutter avec quelque avantage contre ces peuples rivaux, si nous ne prenons au plus vite des armes égales aux leurs. L'établissement des banques a pour résultat évident de fournir un moyen d'échange plus prompt, plus commode, plus économique que l'or et l'argent.

Le transport du numéraire est fort coûteux, fort embarrassant et lorsque la masse des affaires est grande, c'est dans la balance des profits d'une année un notable déchet. Il en coûte annuellement à l'État, pour le maniement de l'or et de l'argent qui passe dans ses caisses, la somme de trois millions. On est à même de juger par-là à quel chiffre doit s'élever cette même dépense dans le mouvement commercial de toute la France.

Une fois la nécessité de l'établissement des banques départementales bien constatée, nous devons arriver aux moyens d'exécution; car n'émettre que des vœux serait ne vouloir qu'un bien à peu près stérile.

Le numéraire n'étant déjà que trop rare dans la plupart des départemens, le problème à résoudre est de créer des banques sans diminuer en rien celui qui déjà se trouve dans la circulation; et comme il nous faut cependant un capital de garantie pour faire donner de la confiance aux billets à émettre, voici comment nous entendons qu'on devrait le former.

Le capital de garantie d'une banque est d'autant meilleur qu'il est réel, appréciable, encaissé, facilement négociable; mais comme lorsqu'on lui connaît ces conditions, il est laissé presqu'en totalité dans les coffres de l'établissement, parce qu'on lui préfère les billets plus commodes à lancer dans la circulation, il n'est plus nécessaire dès lors qu'il soit en entier formé de valeurs monnayées.

les

C'est dire que nous voudrions que, dans chaque département, citoyens comprissent assez bien leurs intérêts pour qu'ils fissent une masse de matières d'or et d'argent, s'élevant à 1,000 fr. par mille habitans: cette masse une fois faite, nous demanderions qu'une loi autorisât le gouvernement, au moyen d'un emprunt, à doubler le montant

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