Page images
PDF
EPUB

J'y pourrais, avec vous, réfoudre ma vertu.
Mais l'injufte Edouard nous ordonne le crime;
Il veut qu'en abjurant notre Roi légitime,
Sur le Thrône des Lys, au mépris de nos Loix;
Un ferment facrilège autorise ses droits :
Il prétend recevoir fes conquêtes nouvelles,
En Prince qui pardonne à des Sujets rebelles.
Vous ne donnerez point, à nos triftes Etats,'
Cet exemple honteux.... qu'ils n'imiteraient pas :-
Vous n'irez point fouiller une gloire immortelle,
Le prix de tant de fang, le fruit de tant de zèle:
Nous mourrons pour le Roi, pour qui nous vivions

tous.

Choififfez le trépas le plus digne de vous:
Je vous laiffe l'honneur de tracer la carrière,
Content que ma vertu s'y montre la première.
ALIENOR.

Citoyens, j'entrevois quel effort courageux
Attend, fans le prefcrire, un Chef si généreux,
Mon père projettait un noble facrifice......
Quel bonheur que fans lui fa fille l'accompliffe !
Ah! j'en rends grace au Ciel.Calais fut mon berceau
Et je veux avec vous y trouver mon tombeau.
Puifque votre valeur ne peut plus s'y défendre,
Faifons-nous un bûcher de la Patrie en cendre.

Songez que, cette nuit, le Vainqueur furieux,
Peut, au premier affaut, se voir maître en ces lieux:
De ce Peuple, épuisé par tant de funérailles,
A peine un faible rang couronne nos murailles:
Attendrez-vous, amis, ainfi que dans Beauvais,
Que le foldat féroce, avide de forfaits,

Sur le fein palpitant des femmes égorgées,
Traîne vos fils fanglans, vos filles outragées ?
Ah! prévenez le crime en cédant au malheur;
Que la Mort foit du moins l'afile de l'Honneur.
Vous verrez, comme moi, vos époufes fidèles
Encourager vos mains heureusement cruelles,
Et preffant dans leurs bras leurs pères, leurs époux,
Sous nos toits enflammés s'élancer avec vous.
Qu'Edouard n'ait conquis, dans une année entière,
Qu'un stérile monceau de cendre & de pouffière:
Que le parjure Harcourt, confus, désespéré,
Reconnaisse les cœurs dont il s'eft féparé;

Qu'il en meure de honte : & que mon digne père
Me pleure en m'admirant... comme il pleura mon

frère.

Enfin, qu'au fein des feux qui vont nous dévorer,

Où notre gloire encor va se voir épurer,
Nous puiffions dire au moins que, fans changer de

Maître,

Ceffant d'être Français, Calais a ceffé 'étre.

AUREL E.

O noble emportement ! défespoir de l'Honneur
Qui ranime mes fens & paffe dans mon cœur
Oui, d'un œil inquiet, la France nous contemple
Et fon fort déformais dépend de notre exemple:
Il faut, pour relever ses Peuples abbatus,

Hors du terme commun leur montrer des vertus..
Pour chaffer de nos bords ce vaillant Infulaire,
Pour ravir notre Sceptre à fa race étrangère;
Prouvons lui que fon bras peut nous anéantir,
Peut nous réduire en poudre, & non nous affervir.
L'Anglais nous enviera nos fépulchres de flâme :
Si d'une faible argile il affranchit fon âme,
S'il brave la Nature & l'ofe furmonter,

Notre amour pour nos Rois peut auffi la dcmpter.
Courons. (Il prend la main de fon père & s'arrête.)
Mais je verrai, par des flâmes cruelles,

Dévorer cette tête & ces mains paternelles !....
Je ne le verrai point, ils en frémiffent tous......
Plus jeune, je faurai m'y plonger avant vous.

[ocr errors]

(Il veut fortir.) SAINT-PIERRE, l'arrêtant. .Demeure.... O mes amis ! c'eft le Ciel qui m'infpire: Vous vivrez. J'ai fauvé des Héros que j'admire : Au Monarque, à l'Etat, confervez vos grands cœurs,

[ocr errors]

(A Aliénor.)

Déclarons à l'Anglais vos projets destructeurs :
Offrons d'y renoncer, de lui rendre la Ville,
Et l'Or, & ces dépôts de richesse inutile ;
S'il nous laiffe partir, Guerriers, Femmes, Enfans,
Et porter tous au Roi nos fervices conftans.
Je conçois, d'Edouard, la rage frémiffante....
Pour fauver fa conquête, il faut qu'il y confente.
Eh! qu'importe à Philippe, en fes nobles projets,

De perdre des remparts, s'il garde fes Sujets ?
Abandonnons pour lui, nos biens, notre patrie,
Sacrifice plus grand que celui de la vie.

Son malheur nous appelle auprès de fes drapeaux,
Oublions nos revers dans des périls nouveaux;
Qu'il remette en nos mains aux combats exercées,
Ses remparts les moins fûrs, fes villes menacées :
Et qu'en nous y trouvant, les Anglais rebutés
Reconnaissent Calais dans toutes nos Cités.

Madame, à ce difcours, vous voyez que la joie, Comme fur votre front, dans leurs yeux fe déploie: Partez, brave Amblétufe, allez en fûreté Au Conquérant Anglais propofer ce traité : Nous,annonçons au Peuple un bonheur qu'il ignore... Quel préfent je vais faire au Maître que j'adore!

Fin du premier Acte.

ACTE II.

SCENE PREMIERE.

LE COMTE D'HARCOURT, feul

ANS mes fens foulevés quel tumulte confus! ANS Je rougis de moi-même & ne me connais plus. Cité que je remplis d'infortune & de gloire, Contemple ton vainqueur, il pleure fa victoire. Cher Harcourt! O mon frère, à mes yeux immolé! O Mortel vertueux !.... à qui j'ai reffemblé, Sans ceffe,autour de moi, je vois ton Ombre errante; J'entends les longs fanglots de ta bouche expirante.. Que de devoirs facrés, méconnus fi longtems, Rentrent tous dans mon âme, à tes derniers accens! Ils frappent, par ta voix, mon oreille éperdue; Ton fang, de tous côtés, les retrace à ma vue.

« PreviousContinue »