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II y aurait bien des chofes à dire fur tous les dogmes nouveaux que l'on débite aujourd'hui. Chacun fe fait fa petite Poëtique particulière. On veut réduire la vafte carrière de l'Art, au petit coin que l'on y occupe. On s'attache à une branche, & on prétend qu'il n'y en a point d'autre. On juge les Tragédies de fes Confreres d'après la derniere Tragédie que l'on a faite foi-même. Je n'entends rien à cette Logique. Plus j'ai étudié nos Grands- Maîtres, plus j'ai voulu approfondir mon Art: & plus j'en ai découvert l'immense étendue.

Je fens qu'il devient abfolument néceffaire de ramener les efprits du Public dont le goût eft égaré par tous nos Raifonneurs *. Je me propose de donner inceffamment un Ouvrage fur la Tragédie; dans lequel, en rappelant les grands exemples qu'on cherche à faire oublier, je tâcherai de raffermir les principes fondamentaux que l'on ébranle à force de difcuffions. Cet Ouvrage eft le fruit de douze années d'étude; & j'efpere y prouver que fais auffi bien les règles du Théâtre que les Auteurs qui m'accufent de les ignorer. En attendant je peux dire à plufieurs autres de mes Critiques ce que Racine difait, d'après un Ancien, à des Courtifans qui foutenaient qu'une de ses Tragédies bleffait toutes les Regles: A Dieu ne plaife que vous foyez jamais fi malheureux, que de favoir ces Règleslà mieux que moi.

* Ce font les termes d'une Lettre de M. de Voltaire à M.

Au refte, je ne fuis pas affez aveugle pour prétendre que ma Tragédie foit fans défauts. Mais quand elle ferait auffi voifine de la perfection, qu'elle en eft éloignée; je prétendrais encore moins qu'elle dût plaire à tout le monde. Phèdre, le Chef-d'œuvre du Génie, fut fifflée par le Duc de Nevers & par Madame Deshoulieres. C'étaient cependant des Perfonnes de beaude mérite, des Beaux - Efprits très-célè bres dans leur tems. Mais ce n'eft pas le Bel-Efprit. c'eft le Sentiment qui doit juger le Génie. Pour moi, trop faible Difciple de Racine je n'afpire pas follement à me voir mieux traité que mon Maître. Au contraire, je me tiendrai fort honoré fi je parviens à mériter des Cenfeurs auffi illuftres que les fiens.

coup

Fin de la Préface.

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LE SIÉGE

LE SIÉGE

DE

CALAIS.

ÉDOUARD III. Roi d'Angleterre.

GODEFROI DE HARCOURT, l'un des Généraux de l'Armée Anglaife.

'ALIÉNOR, fille du Comte de Vienne, Gouverneur de Calais.

MAUNI, Chevalier Anglais.

LE COMTE DE MELUN, Chevalier Français. EUSTACHE DE SAINT-PIERRE Maire de Calais.

AURELE, fon. Fils.,

AMBLÉTUSE, Bourgeois de Calais.

UN OFFICIER Anglais.

TROUPE DE CHEVALIERS Anglais.
TROUPE DE BOURGEOIS de Calais.'
UN HÉRAULT D'ARMES.

GARDES d'Édouard.

La Scène eft à Calais.

Les trois premiers Actes & le cinquième se passent dans la Salle d'Audience du Palais du Gouverneur : le quatrième, dans la Prison qui eft un fouterrain du même Palais,

asne

LE SIÉGE

DE CALAIS, TRAGÉDI E.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE.

EUSTACHE DE SAINT-PIERRE, AMBLÉTUSE.

SAINT-PIERRE.

QUor! le Comte de Vienne est sorti de Calais,

Et fon ordre, avec vous, m'enchaîne en fon Palais! Il combat pour nos jours; & fa prudence active Borne à des foins obfcurs notre valeur oifive!

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