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SPARTACUS.

Oui, je
fais que le fort m'interdit tout espoir,
Qu'à jamais féparant mon deftin & le vôtre,
Le Ciel ne voulut pas nous former l'un pour l'au-

tre :

Que bien-tôt loin de vous, & peut-être haï....
ÉMILIE.

Si mon devoir l'exige, il eft mal obéi;
Mon cœur n'embraffe point une vertu farouche:
J'admire le héros, le bienfaiteur me touche;
Mais un devoir facré m'attache à mon païs :
Ah! Spartacus, pourquoi fommes-nous ennemis ?
SPARTACUS.

Pourquoi dans Rome, hélas! avez-vous pris naissance?

ÉMILIE

Je lui dois mon amour.

SPARTACUS.

Je lui dois ma vengeance;

Ma mere attend de moi le fang de fes bourreaux > L'Univers en attend le terme de fes maux.

ÉMILIE.

Mais je fais qu'envers vous député par mon pere, Meffala doit venir, & peut-être.... j'efpere....

SPARTACUS,

Non, n'en efpérez rien: non, je vous tromperois;

Non, jamais ces cruels n'auront de moi la paix :
Ils font tous dévoués au ferment qui me lie,
Et ma jufte fureur n'excepte qu'Emilie.
ÉMILIE.

Si Rome doit périr, vous m'exceptez en vain.

SCENE

III.

ÉMILIE, SPARTACUS, ALBIN, SABINE,

SPARTACUS.

Ur vous fait accourir? Qu'annoncez-vous,.
Albin?

ALBIN.

Madame, pardonnez, fi ne pouvant me taire....

Eh bien?

SPARTACUS.

ALBIN.

On veut, Seigneur, que vengeant votre mere, A fes mânes, à ceux du fils de Noricus, Vous faffiez immoler la fille de Craffus.

SPARTACUS.

Qu'entends-je ?

ALBIN.

Tous les Chefs, qu'un même efprit anime,

Les lâches!

SPARTACUS.

ÉMILIE.

Contentez, Seigneur, ces furieux :

La mort pour Émilie eft un préfent des Cieux.

SPARTACUS.

Ne craignez rien, Madame; entrez dans cette

tente.

Ils me verront : croyez que feur troupe infolente
N'ofera qu'en tremblant foutenir mon afpect,
Et que tout rentrera bien-tôt dans le refpect.
Soyez fûre, du moins, que tant que je refpire
Contre vos jours en vain leur lâcheté confpire.

Fin du fecond Acte.

ACTE II I.

SCENE PREMIERE.

SPARTACUS, NORICUS, LES CHEFS DE L'ARMÉE, une foule

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Ils méritent la mort,

Et ceux peut-être aufli qui prennent leur défen

fe;

Qui, faits pour maintenir l'ordre & l'obéiffance, De la fédition loin d'étouffer la voix,

En deviennent l'organe, & m'apportent des loix. N'eft-ce donc plus ici Spartacus qui commande ? Ah! je rejetterois la plus jufte demande,

Si la rébellion en étoit le foutien :

Mais qu'ofe-t-on vouloir ? Votre opprobre & le

Guerriers

mien !

que de la gloire un noble amour enflâ

Que me demandez-vous ? C'eft le fang d'une fem

me!

NORICUS.

Tout l'opprobre aux Romains en doit être impu

té :

Ce n'eft qu'à leur exemple, ils l'ont trop mérité..
SPARTACUS.

Ai-je mérité, moi, de fuivre cet exemple?...
Vous par qui les punit le Ciel qui nous contemple,
Şerez-vous criminels & barbares comme eux?
Vous êtes plus vaillans, foyez plus généreux.
La grandeur d'ame eft rare & la valeur commune:
Jufqu'ici nos drapeaux ont fixé la fortune.
Ah! fi nous afpirons à des lauriers nouveaux,
Vengeons-nous en foldats, & non pas en bourreaux;
Et, contre des cruels combattant avec gloire,
Ne déshonorons pas d'avance la victoire.

NORICUS.

Qui combat des cruels doit l'être encor plus qu'eux :

Envers des inhumains fe montrer généreux,
C'est par l'impunité les enhardir au crime.
Tout votre Camp, Seigneur, qu'un même efprit
anime,

Vous parle par ma voix, & demande à grands

cris

Un fang qui doit venger votre mere & mon fils.
SPARTACUS.

Eh bien! à vos fureurs moi-même je me livre;
Spartacus ne veut plus ni commander ni vivre.
Suivez d'un noir transport l'égarement fatal,
Et tout fouillés du fang de votre Général,

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