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nent que ce pays venait de rendre à la Belgique dans sa lutte malheureuse avec la Hollande; lutte, disait-il, dont on avait trop exagéré les conséquences.

La Belgique, ajoutait le roi, confiante à l'excès dans les engagements contractés par la Hollande, et qu'elle-même avait souscrits, s'est vue tout à coup surprise par une armée dont les forces excédaient de beaucoup celles qu'elle avait à leur imposer.

Dans ces pénibles circonstances, le secours des puissances amies devenait urgent, indispensable; vous savez avec quel généreux empressement

il a été accordé.

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Si le courage individuel et la bravoure, qu'on n'a jamais contestés au soldat belge avaient pu suppléer au défaut d'organisation et d'ensemble qui s'est fait sentir dans notre jeune armée, nul doute (et vous en croirez mon témoignage), nul doute que nous n'eussions victorieusement repoussé une agression déloyale et contraire à tous les principes du droit des gens, La nation n'en sentira que plus vivement l'impérieuse nécessité des réformes commencées, et qui se poursuivent avec une activité dont les résultats ne se feront point attendre. Dans peu de jours la Belgique aura une armée qui, s'il le fallait de nouveau, ralliée autour de son roi, saurait défendre avec honneur, avec succès, l'indépendance et les droits de la patrie.

Sa majesté terminait en appelant toute la sollicitude des Chambres sur l'état des finances. La pensée dominante de son gouvernement serait toujours d'introduire l'économie dans les dépenses publiques aujourd'hui, des sacrifices étaient encore nécessaires pour couvrir les frais de la réorganisation de l'armée, et compenser une diminution dans les recettes, que les circonstances actuelles faisaient entrevoir comme inévitable.

Les mêmes raisons qui avaient empêché le discours du roi d'être plus précis, plus significatif, influèrent dans le même sens sur les adresses des Chambres en réponse à ce discours. Vainement quelques membres s'efforcèrent d'y introduire l'expression d'un blâme énergique contre le ministère Lebeau, à l'imprévoyance duquel on attribuait les derniers désastres de la Belgique: ces efforts furent repoussés, et, en définitive, les deux adresses n'offrirent que les phrases d'usage.

La plupart des projets de loi qui furent ensuite présentés aux Chambres témoignaient de la ferme intention où était le gouvernement de mettre le pays sur un pied de défense res

pectable. L'un d'eux autorisait le roi à faire traverser ou occuper le territoire du royaume par telle armée étrangère qu'il jugerait convenable, jusqu'à la paix. Un autre ouvrait au ministre de la guerre un crédit de 10 millions de florins pour le complément des dépenses du troisième et les besoins du quatrième trimestre de l'exercice 1831. Quant au budget pour 1832, qui vint plus tard, il s'élevait à 40 millions de florins, et comme les ressources calculées sur 1831 ne montaient qu'à 29 millions, il en résulterait un déficit de 11 millions, qui serait porté à 30, si la Belgique était forcée de maintenir en 1832 l'armée sur le pied où elle se trouvait alors (1). Le déficit actuel était de 9,400,000 florins pour semestres arriérés qui n'étaient pas entrés en ligne de compte dans ces évaluations, non plus que l'amortissement qu'il faudrait établir pour l'extinction de la part revenant à la Belgique dans la dette de l'ancien royaume des Pays-Bas.

Ces divers projets de loi avaient sans doute une grande importance pour le pays; mais ni par eux-mêmes, ni par les discussions auxquelles ils donnèrent lieu dans les Chambres, qui les votèrent sans difficultés sérieuses, ils ne doivent arrêter long-temps les regards de l'historien.

Un événement plus digne de son attention, c'est l'ouverture des États-Généraux de Hollande, qui se fit à La Haye le 17 octobre.

Dans son discours, dont les circonstances faisaient un sujet de comparaison plein d'intérêt avec celui du roi des Belges, Guillaume n'avait que des félicitations à adresser à la nation sur la constance et le dévouement avec lesquels elle avait secondé le gouvernement dans ses efforts pour obtenir des conditions de séparation avantageuses. Toutes les classes avaient rivalisé, dans ce but, de courage et de persévérance avec l'armée de terre et de mer.

Après avoir entretenu LL. NN. PP. d'objets d'ordre intérieur,

(1) 65,000 hommes de toutes armes.

comme de la révision des Codes, des précautions sanitaires contre le choléra-morbus, qui s'avançait de plus en plus vers l'Europe occidentale, et d'un tarif des droits d'entrée, de transit et de sortie, qui devait favoriser le commerce de la Hollande, le roi terminait en ces termes :

Les ressources pécuniaires de l'État sont dans une situation satisfaisante, malgré les sacrifices que nous avons été obligés de faire. La coopération de mes fidèles compatriotes, leur empressement à venir au secours de l'État, tout assure le service régulier de toutes nos obligations. Les intérêts de la dette publique ont été acquittés exactement, les créanciers de l'État ne sont pas restés un seul instant en souffrance, et les dépenses imposées par l'entretien de la flotte et de l'armée ont été payées chaque mois avec la plus grande exactitude.

Il ne faut pas se le dissimuler, cependant, l'état des choses actuel rendra indispensables de grandes charges; mais je vous les proposerai, certain que mes fidèles sujets, me connaissant comme ils me connaissent, ne refuseront rien de ce qui sera nécessaire pour maintenir l'honneur, la liberté, le crédit public, et le bien-être de la vieille Hollande.

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Nobles et puissants seigneurs, notre avenir est encore incertain; mais nous pouvons attendre du Tout-Puissant, avec confiance, la décision de notre sort, car notre cause est juste, et tous les Hollandais le prouveront en persévérant dans le projet unanime de sacrifier leur vie et leurs biens pour le maintien de notre chère patrie. »

Ainsi, en Hollande comme en Belgique, il n'était question que de préparatifs militaires, que de levées d'hommes et d'argent, que de sacrifices de tous genres, cortége obligé de l'état de guerre. La réponse des États-Généraux au discours du trône, tout en déplorant le sombre aspect sous lequel se présentait l'avenir, laissait voir combien ils étaient péniblement affectés que la nation fût obligée de se soumettre à ces sacrifices; mais en même-temps ils déclaraient en son nom qu'elle était prète encore à déployer toutes ses forces pour défendre sa liberté et son indépendance, et à s'unir, dans ce but, d'intention et d'efforts avec le gouvernement.

Cependant, quelles que fussent les apparences guerrières de ces pièces officielles, la conférence était fermement résolue à empêcher les hostilités de recommencer. Elle intervint de

nouveau pour obtenir une prolongation de quinze jours de l'armistice qui devait expirer le 10 octobre; puis elle fit demander au roi Guillaume quel parti il se proposait de prendre à cette époque. Ayant reçu pour réponse qu'il n'était pas obligé de leur faire connaître ses intentions, elle décida que l'Angleterre enverrait une escadre sur les côtes de Hollande, afin d'agir, dans le cas où les hostilités seraient reprises, de manière à en amener le plus promptement possible la cessation complète.

15 octobre. Sur ces entrefaites, le nouveau traité de séparation dont la conférence s'occupait avait été arrêté et communiqué aux envoyés de Hollande et de Belgique à Londres.

Ce document, qui semblait mettre enfin un terme aux variations de la diplomatie, et consacrait la plus forte atteinte que la révolution de 1830 eût portée à l'ordre de choses fondé au congrès de Vienne, est par cela même l'un des plus importants que l'histoire puisse recueillir (voy. l'Appendice). Il comprenait vingt-quatre articles, dont voici la substance:

Le Luxembourg était partagé entre les deux pays, et le roi de Hollande recevait, en compensation des cessions territoriales qui résultaient de ce partage, une partie de la province du Limbourg; la rive gauche de l'Escaut, Maëstricht et Venloo restaient à la Hollande. Les dispositions de l'acte général du congrès de Vienne, relatives à la libre navigation des fleuves et rivières navigables, seraient appliquées aux fleuves et rivières qui traversent à la fois les territoires belge et hollandais. En ce qui concernait la navigation de l'Escaut, elle serait sous la surveillance de commissaires nommés à cet effet de part et d'autre, et assujettie à des droits égaux pour le commerce des deux peuples, de même que la navigation des eaux intermédiaires entre l'Escaut et le Rhin, conduisant d'Anvers au Rhin, et vice versa, qui resterait réciproquement libre.

La conférence divisa également la partie de la dette qui avait été contractée depuis la réunion des deux pays, et

qui s'élevait à 10,100,000 florins d'intérêt annuel. La Belgique devait en outre supporter la dette austro - belge existant avant la réunion, et dont les intérêts en nombre rond étaient évalués à 750,000 florins. Il y avait une autre dette inscrite sur le grand livre de l'empire français au compte de la Belgique, qui la reprit à sa charge. Les intérêts de cette dette étaient de 2,000,000 de florins. Une somme de 600,000 florins fut ajoutée aux précédentes, en considération des avantages de navigation et de commerce que la Hollande concéderait à la Belgique, et des différents sacrifices que la séparation entraînait pour la première, de telle sorte qu'en résultat, sur 27,000,000 de florins, montant des intérêts de la dette totale de l'ancien royaume des Pays-Bas, la Belgique aurait à en payer 8,400,000.

Tel était, dans ses principales dispositions, ce traité que les plénipotentiaires des cinq cours envoyèrent à M. Van de Weyer, ministre de Belgique à Londres, en faisant observer, 1o que ces articles auraient toute la force et la valeur d'une convention solennelle entre le gouvernement belge et les cinq puissances; 2o que les cinq puissances en garantissaient l'exécution; 3° qu'une fois acceptés par les deux partis, ils étaient destinés à être insérés mot à mot, dans un traité direct entre la Belgique et la Hollande; 4o que ce traité serait placé sous la garantie formelle des cinq puissances; 5° que les articles en question formaient un ensemble, et n'admettaient pas de séparation; 6° qu'ils contenaient les décisions finales et irrévocables des cinq puissances, qui, d'un commun accord, étaient résolues à amener elles-mêmes l'acceptation pleine et entière desdits articles par la partie adverse, si elle venait à les rejeter. Enfin, les plénipotentiaires ajoutaient que les cinq cours se réservaient la tâche et prenaient l'engagement d'obtenir l'adhésion de la Hollande aux articles dont il s'agissait, quand même elle commencerait par les repousser. Ils déclaraient en même temps la ferme détermination des cinq cours d'user de tous les moyens en leur pou

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