Page images
PDF
EPUB

dérales fut mise dans le château, et d'autres détachements marchèrent sur les vallées qui avaient envoyé des secours aux insurgés.

Le parti aristocratique trouva en outre un renfort puissant dans la personne de M. de Pfuel, commissaire prussien, chargé de transmettre à la Diète et au corps législatif de Neufchâtel les intentions du roi de Prusse. Il avait déclaré que S. M. désirait faire jouir les Neufchâtelois de toute la liberté compatible avec le bon ordre, qu'elle consentirait dans ce but aux diverses améliorations constitutionnelles qui seraient réclamées. «Mais, avait-il ajouté, S. M. prussienne ne peut, sans être taxée de lâcheté, abandonner actuellement la souveraineté de Neufchâtel; elle ne doit pas faire une aussi grande concession dans ce moment, attendu qu'elle y paraîtrait forcée par la prise du château tombé au pouvoir des insurgés.»

Cependant les royalistes se livraient à d'odieuses vengeances contre leurs adversaires, et entravaient tous les efforts de la Diète pour obtenir un traité de pacification. Poussés à bout par les mauvais traitements dont ils étaient l'objet, par l'arrestation de quelques-uns de leurs chefs, par les menaces faites contre d'autres, les républicains se rassemblèrent de nouveau en décembre sous la conduite du lieutenant Bourduin. Mais attaqués par des forces supérieures en nombre et en organisation, ils furent battus, dispersés, laissant entre les mains de l'ennemi une grande quantité de prisonniers, que le parti prussien traita avec une sévérité qui déshonora sa victoire.

Tel est l'état où 1831 a laissé la Suisse. La Diète, qui s'était ajournée le 9 novembre, avait eu à lutter contre de graves embarras intérieurs, sans réussir à les surmonter. Les affaires des cantons de Bâle et de Schwytz étaient toujours en suspens; après la révision des Chartes cantonales, c'était maintenant sur le pacte fédéral lui-même que se portait l'attention des réformateurs, et tout présageait que la Diète prochaine se trouverait aussi en face de sérieuses difficultés.

PIÉMONT.

Renforcer, surtout pour la Savoie, les mesures de précaution que la crainte de la contagiou révolutionnaire lui avait commandées, continuer avec l'Autriche des relations qu'une alliance de famille contractée au commencement de cette année ne pouvait que rendre plus étroites (voy. page 457), développer de plus en plus ses forces militaires, tel était le système politique du gouvernement sarde, système que quelques symptômes d'insurrection ne parvinrent pas à ébranler, lorsque, le 27 avril, la mort frappa le roi Charles-Félix, après une longue et douloureuse maladie, dans la onzième année de son règne.

En lui s'éteignait la branche aînée de la maison de Savoie. Le prince de Carignan, chef de la branche collatérale, lui succéda sans opposition, sous le nom de Charles-Albert : cet événement semblait d'abord renfermer, pour le Piémont, une révolution complète, bien que pacifique.

En effet, le prince de Carignan avait été long-temps en butte à l'inimitié de l'Autriche. On se rappelle le rôle qu'il avait joué dans la révolution piémontaise en 1821, grâce aux principes libéraux qu'il professait; et quoique depuis il eût suivi le duc d'Angoulême en Espagne pour aider à renverser cette même constitution des Cortès, à laquelle il avait d'abord prêté serment dans sa patrie, c'était toujours à son avénement au trône que les patriotes du Piémont rattachaient leurs espérances. Mais les réformes adoptées sur quelques points de la législation civile et criminelle et de l'administration par le nouveau roi n'y répondirent qu'imparfaitement. La création d'un conseil d'État, devant lequel seraient portées et discutées les affaires les plus importantes du royaume, ne pouvait tenir lieu aux yeux des libéraux de la Charte constitutionnelle dont ils avaient rêvé l'octroi, ni de l'amnistie qu'ils attendaient pour les exilés de 1821.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

La vacance du trône papal occasionée par la mort de Pie VIII, au mois de décembre de l'année dernière, ne fut remplie que le 2 février par l'élection du cardinal Mauro Capellari. Le* nouveau pape, qui prit le nom de Grégoire XVI, était né à Bellune en 1765. Long-temps simple moine camaldule, il s'était rendu célèbre par sa science ecclésiastique et par sa connaissance profonde 'des langues orientales. Toutefois ce n'est qu'en 1826 qu'il avait reçu le chapeau de cardinal: sa nomination par Léon XII fut considérée comme la réparation d'un oubli du règne précédent.

1

Au conclave de 1828, le cardinal Capellari avait été l'un des candidats les plus populaires, du moins auprès des habitants de Rome, et les plus vivement combattus au dedans par le parti autrichien. Dans le conclave de cette année, le cardinal Pacca, porté par ce parti, dont le cardinal Albani était le chef, avait réuni à l'avant dernier scrutin 19 voix; 26 avaient nommé le cardinal Capellari. L'élection paraissait devoir être disputée encore long-temps, au grand déplaisir des Romains, qui commençaient à craindre que les lenteurs du conclave n'empiétassent sur les folles joies du carnaval: mais un rapprochement inattendu s'opéra au dernier scrutin; 6 ou 8 voix échappèrent tout à coup à l'influence du cardinal Albani, et le cardinal Capellari obtint la majorité prescrite (les deux tiers des voix plus une).

Dans des temps plus calmes, cette élection eût fait sans doute quelque sensation; aujourd'hui le bruit des révolutions dominait tout, et la première nouvelle importante qui parvint à Grégoire XVI, après son élévation sur la chaire de saint Pierre, c'est qu'une grande partie de ses États étaient en pleine révolte contre l'autorité de la tiare qu'il venait de ceindre.

Depuis plusieurs mois de nombreux émissaires s'étaient activement employés à développer tous les germes de mécontentement qui se sont amassés en Italie dans ces quinze

dernières années. Une conspiration avait été graduellement formée contre les gouvernements établis, si l'on peut appeler conspiration l'entreprise dont tout le monde est complice par son approbation sinon par sa coopération. Elle devait éclater sur plusieurs points à la fois et avoir pour résultat l'union des différents États, l'établissement de la république et d'une fédération italienne; car l'Italie, comme l'Allemagne, éprouve le besoin de substituer une unité nationale quelconque au morcellement de son territoire, pour remonter à son rang parmi les nations de l'Europe. Cependant la conspiration italienne avait peu de chances de succès, si l'Autriche pouvait agir contre elle. Les conspirateurs, et c'étaient les hommes les plus éclairés du pays, avaient la confiance que le gouvernement français forcerait l'Autriche à l'inaction, et que ses principes hautement proclamés sur la non-intervention dans les différends entre les princes et les peuples, recevraient dans cette circonstance une entière confirmation. Les Italiens déclarèrent même qu'ils se soulevaient d'après les assurances conformes d'un ministre français. On ne peut douter du moins qu'ils n'aient reçu toutes sortes d'encouragements des chefs du parti du mouvement à Paris, qui se croyaient assez forts pour contraindre le gouvernement à adopter leur système de propagande.

La conspiration se manifesta en premier lieu à Modène, le 3 février. Ce jour-là, une troupe de jeunes gens s'assembla en armes dans la maison du citoyen Menotti, négociant très riche et universellement estimé, qui était à la tête du complot, pour convenir de leurs derniers arrangements. La police, instruite de ce qui se passait, fit entourer la maison par des forces militaires. Les conjurés barricadèrent les portes, tirèrent par les fenêtres et se défendirent vigoureusement. A la fin, des canons furent amenés sur place, la maison fut presque démolie, et l'on fit trente prisonniers, parmi lesquels était Menotti lui-même. On pouvait croire le complot échoué; mais le calme ne fut que momentané. La conspiration tramée dans les

États pontificaux ayant eu un succès complet à Bologne, la contagion de l'exemple, la certitude d'un appui, rendirent le courage aux libéraux de Modène, qui excitèrent alors un mouvement populaire plus général. Pensant qu'il ne trouverait plus de sûreté à Modène où son gouvernement était loin d'être aimé, le duc, après avoir nommé une régence, se retira à Mantoue, emmenant avec lui le malheureux Menotti. Les insurgés triomphaient : la régence dut prendre la fuite, on mit le palais du duc au pillage, les bureaux de douane sur la frontière du duché de Parme furent supprimés, un gouvernement provisoire s'établit, à la tête duquel étaient un dictateur et trois consuls.

A Bologne, ville de 60,000 habitants, qui n'avait qu'une garnison de 700 hommes, l'insurrection éclata le 4 février. Les conjurés qui se montrèrent d'abord étaient principalement des jeunes gens, qui furent bientôt rejoints par un grand nombre d'étudiants de cette célèbre université. Le légat se trouvant à Rome, où il assistait au conclave, le prolégat se hata d'assembler les premiers d'entre la noblesse et les citoyens les plus notables, pour se consulter sur les dangers de la situation. Tandis qu'ils délibéraient, les jeunes gens avancérent en armes sur le palais. Le prolégat avait déjà ordonné à la petite garnison de ne point agir, prévoyant que son secours ne serait d'aucune utilité ; les conspirateurs, qui étaient préparés contre une résistance sérieuse, n'aperçurent pas même une sentinelle aux portes du palais. Ils exigèrent du prolégat qu'il signât un acte' par lequel il remettait l'administration et plaçait toutes les troupes de la légation sous les ordres d'un gouvernement provisoire. D'abord il refusa; mais effrayé du tumulte qui allait toujours croissant au dehors, entraîné par la crainte de quelque violence sur sa personne, il dut eéder aux exigences des insurgés. Le lendemain 5, il partit avec une escorte pour Florence. Aussitôt un gouvernement provisoire, dans lequel on distinguait quelques dignitaires de l'ancien royaume d'Italie, fut installé; l'autorité du pape, comme sou

« PreviousContinue »