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à pacifier le pays; au contraire, ces désordres, sans cesse renaissants, et presque toujours de même nature, prirent cette année un caractère plus alarmant, en conséquence de la résolution de ne plus payer les dimes, résolution dont M. Sheil avait parlé publiquement, ainsi qu'on l'a vu (page 568), et que chaque habitant parut ensuite disposé à adopter pour son propre compte. De là des saisies de bestiaux et d'instruments aratoires destinés à être vendus pour acquitter les dîmes refusées; de là d'immenses rassemblements de paysans qui se rendaient au lieu de la vente et l'empêchaient de s'effectuer; de là, enfin, de nouvelles collisions entre ces rassemblements et les hommes de police ou les huissiers, qui se terminèrent quelquefois par d'affreux massacres de part et d'autre.

C'est au milieu de ces tristes circonstances, et quand de tous côtés l'horizon politique de la Grande-Bretague se chargeait de sombres nuages; c'est au milieu de l'anxiété générale qui s'attachait à la réforme, que l'ouverture du parlement se fit, le 6 décembre. Rarement de plus graves événements avaient donné plus d'importance et d'intérêt au discours du trône (voy. l'Appendice).

Sans dire un mot du rejet de la Chambre des pairs, sans donner à entendre que le bill eût subi le moindre changement essentiel, le roi commençait par exprimer d'une manière brève et péremptoire la nécessité toujours croissante d'une prompte et satisfaisante solution de la question de la réforme parlementaire.

La détresse qui continuait d'affliger une grande partie de l'Angleterre était l'objet de quelques paroles beaucoup moins précises pour annoncer que le meilleur remède à cette longue crise était le maintien de la paix au dedans et au dehors. Malheureusement l'invasion du choléra à Sunderland, bien que sa marche n'eût été ni aussi rapide ni aussi fatale que sur le continent, était un nouvel obstacle à une prochaine et complète, renaissance du commerce.

L'état de l'Irlande, la résistance que la population opposait

partout à la perception des dimes de l'église anglicane, étaient signalés au parlement en termes mesurés, mais qui n'en avaient pas moins une importance que personne ne méconnaîtra, si l'on songe que, pour la première fois depuis un siècle et demi, le gouvernement se hasardait ainsi à appeler la discussion sur les biens du clergé.

Dans quelques parties de l'Irlande, disait S. M., une opposition systématique au paiement de la dîme a été suivie, en quelques occasions, par des résultats affligeants. Ce sera un de nos premiers devoirs de rechercher s'il ne serait pas facile d'apporter dans les lois relatives à cette matière une amélioration qui, en accordant à l'église établie la protection nécessaire, écarte en même temps toutes les causes actuelles de plaintes. En traitant cette question, et toute autre qui regarde l'Irlande, il est surtout nécessaire de chercher les meilleurs moyens d'assurer la paix et l'ordre intérieur, qui seuls semblent manquer pour élever au plus haut degré de prospérité un pays doté par la Providence de tant d'avantages naturels.

Un paragraphe non moins digne d'une sérieuse attention sous d'autres rapports, et qu'il faut également citer ici, était relatif au Portugal.

La conduite du gouvernement portugais, et les injures répétées auxquelles mes sujets ont été exposés de sa part, ont empêché que les relations diplomatiques ne se renouassent avec le Portugal. L'état d'un pays si long-temps uni à celui-ci par les noeuds de l'alliance la plus intime est nécessairement pour moi un objet du plus profond intérêt. Le retour en Europe de la branche aînée de l'illustre maison de Bragance et les dangers d'une succession disputée appelleront mon attention vigilante sur des événements qui peuvent affecter non-seulement la sûreté du Portugal, mais encore les intérêts généraux de l'Europe. »

Quant aux affaires de Hollande et de Belgique, et de l'Europe en général, le discours ne contenait aucune certitude de voir bientôt disparaître les difficultés qui les embarrassaient 'malgré le traité du 15 novembre, et bien que, suivant l'usage, S. M. reçût des asssurances amicales de toutes les puissances étrangères. Ce bon accord, en ce qui touchait l'Angleterre et la France, avait eu au moins pour résultat la conclusion d'une convention tendant à la suppression efficace de la traite des noirs.

Terminant par une allusion directe aux troubles de Bristol et aux associations politiques, le roi déclarait que l'autorité des

lois, si violemment outragée à Bristol, devait être vengée (1), et qu'il était de son devoir d'empêcher, sous quelque prétexte que ce fut, des coalitions incompatibles, dans leur forme et leur caractère, avec tout gouvernement régulier, et non moins contraires à l'esprit et aux dispositions de la loi.

En résumé, aucune concession n'était faite sur la réforme; l'opposition était ouvertement bravée par le paragraphe annonçant que l'expédition de don Pedro ne rencontrerait point d'obstacle de la part de l'Angleterre; le banc des évêques, qui avait complété la majorité contre la réforme parlementaire, recevait en réponse l'avertissement de se préparer à une réforme ecclésiastique, qui ne peut manquer de s'accomplir tôt ou tard: voilà l'attitude ferme que le ministère prenait à l'ouverture de cette nouvelle session. Il faut voir maintenant comment l'opposition va se dessiner dans la discussion de l'adresse.

7 décembre. Elle fut proposée dans la Chambre haute par lord Camperdown: il donna son assentiment complet à la marche suivie par le ministère au dedans et au dehors, proclama l'indispensable nécessité de la réforme, et même alla jusqu'à blâmer avec force la Chambre d'avoir refusé sa sanction au bill dans la dernière session.

Lord Harrowby, dans un discours modéré, ne présenta qu'une objection sur la pleine approbation que l'adresse accordait aux traités de séparation entre la Belgique et la Hollande. Ce traité, n'ayant pas encore été communiqué à la noble Chambre, ne pouvait recevoir des éloges de sa part, et l'orateur en demandait la suppression. Elle fut aussitôt consentie par lord Grey, et fit déclarer à lord Aberdeen que l'adresse ainsi amendée obtiendrait son vote. Toutefois, il ne savait guère, quant

(1) Des commissions spéciales furent établies pour rechercher les coupables. A Bristol, de 24 individus soumis à une accusation capitale pour incendie ou pillage, 23 furent condamnés et 4 exécutés. Il y eut aussi 5 condamnés à mort à Nottingham, dont 3 subirent leur peine,

vembre. Quant au bill de réforme, l'orateur déclarait que, s'il croyait qu'en adoptant cette mesure on pût mettre un terme à l'agitation qui régnait en Angleterre, la plupart de ses objections disparaîtraient à l'instant même; mais il était bien convaincu que le principe du bill faisait le plus grand obstacle à la solution de la question. Partant de ce point, sir Robert lançait contre le système du ministère une accusation habile et passionnée, qui excita l'enthousiasme de l'opposition.

Des débats sans importance historique remplirent les séances suivantes, où nous n'avons à signaler que la nomination d'un comité d'enquête, dans chacune des deux chambres, sur l'état des dimes en Irlande, et la présentation des pétitions en faveur de la réforme. L'une d'elles, venue du comté d'York, que lord Morpeth ne put traîner de la barre au banc de la trésorerie qu'à l'aide de deux membres, portait 140,000 signatures : elle priait la Chambre de ne pas s'écarter des principes du bill sanctionné par elle dans la dernière session. Lord Althorp déclara que l'intention des ministres était d'accord avec le vœu des pétitionnaires, ainsi que le prouverait bientôt le nouveau bill de réforme.

12 décembre. Ce fut lord John Russell qui le présenta encore une fois à la Chambre, en prononçant à l'appui une harangue de trois heures, dont nous ne devons extraire ici que la substance, pour exposer les modifications qui établissaient une différence remarquable entre ce bill et le précédent.

Celui-ci embrassait trois points essentiels : l'enlèvement de la franchise représentative à un certain nombre de bourgs; l'attribution de cette franchise à quelques grandes villes ou à quelques cantons riches et populeux; l'extension du droit de suffrage dans les villes et dans les comtés. Ces améliorations fondamentales étaient conservées, du moins dans leurs parties les plus importantes, ou rendues plus libérales et plus efficaces, quoique le mode pour arriver au même résultat fût jusqu'à un certain degré différent.

D'après l'ancien bill, tous les bourgs envoyant des membres

au parlement, dont la population était au-dessous de 2000 âmes, étaient privés de la franchise, et ceux qui avaient au-delà de 2000 habitants, mais moins de 4000, ne nommaient plus qu'un seul membre.

La marche de l'exclusion était un peu changée dans le bill ́actuel. Le nombre des maisons de 10 l. et le montant des taxes étant trop faibles dans 100 bourgs désignés, 56 perdraient tout-à-fait la franchise, tandis qu'un seul membre serait donné à la plupart des 44 autres. Le gouvernement s'était décidé, suivant un vœu généralement exprimé dans la session dernière, à garder dans son intégrité le nombre de membres siégeant à la Chambre. Le dernier bill laissait 23 siéges vacants, après avoir ajouté à la représentation des comtés, après avoir pourvu à celle des grandes villes, et augmenté les députations d'Écosse et d'Irlande. Ces 23 siéges étaient maintenant répartis entre plusieurs bourgs et villes considérables. Du reste, aucune altération n'était proposée dans la proportion relative des membres accordés aux bourgs et aux comtés, ni dans la représentation proportionnelle des divers comtés.

Le cens électoral subissait quelques modifications. De grandes difficultés s'étaient élevées au sujet de la détermination des 10 liv. sterl. de revenus: elles s'évanouissaient dans le nouveau bill. Un tableau serait dressé de toutes les maisons d'un rapport annuel de ro liv. par bourg, et le locataire ou le propriétaire aurait un vote, s'il payait la taxe des pauvres. Dans le cas contraire, il pourrait encorejouir de ses droits électoraux, en demandant son inscription sur le livre de la paroisse, pour payer cette taxe, et il voterait quand cette formalité aurait été remplie. Les questions qui avaient divisé la Chambre dans les premières discussions étaient ainsi simplifiées, et les droits des citoyens plus assurés.

Une modification avait été faite aussi à la constitution des bourgs pourris et des cités. Les hommes libres (freemen), s'ils résidaient dans le rayon de sept milles de leurs bourgs respectifs, pouvaient, suivant le premier bill, exercer leurs droits

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