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monarchie. Elle exige un esprit vaste et juste qui saisisse et combine tous les rapports; elle exige beaucoup de connaissances acquises sur le fond des choses et sur la forme à leur donner; elle exige un travail continuel pour se tenir au courant des affaires, en suivre le fil, en combiner les circonstances, établir des mesures à prendre et diriger ceux qui travaillent en sousordre »> (1).

A l'égard des relations extérieures, dit le baron Ch. de Martens, on ne peut rien exiger, rien prescrire; il faut demander, solliciter, négocier; le moindre mot inconsidéré peut blesser toute une nation; une fausse démarche, un faux calcul, une combinaison hasardée, une simple indiscrétion, peuvent compromettre et la dignité du gouvernement et l'intérêt de l'État. La politique extérieure d'un État présente des rapports si variés, si multipliés, si sujets à changer, et à la fois environnés de tant d'écueils et de difficultés, qu'on concevra aisément combien doivent être difficiles et délicates les fonctions de celui qui est appelé à la direction d'une administration de cette importance... On est tellement habitué à juger d'après le caractère, les principes et les qualités personnelles du ministre des relations extérieures, le système de sa politique, que sa nomination ou son renvoi sont toujours considérés comme des événements politiques. Aussi, voit-on souvent les cours elles-mêmes s'empresser de rassurer les cabinets étrangers sur les principes et les dispositions de celui qui est appelé à remplir ces hautes fonctions. Pour y suffire dignement, ce ministre doit s'être livré à l'étude spéciale de l'histoire moderne et des divisions territoriales actuelles, dont la prépondérance inégale maintient l'équilibre général. Il doit avoir une connaissance exacte des intérêts commerciaux qui rappro

(1) Cette lettre est datée de Paris, 9 janvier 1774. Marie-Thérèse avait demandé au comte de Mercy-Argenteau si elle pourrait compter sur lui, dans le cas où le prince de Kaunitz se trouverait obligé de quitter sa place de ministre de l'impératrice. Le comte de Mercy-Argenteau répondit par ce refus modeste.

chent les États, des ressources matérielles de tout genre qui font leur force, des traités et conventions qui les lient, des principes et des vues qui gouvernent leur politique, des hommes d'État qui la dirigent, des entourages de cour qui l'altèrent, des alliances entre les familles souveraines qui l'influencent, des rivalités de Puissances qui en compliquent l'action. Le ministre des affaires étrangères, dépositaire en quelque sorte de l'honneur et des intérêts généraux de son pays, dans ses rapports extérieurs, doit s'appliquer à bien connaître les hommes, afin de ne faire que des choix convenables dans le personnel de ses agents au dehors, et de ne remettre qu'à des mains capables et dignes la sauvegarde de ces intérêts si graves et de cet honneur si ombrageux. L'expérience acquise, les services antérieurement rendus, la notoriété du talent, la considération personnelle, sont les éléments essentiels de sa confiance (1).

Dans son éloge si connu de Reinhard, M. de Talley

(1) Le Guide diplomatique, édition de 1866, chap. Ier, t. 1, p. 24 et suiv. Le baron Ch. de Martens, parlant du mode de travail du ministre des affaires étrangères, cite, d'après M. de Flassan, la méthode adoptée par M. d'Argenson, ministre de Louis XV. M. d'Argenson, dit M. de Flassan, dans son Histoire générale de la diplomatie française, pendant tout le temps de son ministère, se piqua d'une grande assiduité au travail. Levé à cinq heures, il commençait sa correspondance; et à neuf heures il renvoyait à ses quatre chefs de bureau tout le travail du jour préparé et arrêté. Il avait habitué ses employés à faire des extraits de toutes les dépêches et offices: ce qui lui servait à rapporter sommairement au conseil les affaires qui méritaient moins de discussion. Quant aux réponses à faire, ce ministre en écrivait l'esprit en marge, et avec ses apostilles on composait les dépêches pour les ministres au dehors. Indépendamment de ce travail des bureaux, le ministre écrivait les lettres les plus essentielles ou les plus délicates. Il rédigeait encore des mémoires et des récapitulations pour le roi; des projets, des plans, des agendas pour sa propre conduite, pour ses avis au conseil, et plus particulièrement pour le travail avec le roi, ainsi que pour ce qu'il avait à demander ou à répondre aux ministres étrangers. Voir Le Guide diplomatique, édition citée, t. 1, p. 28, en note.

rand a esquissé de main de maître le portrait du ministre des affaires étrangères et du directeur ou chef de division ou de section vraiment dignes de ces hauts emplois. «L'esprit d'observation de M. Reinhard, disait-il, l'avait conduit à comprendre combien la réunion des qualités nécessaires à un ministre des affaires étrangères est rare. Il faut en effet qu'un ministre des affaires étrangères soit doué d'une sorte d'instinct, qui, l'avertissant promptement, l'empêche, avant toute discussion, de jamais se compromettre. Il lui faut la faculté de se montrer ouvert en restant impénétrable; d'être réservé avec les formes de l'abandon; d'être habile jusque dans le choix de ses distractions; il faut que sa conversation soit simple, variée, inattendue, toujours naturelle et parfois naïve. En un mot, il ne doit pas cesser un moment, dans les vingt-quatre heures, d'être ministre des affaires étrangères. Cependant toutes ces qualités, quelque rares qu'elles soient, pourraient n'être pas suffisantes, si la bonne foi ne leur donnait une garantie dont elles ont presque toujours besoin... Dominé par l'honneur et l'intérêt du prince, par l'amour de la liberté fondée sur l'ordre et sur les droits de tous, un ministre des affaires étrangères, quand il sait l'être, se trouve ainsi placé dans la plus belle situation à laquelle un esprit élevé puisse prétendre. »

Parlant du chef de division, titre qui, à l'époque où M. de Talleyrand faisait l'éloge de Reinhard, correspondait à celui de directeur, M. de Talleyrand disait: << Quoique M. Reinhard n'eût point alors l'avantage qu'il aurait eu quelques années plus tard, de trouver sous ses yeux d'excellents modèles, il savait déjà combien de qualités, et de qualité diverses, devaient distinguer un chef de division des affaires étrangères. Un tact délicat lui avait fait sentir que les mœurs d'un chef de division devaient être simples, régulières, retirées; qu'étranger au tumulte du monde, il devait vivre uniquement pour les affaires et leur vouer un secret impénétrable; que, toujours prêt à répondre sur les faits

et sur les hommes, il devait avoir sans cesse présents à la mémoire tous les traités, connaître historiquement leurs dates, apprécier avec justesse leurs côtés forts et leurs côtés faibles, leurs antécédents et leurs conséquences; savoir, enfin, les noms des principaux négociateurs et même leurs relations de famille; que, tout en faisant usage de ces connaissances, il devait prendre garde à inquiéter l'amour-propre toujours si clairvoyant du ministre ; et qu'alors même qu'il l'entraînait à son opinion, son succès devait rester dans l'ombre, car il savait qu'il ne devait briller que d'un éclat réfléchi; mais il savait aussi que beaucoup de considération s'attachait naturellement à une vie aussi pure et aussi modeste. >>

Ces deux portraits, tracés par l'homme qui a eu la réputation d'être le premier diplomate de son temps, doivent fixer l'attention de ceux que leur goût pourrait porter vers cette noble et difficile carrière.

CHAPITRE VII.

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Le personnel diplomatique. - Diverses catégories d'agents extérieurs. Quels sont les agents diplomatiques? — Double qualité des agents diplomatiques. - Que distingue-t-on dans les ministres publics? Caractère représentatif (qualité essentielle). - Caractère cérémonial ou de cérémonie (qualité accidentelle). Cas où l'agent diplomatique envoyé auprès d'un gouvernement étranger, est sujet de ce dernier. Caractère international mixte. - Par qui est déterminé le rang du ministre public à envoyer? Y a-t-il une règle absolue et fixe, quant au nombre des ministres à envoyer à une même Puissance? -Sous quels points de vue les ministres publics diffèrentils entre eux ? 1° Point de vue de l'étendue des pouvoirs. 2o Point de vue de la durée de la mission. 3o Point de vue de la nature des affaires dont les ministres sont chargés. 4° Point de vue de la classe à laquelle les ministres publics appartiennent. - Origine des différents ordres de ministres publics. Réglement sur le rang entre les agents diplomatiques, fait à Vienne en 1815. Protocole des conférences d'Aix-la-Chapelle du 20 novembre 1818, au sujet du rang des ministres résidents. Combien existe-t-il de classes de ministres publics? Ministres publics de la première classe. Les ambassadeurs. Les légats et les nonces. Le droit d'envoyer des ministres de première classe n'appartient-il qu'aux États qui peuvent prétendre aux honneurs royaux? - Ministres publics de la seconde classe. — Envoyés, etc. Envoyés ordinaires. Envoyés extraordinaires. Envoyés extraordinaires et ministres plénipotentiaires. Internonces. Ministres publics de la troiMinistres publics de la

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sième classe.

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Résidents.

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