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Russland,

1870.

On a

No. 4223. les Etats, ait conservé la même sanction morale qu'il a pu avoir en 19/31. Oct. d'autres temps. On a vu les Principautés de Moldavie et de Valachie, dont le sort avoit été fixé, par le traité de paix et par les protocoles subséquents, sous la garantie des Grandes Puissances, accomplir une série de révolutions, contraires à l'esprit comme à la lettre de ces transactions et qui les ont conduites d'abord à l'Union, ensuite à l'appel d'un Prince étranger. Ces faits se sont produits de l'aveu de la Porte, avec l'acquiescement des Grandes Puissances ou du moins sans que celles-ci aient jugé nésessaire de faire respecter leurs arrêts. Le Représentant de la Russie a été le seul à élever la voix pour signaler aux Cabinets qu'ils se mettaient, par cette tolérance, en contradiction avec des stipulations explicites du Traité. ¶ Certes, si ces concessions accordées à une des nationalités chrétiennes de l'Orient résultaient d'une entente générale entre les Cabinets et la Porte, en vertu d'un principe applicable à l'ensemble des populations chrétiennes de la Turquie, le Cabinet Impérial n'aurait pu qu'y applaudir. Mais elles ont été exclusives. ¶ Le Cabinet Impérial a donc dû être frappé de voir que, quelques années à peine après sa conclusion, le Traité du 18/30 Mars 1856 avait pu être enfreint impunément dans une de ses clauses essentielles en face des Grandes Puissances réunies en Conférence à Paris et représentant, dans leur ensemble, la haute autorité collective sur laquelle reposait la paix de l'Orient. ¶Cétte infraction n'a pas été la seule. ПА plusieurs reprises et sous divers prétextes, l'accès des détroits a été ouvert à des navires de guerre étrangers et celui de la mer Noire à des escadres entières, dont la présence était une atteinte au caractère de neutralité absolue attribué à ces eaux. A mesure que s'affaiblissaient ainsi les gages offerts par le Traité et notamment les garanties d'une neutralité effective de la mer Noire, l'introduction des bâtiments cuirassés, inconnus et non prévus lors de la conclusion du Traité de 1856, augmentait pour la Russie les dangers d'une guerre éventuelle, en accroissant, dans des proportions considérables, l'inégalité déjà patente des forces navales respectives. Dans cet état de choses, Sa Majesté l'Empereur a dû se poser la question de savoir: quels sont les droits et quels sont les devoirs qui découlent, pour la Russie, de ces modifications dans la situation générale et de ces dérogations à des engagements auxquels elle n'a pas cessé d'être scrupuleusement fidèle, bien qu'ils fussent conçus dans un esprit de défiance à son égard? A la suite d'un mûr examen de cette question, Sa Majesté Impériale est arrivée aux conclusions suivantes qu'il Vous est prescrit de porter à la connaissance du Gouvernement auprès duquel Vous êtes accrédité. ¶ Notre Auguste Maître ne saurait admettre, en droit, que des Traités, enfreints dans plusieurs de leurs clauses essentielles et générales, demeurent obligatoires dans celles qui touchent aux intérêts directs de son Empire. Sa Majesté Impériale ne saurait admettre, en fait, que la sécurité de la Russie dépende d'une fiction qui n'a pas résisté à l'épreuve du temps, et soit mise en péril par son respect pour des engagements qui n'ont pas été observé dans leur intégrité. L'Empereur, se fiant aux sentimens d'équité des Puissances signa

taires du Traité de 1856 et à la conscience qu'elles ont de leur propre No. 4223. dignité, Vous ordonne de déclarer:

que Sa Majesté Impériale ne saurait se considérer plus longtemps comme liée aux obligations du traité du 18/30 Mars 1856, en tant qu'elles restreignent ses droits de souveraineté dans la mer Noire;

que Sa Majesté Impériale se croit en droit et en devoir de dénoneer à S. M. le Sultan la convention spéciale et additionnelle au dit traité, qui fixe le nombre et la dimension des bâtiments de guerre que les deux Puissances riveraines se réservent d'entretenir dans la mer Noire;

qu'Elle en informe loyalement les Puissances signataires et garantes du traité général dont cette convention fait partie intégrante;

qu'Elle rend sous ce rapport à S. M. le Sultan la plénitude de ses droits comme Elle la reprend également pour Elle-même. གླ En Vous acquittant de ce devoir, Vous aurez soin de constater que N. A. M. n'a en vue que la sécurité et la dignité de son Empire. Il n'entre nullement dans la pensée de S. M. Impériale de soulever la question d'Orient. Sur ce point, comme partout ailleurs, Elle n'a pas d'autre voeu que la conservation et l'affermissement de la paix. Elle maintient entièrement son adhésion aux principes généraux du traité de 1856 qui ont fixé la position de la Turquie dans le concert européen. Elle est prête à s'entendre avec les Puissances signataires de cette transaction, soit pour en confirmer les stipulations générales, soit pour les renouveler, soit pour y substituer tout autre arrangement équitable qui serait jugé propre à assurer le repos de l'Orient et l'équilibre européen. S. M. Impériale est convaincue que cette paix et cet équilibre auront une garantie de plus lorsqu'ils seront fondés sur des bases plus justes et plus solides que celles résultant d'une position qu'aucune Grande Puissance ne saurait accepter comme une condition normale d'existence. Vous êtes invité à donner lecture et copie de la présente dépêche à Monsieur le Ministre des affaires étrangères.

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Gortchacow.

Russland,

19/31. Oct.

1870.

No. 4224.

RUSSLAND. Reichskanzler an den Kaiserl. Botschafter in London. Begleitschreiben zu dem Circular vom 31. October zur Erläuterung des Standpunktes in der Orientalischen Politik im Allgemeinen.

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En Vous acquittant auprès de Mr. le Principal Secrétaire d'Etat de Sa M. Britannique de la communication que les ordres de Sa Majesté l'Empereur prescrivent à Votre Excellence, Vous voudrez bien Vous attacher à en bien faire saisir le sens et la portée. ¶ Lorsqu'au commencement de l'année 1866 il fut question de Conférences à trois, pour prévenir la guerre imminente en Allemagne par la réunion d'un Congrès, en en diseutant les bases avec Mr. le Comte Russell, Vous avez été dans le cas de Staatsarchiv XX. 1871.

8

No. 4224.

Russland,

20. Oct.

1. Novbr. 1870.

No. 4224. lui signaler les compensations et les gages de sûreté que nécessiteraient,

Russland,

20. Oct. 1. Novbr.

1870.

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pour la Russie, certaines éventualités de nature à modifier le status quo
existant en Orient. Lord Russell l'a reconnu avec une parfaite équité.
Il n'a pas contesté que toute altération apportée au texte et à l'esprit du
Traité de 1856 devait aboutir à la révision de cet acte. [ Quoique ces
éventualités ne se soient pas réalisées, Lord Granville ne contestera pas
qu'aujourd'hui ce Traité a subi de graves modifications dans une de ses par-
ties essentielles. ¶ Ce qui doit frapper la Russie dans ces modifications,
ce n'est pas la tendance d'hostilité factice à son égard dont elles portent
l'empreinte; ce ne sont pas, non plus, les conséquences que peut avoir
pour un grand pays la création sur ses frontières d'un petit Etat quasi in-
dépendant; c'est surtout la facilité, avec laquelle, dix ans à peine après sa
conclusion, une transaction solennelle, revêtue d'une garantie Européenne,
a pu être enfreinte, dans sa lettre et dans son esprit, sous les yeux mêmes
des Puissances qui devaient en être les gardiennes. En présence d'un
pareil précédent, quelle valeur la Russie peut-elle attacher à l'efficacité de
cette transaction et au gage de sécurité qu'elle avait cru trouver dans le
principe de la neutralisation de la mer Noire? L'équilibre fondé en Ori-
ent par le Traité de 1856 se trouve donc rompu au détriment de la Russie.
La résolution prise par notre Auguste Maître n'a pas d'autre but que de le
rétablir. Le Gouvernement de S. M. Britannique ne consentirait jamais
à laisser la sécurité de ses côtes à la merci d'une transaction, qui n'est plus
respectée. Il a trop d'équité pour ne pas nous reconnaître les mêmes de-
voirs et les mêmes droits. Mais ce que nous tenons surtout à bien étab-
lir, c'est que cette décision n'implique aucun changement dans la politique
que Sa Majesté l'Empereur suit en Orient. Vous avez déjà été plu-
sieurs fois à même de Vous expliquer avec le Cabinet de Londres sur les
vues générales que les deux Gouvernements apportent dans cette importante
question. Vous avez pu constater une conformité de principes et d'intérêts
dont nous avons pris acte avec une vive satisfaction. ¶ Nous en avons
déduit qu'aujourd'hui ce n'est ni de l'Angleterre ni de la Russie que peuvent
venir les dangers qui pourraient menacer l'Empire Ottoman; que les deux
Cabinets ont un égal désir de maintenir son existence aussi longtemps que
possible par l'apaisement et la conciliation des différends entre la Porte et les
sujets Chrétiens du Sultan, et que dans le cas où une crise décisive vien-
drait à éclater malgré ces efforts, tous deux sont également résolus à en
chercher avant tout la solution dans un accord général des Grandes Puissan-
ces de l'Europe. Ces vues n'ont pas cessé d'être les notres.
Nous croy-

ons que leur parfaite analogie rend possible une entente sérieuse entre le
Gouvernement de S. M. Britannique et nous; nous y attachons le plus grand
prix comme la meilleure garantie pour préserver la paix et l'équilibre de
l'Europe des dangers qui peuvent résulter de complications en Orient.

D'ordre de Sa Majesté l'Empereur, Votre Excellence est autorisée à en réitérer l'assurance à Lord Granville. Nous nous féliciterons sincèrement si la franchise de ces explications peut y contribuer en écartant toute

possibilité de mal-entendu entre le Gouvernement de S. M. Britannique No. 4224,

et nous.

Gortchacow.

Russland, 20. Oct. 1. Novbr. 1870.

No. 4225.

RUSSLAND.

Reichskanzler an den Kaiserl. Gesandten in Wien. - Begleitschreiben zum Circular vom 31. October, zur Erläuterung des Standpunkts in der Orientalischen Politik.

Tsarskoé Sélo, le 20 Octobre 1870.

Russland,

20. Oct.

1. Novbr. 1870.

Votre Excellence reçoit une dépêche que, d'ordre de Sa Majesté No. 4225. l'Empereur, Elle aura à communiquer officiellement à Mr. le Comte de Beust. Je n'ai pas besoin d'appuyer sur les motifs qui déterminent notre Auguste Maître à Se délier de clauses du Traité de 1856, incompatibles avec la dignité et la sécurité de la Russie. Ils sont évidents. Lorsque j'avais l'honneur d'être accrédité à Vienne, je n'ai pas caché ma conviction qu'une politique qui, sans ébranler la puissance de la Russie, laissait subsister dans les sentiments d'une grande nation une cause permanente de malaise et d'irritation, ne répondait ni aux intérêts de l'Europe, ni en particulier à ceux de l'Autriche. ¶ Le Cabinet de Vienne l'a pleinement reconnu en 1859. Lorsque le Baron de Werner fut envoyé à Varsovie, il nous exprima la conviction du Gouvernement Autrichien que la position créée à la Russie par le Traité de 1856 était nuisible à l'Europe, en ce qu'elle ne permettait pas au Gouvernement Impérial de prendre aux affaires générales la part qui lui revenait dans l'intérêt de la paix et de la politique conservatrice. Le Cabinet de Vienne nous offrit spontanément de prendre l'initiative de démarches auprès des Cours signataires du Traité, afin d'en proposer la révision dans le sens d'une abrogation de clauses considérées par la Russie comme particuliérement blessantes. Pour Vous mettre à même de venir en aide à la mémoire de Mr. le Comte de Beust, je joins ci-près copie de la correspondance échangée à cette époque entre Mr. le Comte de Rechberg et moi, ainsi que des dépêches des Représentans de l'Empereur à Berlin et à Paris sur la suite donnée à cette ouverture. Du reste, Mr. le Chancelier Austro-Hongrois s'est montré pénétré des mêmes convictions *), lorsqu'il y a quelques années et peu après son avénement à la direction des affaires politiques de l'Autriche, il émit spontanément la proposition de saisir un Congrès Européen de la révision des clauses du Traité de 1856 blessantes pour la Russie, comme une combinaison utile qui consoliderait la paix générale en rapprochant les Cabinets, en faisant disparaitre une cause permanente d'irritation et en permettant enfin à la Russie de reprendre librement, au sein de ce concert des grandes Puissances, l'influence conservatrice et pacifique qui lui appartient. Mr. le Comte de Beust m'a témoigné les mêmes dispositions l'année dernière, lors

*) Vergl. (erstes) Oesterreichisches Rothbuch: Uebersicht Staatsarch. Bd. XIV. S. 165 und die Depeschen von 1867 Januar 1 No. 3216 (89) und Januar 22 No. 3217 (90).

Russland,

1. Novbr.

1870.

No. 4225. de notre entrevue à Ouchy. Je lui en ai exprimé mes remerciments, et lui 20. Oct. ai déjà fait pressentir qu'à nos yeux le Traité de 1856 avait virtuellement perdu de sa valeur. Toutefois, le moment ne nous paraissait pas encore venu de formuler à cet égard les déterminations de notre Auguste Maître. ¶ Aujourd'hui, Monsieur, il ne s'agit pour le Cabinet de Vienne de prendre aucune initiative. Les événements ont marché; ils ont créé pour la Russie des droits incontestables. Notre Auguste Maître croit devoir en user, afin de mettre un terme à une position dont Sa Majesté Impériale ne Se considère plus comme obligée de subir les inconvéniens, depuis que les garanties correspondantes ont été invalidées. ¶ Cette résolution n'affecte en rien les principes que le Traité de 1856 a donnés pour base à l'existence de l'Empire Ottoman. Notre Auguste Maître continuera à respecter ces principes, aussi longtemps qu'ils seront respectés par les autres Puissances. Sa Majesté ne change également rien aux vues générales qui président à Sa politique en Orient. Elles restent telles que je les ai exposées dans ma lettre à Mr. le Comte de Rechberg du 6 Novembre 1859. ¶ En présence des faits qui s'y sont accomplis et de ceux qui semblent s'y préparer, l'Empereur ne recherche aucun rôle exclusif. Sa Majesté est disposée à Se prêter à toute entente collective de l'Europe pour donner aux questions qui s'agitent en Orient une solution conforme aux intérêts généraux de la paix et du progrès; Elle Se féliciterait en particulier de S'entendre avec le Cabinet de Vienne sur ces éventualités qui intéressent les deux pays comme Puissances limitrophes. Notre Auguste Maître Se borne à reprendre possession d'un droit indispensable à la sécurité de Son Empire et Sa Majesté Impériale est égale. ment convaincue que, loin de menacer l'ordre de choses fondé en Orient, cette satisfaction, donnée à la Russie, en rendant toute sa liberté à son action pacifique, ne peut que concourir à l'établissement d'un accord général. ¶ Les dispositions que le Cabinet de Vienne nous a témoignées en 1859 et que Mr. le Comte de Beust nous a itérativement confirmées, nous font espérer un accueil amical à la communication que nous lui adressons aujourd'hui. ¶ Mr. le Comte de Beust comprendra certainement que la question est si grave pour la Russie qu'elle devra considérer l'attitude des Puissances dans cette conjoncture comme la pierre de touche des dispositions qu'elle peut s'attendre à rencontrer de leur part, et par conséquent aussi de celles qu'elle peut avoir pour chacune d'elles en réciprocité.

Gortchacow.

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