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pable de transmettre ou de recevoir par succession ab intestat. Donc il pourra transmettre ou recevoir à ce titre. En d'autres termes il peut être héritier et avoir des héritiers. Bien entendu ses héritiers ne pourront s'emparer de ses biens qu'après son décès, car sa succession n'est pas ouverte avant cette époque, contrairement à ce qui avait lieu avant l'abolition de la mort civile.

A plus forte raison, le mariage du condamné à une peine afflictive perpétuelle n'est pas dissous.

203. Quel est le point de départ de la double incapacité édictée par l'article 3 de la loi du 31 mai 1854? Il faut distinguer:

Si la condamnation est contradictoire, les incapacités dont il s'agit sont encourues à dater du jour où la condamnation est devenue irrévocable. Si au contraire la condamnation est par contumace, elles ne sont encourues que cinq ans après l'exécution par effigie. « Le présent article n'est applicable au condamné par contumace que cinq ans après l'exécution par effigie» (art. 3, al. final). Cela vient de ce que la condamnation par contumace excite toujours la défiance de la loi. Après tout l'accusé a été condamné sans avoir été entendu; peut-être s'il eût été présent aurait-il démontré son innocence, ou tout au moins fourni des explications qui auraient diminué sa culpabilité et amené par suite l'application d'une peine moins sévère.

Le condamné par contumace n'étant atteint par les incapacités de l'article 3 que cinq ans après l'exécution par effigie, il en résulte que, s'il meurt avant l'expiration de ce délai, il sera mort integri status. On devrait donc maintenir dans ce cas toutes les donations entre-vifs ou testamentaires par lui faites même depuis sa condamnation et aussi celles faites à son profit.

S'il ne meurt au contraire qu'après les cinq ans, il y aura lieu d'annuler les donations entre-vifs par lui faites ou à lui faites après l'expiration des cinq années On maintiendra les donations antérieures, car elles ont fait naître des droits acquis, et une incapacité survenue postérieurement à leur perfection ne saurait leur porter atteinte. On maintiendrait aussi, en vertu du même principe, les donations testamentaires faites au profit du condamné et qui ont produit leur effet antérieurement à l'expiration des cinq années. Quant au testament du condamné, il serait sans effet quelle que fùt sa date, car la loi annule le testament même antérieur à la condamnation (art. 3).

Les incapacités édictées par notre article 3 sont encourues de plein droit, ipso jure, à partir du moment qui vient d'être précisé. Elles constituent en effet une peine accessoire que le juge ne prononce pas, un appoint de pénalité que la loi ajoute elle-même à la peine principale prononcée par le juge.

209. Les incapacités dont il s'agit sont en principe perpétuelles comme la peine dont elles dérivent. Elles peuvent même lui survivre. C'est ce qui arriverait dans le cas où le condamné aurait prescrit sa peine ou obtenu sa grâce. Cependant s'il parvenait, après avoir obtenu sa grâce, à se faire réhabiliter, il cesserait d'être soumis aux incapacités qui nous occupent. Le même résultat serait produit par l'amnistie qui, plus puissante que la grâce, efface l'infraction et doit même, en théorie du moins, faire disparaître jusqu'à son souvenir.

b). Modifications que le Gouvernement peut faire subir à l'état du condamné à une peine afflictive perpétuelle.

210. Le Gouvernement peut :

1. Relever le condamné en tout ou partie de la double incapacité de disposer et de recevoir à titre gratuit dont il est frappé par l'article 3. « Le Gouvernement peut relever le condamné à une peine aflictive perpétuelle de tout ou partie des incapacités prononcées par l'article précédent » (art. 4, al. 1). La loi accorde à cet égard au Gouvernement un pouvoir discrétionnaire. Il pourra donc, suivant les cas, relever complétement le condamné de toutes les incapacités prononcées par l'article 3, ou le relever de l'une d'elles seulement, par exemple de l'incapacité de disposer par testament, ou restreindre encore plus sa faveur et ne relever le condamné que d'une incapacité déterminée et en vue d'un cas déterminé seulement, par exemple autoriser le condamné à faire une donation à son enfant pour le doter ou à recevoir à titre de donation de tel ascendant qui veut opérer le partage de ses biens entre ses descendants.

2o Relever le condamné en tout ou en partie des conséquences de l'interdiction légale. « Il peut lui accorder l'exercice, dans le lieu d'exécution de la peine, des droits civils ou de quelques-uns de ces droits dont il est privé par son état d'interdiction légale » (art. 3, al. 2). Ces mots : dans le lieu d'exécution de la peine font allusion au cas où le condamné subit sa peine dans un des établissements coloniaux pénitentiaires.

L'article 3 de la loi du 8 juin 1850 (1) sur la déportation permettait au Gouvernement d'autoriser la remise au profit des déportés de tout ou partie de leurs biens. La loi du 31 mai 1851 ne reproduisant pas cette disposition, le bénéfice n'en saurait être étendu aux condamnés à une peine afflictive perpétuelle autre que la déportation, exclusion qui est peutêtre regrettable.

211. Un condamné à une peine afflictive perpétuelle a été relevé en tout ou en partie par le Gouvernement des incapacités édictées par l'article 3. Sur quels biens les actes qu'il accomplira en vertu de cette

(1) Une loi récente du 25 mars 1873 à laquelle on peut se reporter, est venue modifier profondément la situation des déportés de l'une et de l'autre catégorie.

concession seront-ils exécutoires? Par exemple le condamné est autorisé par le Gouvernement à faire des donations: sur quels biens les donations par lui faites pourront-elles être exécutées ? L'article 4, alinéa final, répond: « Les actes faits par le condamné dans le lieu d'exécution de la peine, ne peuvent engager les biens qu'il possédait au jour de sa condamnation, ou qui lui sont échus à titre gratuit depuis cette époque. » Quels biens ces actes pourront-ils donc engager? Seulement ceux que le condamné aura acquis à titre onéreux depuis sa condamnation. Les autres, c'est-à-dire ceux qu'il possédait lors de sa condamnation ou ceux qui lui sont advenus depuis cette époque à titre gratuit, c'est-àdire à titre de succession (ou même à titre de donation si le Gouvernement l'a relevé de l'incapacité de recevoir par donation), ne seront pas atteints par les actes qu'accomplira le condamné; ils seront donc réservés à sa famille.

212. On discute la question de savoir si le Gouvernement pourrait donner au condamné à une peine afflictive perpétuelle l'autorisation de disposer de ses biens à titre onéreux ? L'affirmative est fondée sur de si bonnes raisons qu'on s'étonne de ne pas la voir admise par tous. Comprendrait-on que la loi, qui permet au Gouvernement d'autoriser le condamné à disposer de ses biens à titre gratuit, ne lui permit pas d'autoriser ce même condamné à disposer de ses biens à titre onéreux ? L'aliénation à titre onéreux est moins grave que l'aliénation à titre gratuit; d'autre part la faculté d'aliéner à titre onéreux sera la plupart du temps beaucoup plus utile au condamné que la faculté d'aliéner à titre gratuit. Il y a donc un argument à fortiori pour appliquer aux aliénations à titre onéreux ce que la loi dit des aliénations à titre gratuit. D'ailleurs l'article 4 ne dit-il pas que le Gouvernement peut accorder au condamné l'exercice des droits civils dont il est privé par son état d'interdiction légale ? Or le droit d'aliéner à titre onéreux est justement un de ces droits civils dont l'exercice, l'exercice seul et non la jouissance, qu'on le remarque bien, est enlevé au condamné. Donc le Gouvernement peut lui restituer cet exercice, et alors il se trouvera avoir tout à la fois la jouissance et l'exercice de ce droit. c). Dispositions transitoires (art. 5 et 6).

213. « Les effets de la mort civile cessent pour l'avenir à l'égard des condamnés actuellement morts civilement, sauf les droits acquis à des tiers. - L'état de ces condamnés est régi par les dispositions qui précèdent » (art. 5). La loi du 31 mai 1854 a donc fait revenir à la vie civile tous les condamnés qui étaient morts civilement lors de sa promulgation. C'est de la rétroactivité, mais de la rétroactivité de bon aloi. Il n'en faut pas blâmer le législateur, au contraire. C'est d'ailleurs sur ce point seulement que la loi du 31 mai 1854 produit un effet rétroactif, car le législateur a soin de dire que le retour du condamné à la vie civile n'a lieu que sauf les droits acquis à des tiers », c'est-à-dire que la résurrection civile du condamné ne portera aucune atteinte aux droits que sa mort civile avait fait définitivement acquérir à des tiers. Ainsi les héritiers qui avaient recueilli la succession du mort civilement, n'ont pas été obligés de lui restituer ses biens après son retour à la vie civile. De

même le mariage du mort civilement n'a pas pu revivre par suite de la promulgation de la loi du 31 mai 1854; sa dissolution par la mort civile du condamné constituait un fait accompli. Son conjoint a donc pu valablement contracter un nouveau mariage, non-seulement avant la loi du 31 mai 1854, mais aussi après sa promulgation. Quant au mort civilement, il a pu lui aussi contracter un nouveau mariage depuis la loi du 31 mai 1854, car cette loi ne déclare pas les condamnés à des peines afflictives perpétuelles incapables de se marier. -- Que si les deux conjoints dont l'un était mort civilement, se trouvant libres de tout autre lien, ont voulu rester unis, ils ont dû procéder à une nouvelle célébration de leur mariage. C'est ainsi qu'un mort civilement a pu, comme on l'a dit, épouser sa veuve.

Le projet de la loi du 31 mai 1854 contenait en ce qui concerne le mariage du mort civilement deux articles ainsi conçus :

Art. 4. Le mariage dissous par la mort civile peut toujours, à moins qu'il n'en existe un nouveau, être réhabilité du consentement des deux parties; tout autre mariage leur est respectivement interdit jusqu'à la mort de l'un d'eux.

Art. 5. La réhabilitation du mariage dissous s'opère par une déclaration que les époux font en commun devant l'officier de l'état civil qui en dresse acte. Cet acte est inséré sur les registres à sa date. Il en est fait mention en marge de l'acte de la première célébration.

La disposition finale de l'article 4 a sans doute été considérée comme portant atteinte au principe de non-rétroactivité des lois. Quant aux autres dispositions de ces deux articles, il est assez difficile de dire pourquoi elles ont disparu de la rédaction définitive de la loi.

L'article 3 in fine de la loi du 31 mai 1854 explique suffisamment comment les morts civilement qui sont revenus à la vie civile, ont été immédiatement soumis au régime de la loi nouvelle, par conséquent frappés de la dégradation civique et de l'interdiction légale et atteints des incapacités spéciales édictées par l'article 3.

214. Enfin aux termes de l'article 6: « La présente loi n'est pas applicable aux condamnations à la déportation pour crimes commis antérieurement à sa promulgation.»

Il résulte très nettement de ce texte que l'état des condamnés à la peine de la déportation pour crimes commis postérieurement à la promulgation de la loi du 31 mai 1854 est régi par les dispositions de cette loi.

Il en résulte non moins clairement que ceux qui ont été condamnés à la peine de la déportation, pour crimes commis depuis la promulgation de la loi du 8 juin 1850 jusqu'à celle de la loi du 31 mai 1834, ne sont pas régis par cette dernière loi en ce qui concerne leur état et leur capacité, mais bien par la loi du 8 juin 1850, loi moins rigoureuse que celle du 31 mai 1854, en ce sens qu'elle ne soumettait pas le condamné aux incapacités spéciales édictées par l'article 3 de cette dernière loi. C'est là une application équitable du principe de non-rétroactivité.

Mais il semble résulter aussi de notre article que la loi du 31 mai 1854 n'est pas applicable à ceux qui ont été condamnés à la déportation avant que la loi du 8 juin 1850 fût exécutoire. S'il en était ainsi, les individus condamnés à la déportation an

térieurement à la loi du 8 juin 1850 seraient encore aujourd'hui frappés de mort civile, car cette loi ne les a pas fait revenir à la vie civile, elle est muette sur ce point; et la loi de 1854 ne les y aurait pas fait revenir non plus, puisqu'elle ne leur serait pas applicable. Mais cette solution, conforme au texte de la loi, est si évidemment contraire à son esprit que la plupart des auteurs la rejettent. M. Valette, qui se croit obligé de l'admettre, dit que l'histoire de nos lois ne présente guère de fautes de rédaction d'une énormité pareille.

TITRE II

Des actes de l'état civil.

215. L'état civil ou privé d'une personne, c'est la position qu'elle occupe soit dans la famille soit dans la société, et d'où dérivent ses droits et ses devoirs (supra, no 108).

Les actes de l'état civil sont des écrits (instrumenta) qui constatent les faits relatifs à l'état civil des personnes. Parmi ces faits les principaux sont la naissance par laquelle l'homme fait son entrée dans le monde et dans la société, le mariage par lequel il s'y établit et s'y perpétue, et le décès qui le fait disparaître de la scène. Le législateur ne s'occupe dans notre titre que des actes qui constatent ces trois faits. Mais ce ne sont pas là les seuls actes de l'état civil. Il faut encore considérer comme tels les décrets de naturalisation, et aussi les actes d'adoption et de reconnaissance d'enfants naturels qui constatent, l'un la filiation adoptive, l'autre la filiation naturelle, et se placent ainsi tout naturellement à côté de l'acte de naissance où se trouve constatée la filiation légitime. Mais on ne devrait pas, ce semble, y faire rentrer les actes qui sont relatifs plutôt à la capacité qu'à l'état des personnes, tels que les actes d'émancipation, les jugements d'interdiction et ceux qui nomment un conseil judiciaire.

216. L'institution des actes de l'état civil est due au clergé. Dès le Moyen âge, le clergé, dans le but d'assurer l'exécution des prescriptions de la loi religieuse, introduisit l'usage de constater les baptêmes, les mariages et les sépultures par des actes inscrits sur les registres des paroisses. Tout imparfaits qu'ils étaient au point de vue de la forme, ces actes offraient pour l'état civil des personnes, un mode de preuve bien supérieur à la preuve testimoniale, dont le législateur à toutes les époques a redouté les dangers, surtout en cette matière. L'autorité civile comprit l'utilité de cette institution, et diverses ordonnances furent successivement rendues, tendant, d'une part à substituer en cette matière la preuve résultant des actes inscrits sur les registres des paroisses à la preuve testimoniale (Voyez notamment l'Ordonnance de Blois, août 1539, art. 50 et 54), et d'autre part à perfectionner sous le rapport de la forme les actes inscrits sur ces registres, afin de les adapter plus complétement au nouveau but qui leur était assigné (Voyez notamment Ordonnance de 4667, tit. 20). Les actes de baptêmes, mariages et sépultures devinrent alors des

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