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C'est ce qui résulte de l'article 4er de la loi des 6-14 janvier 1872, ainsi conçu : « Les actes inscrits sur les registres de l'état civil depuis le 4 septembre 1870 ne pourront être annulés à raison du seul défaut de qualité des personnes qui les ont reçus, pourvu que ces personnes aient eu à ce moment l'exercice public des fonctions municipales ou de celles d'officier de l'état civil à quelque ti're et sous quelque nom que ce soit. »

Aux termes de l'article 2 de la même loi : « La disposition de l'article précédent n'est pas applicable aux actes reçus à Paris et dans les autres communes du département de la Seine pendant la période insurrectionnelle. » En effet le sort de ces actes avait déjà été antérieurement réglé par la loi des 49-23 juillet 1871, à laquelle la loi de 1872 n'a nullement dérogé et dont nous allons maintenant parler.

282. II. Loi des 19-23 juillet 1874. — Pendant la période insurrectionnelle qui a pour point de départ le 18 mars 4874, la plupart des officiers de l'état civil de Paris et des communes du département de la Seine avaient cessé de remplir leurs fonctions. Ils avaient été remplacés par des agents issus du pouvoir insurrectionnel, qui pendant leur trop long exercice avaient dressé de nombreux actes de l'état civil. L'ordre une fois rétabli, quel devait être le sort de ces actes? Ils étaient nuls comme émanés d'officiers dépourvus de tout titre légal, et on ne voit guère comment les tribunaux, devant lesquels ces actes auraient été invoqués, auraient pu échapper à la nécessité de reconnaitre et de prononcer cette nullité. Cela était grave surtout pour les ma riages. On allait donc autoriser ceux qui étaient venus contracter mariage dans le lieu ordinaire consacré à ces solennités et devant l'officier qui se présentait comme seul investi du droit de les présider, à se jouer de la foi promise et à briser le lien qu'ils avaient volontairement accepté. C'était impossible! Le besoin d'une intervention législative était sentie par tout le monde, mais il était permis d'éprouver quelque embarras sur le point de savoir en quel sens elle devait se produire. Fallait-il valider purement et simplement les actes reçus par les agents du pouvoir insurrectionnel? C'eût été le plus simple assurément; mais en procédant ainsi le législateur aurait semblé reconnaitre la légitimité de ce pouvoir, et il ne le voulait pas. Aussi a-t-il pris une sorte de moyen terme. L'article 4er de la loi du 19 juillet 4871 porte que Les actes de l'état civil reçus depuis le 18 mars 1871 à Paris e! dans les autres communes du département de la Seine, les mentions inscrites depuis la même époque en marge des registres par tous autres que les officiers publics compétents seront batonnés. - Il ne pourra en être délivré aucune expédition. Mention de la présente loi sera faite en marge des actes bâtonnés. » C'était détruire matériellement l'œuvre des officiers de l'état civil de la Commune, qu'on ne voulait même pas sembler considérer comme investis d'une apparence de titre légal. Mais tout en détruisant cette œuvre, il fallait la reconstituer, et on va voir que, dans plusieurs cas au moins, le législateur l'a reconstituée avec les matériaux mêmes dont il ordonnait la destruction. La loi distingue à cet égard les actes de naissance, les actes de décès, les reconnaissances d'enfants naturels et les mariages.

A. ACTES DE NAISSANCE. « Les déclarations de naissance contenu s aux actes bâtonnés en vertu de l'article précédent devront ê re renouvelées sous les peines portées par l'article 346 du Code pénal dans le délai de trente jours (1) à partir de la promulgation de la présente loi devant l'officier de l'état civil, qui en dressera acte sur un registre spécial en présence de deux témoins ».

« Les naissances, qui n'auraient pas été déclarées dans le délai de l'article 55 du Code civil ou dont les déclarations n'auraient pas été renouvelées dans le délai prescrit par le paragraphe précédent, ne pourront être constatées qu'en vertu de jugements rendus en

(1) Le délai de trente jours fixé par ce texte a été prorogé jusqu'au 30 septembre 1871 par la loi du 23 août 1871.

chambre du Conseil, à la requête soit du ministère public, soit des parties intéressées » (art. 2 de la loi).

B. ACTES DE DÉCÈS. « Dans le même délai (de trente jours), il sera dressé acte par l'officier de l'état civil, sur le registre mentionné en l'article 2, des décès survenus postérieurement au 18 mars et dont il n'existerait pas d'acles réguliers, sur le vu du certificat du médecin qui aura constaté la mort et en présence de deux témoins. En l'absence du certificat exigé par le paragraphe précédent, les actes de décès ne pourront être dressés qu'en vertu d'un jugement » (art. 4).

C. et D. ACTES DE RECONNAISSANCE D'ENFANTS NATURELS ET ACTES DE MARIAGE. En ce qui concerne les reconnaissances d'enfants naturels et les mariages, le législateur n'a pas voulu faire dépendre leur sort de la bonne volonté des auteurs de la reconnaissance ou des époux. D'ailleurs la mort de l'auteur de la reconnaissance ou de l'un des époux pouvait, dans plusieurs cas, mettre un obstacle insurmontable au renouvellement de la reconnaissance ou à une nouvelle célébration du mariage, aussi allons nous voir ici le législateur autoriser la reconstitution des actes bâtonnés avec les matériaux mêmes empruntés aux actes dont il ordonne la destruction matérielle.

« Les reconnaissances d'enfants naturels, contenues dans les actes bâtonnés en vertu de l'article fer de la présente loi, devront être renouvelées dans le même délai de trente jours.— En cas de décès des auteurs des dites reconnaissances, ou faute \par eux de se présenter dans le délai prescrit, le tribunal pourra, à la requête du ministère public ou des parties intéressées, ordonner la transcription des dits actes sur les registres mentionnés en l'article 2.- La transcription ainsi opérée assurera à la reconnaissance ses effets à la date du premier acle » (art. 3).

« Les actes de mariage bátonnés en vertu de l'article 4er de la présente loi seront transcrits dans le même délai de trente jours sur le registre mentionné en l'article 2 en présence des parties et de quatre témoins. En cas de décès des époux ou de l'un d'eux, ou faute par eux de se présenter dans le délai prescrit, le tribunal, à la requête du ministère public, des parties intéressées ou de l'une d'elles, ordonne la transcription sur le registre mentionné en l'article 2 des actes bâtonnés, sauf les cas prévus par l'article 184 du Code civil. La transcription assurera au mariage, à la date du premier acte, tous les effets civils tant à l'égard des époux qu'à l'égard des enfants issus du mariage » (art. 3). Les articles 6 et 7 n'offrent qu'un intérêt secondaire.

283. III. Loi des 12-25 février 1872.- Parmi les désastres matériels accumulés par la formidable insurrection de Paris en 1874, l'un des plus considérables fut la destruction des registres de l'état civil. On évalue à sept ou huit millions le nombre des actes dont l'original a ainsi disparu par suite de la perte des deux doubles des registres sur lesquels ils étaient incrits. Les registres déposés au greffe du tribunal de première instance de la Seine ont été entièrement dévorés dans l'incendie du Palais de Justice, et ceux déposés à l'Hôtel-de-Ville ont eu le même sort. Il fallait de toute nécessité se préoccuper de reconstituer les actes ainsi détruits, et l'intervention législative était nécessaire, les moyens que fournit le droit commun se trouvent ici complètement insuffisants. Cette colossale entreprise a été réalisée dans la mesure du possible, en exécution de la loi des 12-25 février 1872. Cette loi, dans l'examen détaillé de laquelle nous n'entrerons pas, confiait à une Commission nommée par le ministre de la justice le soin de reconstituer les actes de l'état civil détruits. Cette reconstitution devait être et a été opérée : « 1o D'après les extraits des anciens registres délivrés conformes; 2° sur les déclarations des personnes intéressées ou des tiers et d'après les documents qui auront été déposés à l'appui; 3° d'après les registres tenus par les ministres des différents cultes, les registres des hôpitaux et des cimetières, les tables de décès rédigés par l'administration des Domaines et toutes les pièces qui peuvent reproduire la substance des actes authentiques » (article 2 de la loi).

Les actes de l'état civil reconstitués comme il vient d'être dit n'ont pas tous la même force probante. Ceux qui ont été reconstitués par le moyen d'extraits des anciens registres délivrés conformes, ont la force probante que leur attribue l'article 45: ils font foi jusqu'à inscription de faux. Au contraire ceux qui ont été rétablis par la Commission d'après les autres documents indiqués en l'article 2 précité, ne font foi que jusqu'à simple preuve contraire (art. 3 de la loi).

284. IV. Loi du 10 juillet 1871. — Mentionnons enfin une loi du 40 juillet 1874 qui, allant au plus pressé, fixait un mode spécial pour suppléer aux actes de l'état civil du département de la Seine détruits pendant l'insurrection, en attendant que ces actes fussent reconstitués. Cette loi peut encore recevoir son application en ce qui concerne les actes de l'état civil non reconstitués.

TITRE III

Du domicile.

§ I. Notions générales.

285. Domicile, résidence, habitation: trois mots qui expriment des idées différentes.

Un commerçant a le centre de ses affaires à Bordeaux où il habite avec sa famille pendant une partie de l'année. Ce commerçant a une maison de campagne à Lormont; il s'y installe tous les ans avec sa famille pendant toute la belle saison, et vient alors tous les jours à Bordeaux passer quelques heures pour veiller à ses affaires. Ce même commerçant fait tous les ans un voyage d'agrément dans les montagnes, ou au bord de la mer... Il est domicilié à Bordeaux; il réside à Bordeaux pendant l'hiver, à Lormont pendant l'été; en cours de voyage il habite là où il se trouve. Qu'est-ce donc que le domicile? Qu'est-ce que la résidence? Qu'est-ce que l'habitation?

a). Le domicile, c'est le siège légal d'une personne; c'est son siège juridique et par suite quelquefois fictif. Où est situé ce siège légal, ce siège juridique? L'article 102 répond: « Le domicile de tout Français » quant à l'exercice de ses droits civils est au lieu où il a SON PRINCIPAL › ÉTABLISSEMENT ».-Son principal établissement, c'est-à-dire le centre de ses intérêts, soit de ses intérêts matériels, soit de ses intérêts d'affection, soit des uns et des autres tout à la fois. « Le principal établissement, dit M. Laurent, ce sont les liens de famille, d'intérêts, de fonctions, qui attachent une personne à tel lieu plutôt qu'à tel autre. »

Il y a, on le voit, une certaine intimité entre la personne et la maison, le lieu où est son domicile, et c'est ce que donne fort bien à entendre le mot domicile, de domum colere, expression qui indique que le domicile est à la maison, au lieu de prédilection. Le domicile est une abs

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traction: il est le résultat d'une relation que la loi établit entre une personne et un lieu, celui où elle a son principal établissement. Quelquefois aussi le mot domicile se prend dans une autre acception, pour désigner le lieu même où on est domicilié, le lieu même où l'on a son principal établissement. Le mot domicile est pris dans le premier sens, dans le sens abstrait, quand on dit : mon domicile est à Bordeaux, ce qui signifie mon siège légal et juridique est à Bordeaux où se trouve mon principal établissement. Il est pris dans le deuxième sens, dans le sens concret, quand on dit : je vais à mon domicile; ce qui signifie je vais à la maison où est établi mon domicile.

b). La résidence est le siège réel, le siège de fait de la personne. Elle est au lieu de l'habitation ordinaire de la personne, par conséquent soit au domicile, soit ailleurs. Une même personne peut avoir plusieurs résidences, une résidence d'été et une résidence d'hiver par exemple, tandis qu'elle ne peut avoir qu'un domicile, parce que le domicile est situé au lieu, nécessairement unique, du principal établissement, c'està-dire de celui dont l'importance absorbe celle des autres.

c). Enfin l'habitation est le siège accidentel de la personne. Elle est partout où l'on se fixe, même pour un très court espace de temps, en voyage par exemple dans toutes les localités où l'on s'arrête pour les explorer.

On le voit, la résidence et l'habitation résultent d'un lien de fait entre une personne et un certain lieu où elle habite même temporairement, lien aussi facile à rompre qu'à nouer surtout pour l'habitation; tandis que le domicile résulte d'un lien beaucoup plus résistant, d'un lien de droit entre la personne et un certain lieu où se trouvent concentrés ses intérêts, où par suite elle est présumée habiter le plus souvent ou tout au moins être représentée par quelqu'un, même en son absence, de sorte qu'au domicile on doit toujours trouver ou la personne elle-même ou son représentant. En résumé le domicile est le résultat d'un lien de droit, que la loi établit entre une personne et le lieu où elle a son principal établissement, c'est-à-dire le chef-lieu de ses intérêts. C'est le siège légal et juridique de la personne. La résidence et l'habitation sont le résultat d'un lien de fait entre la personne et le lieu où elle habite, soit ordinairement, ce qui est le caractère de la résidence, soit accidentellement, ce qui est le caractère de la simple habitation. On peut avoir de très-nombreuses habitations, quelques résidences et un seul domicile. 286. Les auteurs ne font pas la distinction qui vient d'être établie entre la résidence et l'habitation. Elle semble cependant résulter, non seulement du sens usuel de ces mots, mais aussi des dispositions de la loi. Ainsi nous voyons dans l'article 13 que l'étranger, qui a en France un domicile autorisé, y jouit des droits civils tant qu'il continue d'y résider. Tout le monde est d'accord pour dire que quelques absences, an voyage d'affaires par exemple, ne font pas perdre à cet étranger

la jouissance des droits civils. C'est qu'en effet l'habitation passagère dans un lieu autre que celui où on a sa résidence n'empêche pas que l'on continue à résider dans ce dernier lieu, de même que la résidence dans un autre lieu que celui où l'on a son domicile n'empêche pas que l'on conserve son domicile dans ce dernier lieu. En outre l'article 403 dispose que « le changement de domicile s'opère par le fait de l'habitation dans un autre lieu joint à l'intention d'y fixer son principal établissement. » Ce n'est pas une résidence que la loi exige ici, ce qui suppose un séjour d'une certaine durée; elle se contente de l'habitation, c'est-à-dire du fait que l'on s'est transporté dans le nouveau lieu où l'on veut établir son domicile et que l'on en a pris possession. Enfin nous voyons que l'article 69-3° du Code de procédure civile décide que, lorsque le domicile du défendeur est inconnu, il sera assigné « au lieu de sa résidence actuelle », et nul ne soutiendra sans doute que, si le défendeur s'est absenté quelques jours du lieu où il a sa résidence pour aller voir un ami, il pourra être assigné au domicile de cet ami chez lequel il habite passagèrement. La distinction entre l'habitation et la résidence résulte donc des textes de la loi, non moins que de la signification courante de ces expressions.

La loi ne s'est pas toujours conformée à la terminologie qui vient d'être indiquée. C'est ainsi que dans l'article 484 P. qui parle de la violation du domicile, le mot domicile est pris dans le sens d'habitation.

287. Distinction du domicile politique et du domicile civil.- Le domicile est politique ou civil, suivant qu'il est relatif à l'exercice des droits. politiques ou des droits civils. Le domicile politique est en dehors de la sphère du droit civil comme les droits auxquels il s'applique. Et c'est sans doute ce qu'a voulu dire l'article 102, lorsqu'il déclare que « le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement. » Ces mots quant à l'exercice de ses droits civils signifient que le domicile dont la loi va nous parler est le domicile envisagé au point de vue des droits civils, le domicile civil en un mot. C'est comme si l'article avait dit le domicile civil de tout Français est au lieu, etc. On aurait tort d'ailleurs de conclure de l'article 102 que les Français ne peuvent exercer leurs droits civils en général qu'au lieu où ils ont leur domicile civil. L'exercice de la plupart des droits civils est indépendant du domicile; ainsi on peut acheter, vendre, faire une donation, un testament ailleurs qu'au lieu de son domicile. C'est seulement par exception que certains droits civils ne peuvent être exercés qu'au domicile, ainsi qu'on le verra tout à l'heure.

Nous laisserons de côté tout ce qui est relatif au domicile politique dont le Code civil ne s'occupe pas.

288. L'infinie variété des lois qui régissaient la France avant 1789 donnait un intérêt capital à la question de savoir où chacun était domicilié; car le domicile servait à déterminer pour chaque Français le statut personnel qui réglait son état et sa capacité, et le statut réel qui réglait la transmission de sa succession mobilière. En d'autres termes, tout Français était alors régi quant à son état et à sa capacité par la loi du lieu où il était domicilié ; cette même loi réglait aussi la transmission de sa succession mobilière. La détermination du domicile présentait à ce double point de vue un intérêt égal à celui que présente dans notre société actuelle la détermination de la nationalité.

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