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le point de savoir quelle sanction il convient de donner à la loi. N'est-ce pas ce qui arrive fatalement, quand les interprètes entreprennent de corriger la loi? Chacun le fait à sa guise.

Les uns veulent qu'à défaut de la transcription le mariage soit destitué de tous ses effets civils en France. Ainsi les enfants issus de ce mariage ne pourraient pas se prétendre légitimes et réclamer à ce titre, au préjudice d'autres héritiers français, des biens laissés en France par leurs parents décédés.

D'autres estiment que le défaut de transcription devrait seulement avoir pour résultat de mettre les époux ou leurs ayant-cause dans l'impossibilité de se prévaloir vis-à-vis des tiers de certains effets de leur mariage. Lesquels? ceux qui sont attachés à la publicité du mariage, c'est-à-dire ceux que la loi lui fait produire à raison de la publicité dont elle le suppose entouré. Ainsi la femme ne pourrait pas se prévaloir à l'encontre des tiers de l'hypothèque légale que l'article 2121 lui accorde sur les biens de son mari. - Il y a encore d'autres variantes.

Tout cela est plus ou moins arbitraire, et par suite inadmissible. Nous l'avons déjà dit: il n'appartient pas à l'interprète de créer la sanction que le législateur a oublié d'établir. Telle paraît être la solution admise par la jurisprudence, qui cependant accorde aux tiers lésés par le défaut de transcription une action en dommages-intérêts contre les époux par application de l'article 4382 (Cas., 28 déc. 1874, Sir., 75. 4. 347).

S'il est vrai que l'article 174 n'a pas de sanction, il est clair que le délai de trois mois qu'il prescrit pour effectuer la transcription de l'acte de mariage n'est pas fatal. Cette formalité pourrait donc encore être remplie après l'expiration du délai, et on ne voit pas bien clairement pourquoi il serait nécessaire en pareil cas d'obtenir une autorisation de la justice, ainsi que le prescrit cependant une circulaire du grand juge du 5 germinal de l'an XII.

§ II. Formalilés relatives à la célébration du mariage des étrangers en France.

459. Il faut distinguer si les deux contractants ont la même nationalité ou une nationalité différente.

a). Les deux contractants ont la même nationalité: ainsi, un Anglais veut épouser en France une Anglaise.

Le mariage pourra être célébré, soit devant un officier de l'état civil français, dans les formes prescrites par la loi française, conformément à la règle Locus regit actum, soit devant le consul ou l'agent diplomatique accrédité en France par le gouvernement du pays auquel les contractants appartiennent, en supposant qu'il ait qualité pour cette célébration d'après la loi du pays.

b). Les deux contractants ont une nationalité différente. Peu importe que l'un d'eux soit Français, le mariage ne pourra être célébré que suivant les formes prescrites par la loi française conformément à la règle Locus regit actum. Un consul ou agent diplomatique étranger n'aurait plus ici qualité; car l'officier public qui célèbre le mariage doit être compétent par rapport aux deux parties, et un consul ou agent diplomati

que ne l'est que relativement aux sujets du pays dont il est le représentant.

Toutes les fois qu'un mariage sera célébré en France entre étrangers, ou à plus forte raison entre Français et étrangers, dans les formes prescrites par la loi française, la célébration devra être précédée de publications faites conformément à notre Code civil; car les publications font partie des formes prescrites par la loi française pour la célébration des mariages, et tombent par conséquent sous l'empire de la règle Locus regit actum.

Dans tous les cas, les conditions de capacité requises pour le mariage devraient être appréciées pour chaque contractant d'après la loi de son pays (supra, no 80).

CHAPITRE III

460. Définition.

DES OPPOSITIONS A MARIAGE

L'opposition à mariage est l'acte par lequel une personne signale à l'officier de l'état civil l'existence d'un empêchement au mariage. Elle met obstacle à la célébration jusqu'à ce qu'il en ait été donné main-levée par la justice.

Nous aurons à rechercher successivement par quelles personnes et pour quelles causes l'opposition à mariage peut être faite, dans quelles formes, quels sont ses effets, comment la main-levée peut en être obtenue.

I. Par quelles personnes l'opposition à mariage peut être formée

et pour quelles causes.

461. Dans notre ancienne législation le droit de faire opposition à mariage était, dit Portalis, une action en quelque sorte populaire. Le premier venu pouvait la former, et elle pouvait être fondée sur une cause quelconque. Dans ces conditions, le droit d'opposition dégénérait souvent en un moyen de vexation. Frappé de ces abus, notre législateur a déterminé limitativement d'une part les personnes auxquelles appartient le droit d'opposition, et d'autre part les causes sur lesquelles l'opposition peut être fondée. Le principe est excellent; mais le législateur a peut-être apporté quelque exagération dans les applications qu'il en a faites en restreignant le droit d'opposition dans des limites trop étroites.

Quoi qu'il en soit, le droit d'opposition appartient d'après le Code civil: 1o au conjoint de l'une des parties contractantes; 2° à ses ascendants; 3° à certains collatéraux; 4o au tuteur ou au curateur.

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462.1° Au conjoint. « Le droit de former opposition à la célébration du » mariage appartient à la personne engagée par mariage avec l'une des deux » parties contractantes» (art. 172). La loi met le conjoint en première ligne sur la liste des personnes qui ont le droit de former opposition à mariage, parce qu'il est de tous celui qui a le droit le plus sacré. L'époux qui forme opposition au mariage de son conjoint défend son titre, dit M. Laurent; il réclame l'exécution de la foi promise, et il prévient un crime honteux de bigamie. »

463. 2° Aux ascendants de l'un ou de l'autre des futurs conjoints. -Et toutefois la loi ne leur accorde pas le droit d'opposition à tous concurremment, mais successivement. Cela résulte de l'article 173, ainsi conçu : « Le père, et à défaut du père la mère, et à défaut de père et mère les aïeuls » et aïeulec, peuventformer opposition au mariage de leurs enfants et des»cendants, encore que ceux-ci aient vingt-cinq ans accomplis ». Voici donc l'ordre hiérarchique établi par la loi :

a). Le père: légitime ou naturel, car la loi ne distingue pas; la prééminence lui appartient en sa qualité de chef.

b). La mère légitime ou naturelle, mais à défaut du père seulement, ce qui signifie si le père est mort ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté.

Donc si le père consent au mariage, la mère n'a pas le droit d'y former opposition, alors même qu'elle n'aurait pas été consultée. Et cependant en pareil cas l'officier de l'état civil doit refuser de procéder à la célébration (supra, no 414). Alors pourquoi la loi n'autorise-t-elle pas la mère à former opposition, puisqu'il existe une cause d'empêchement relative à sa personne ? Il est difficile de le dire. En tout cas la mère a certainement le droit d'informer officieusement l'officier de l'état civil qu'elle n'a pas été consultée, et celui-ci pourra surseoir à la célébration du mariage jusqu'à ce qu'on lui rapporte la preuve que la mère a été consultée.

c). Les aïeuls et aïeules; mais seulement à défaut de père et mère »>, c'est-à-dire si le père et la mère sont morts ou dans l'impossibilité de manifester leur volonté.

La loi ne faisant pas de distinction, le droit de former opposition au mariage appartient concurremment aux aïeuls et aïeules de la ligne paternelle et à ceux de la ligne maternelle. Le consentement au mariage donné par les aïeuls d'une ligne n'enlèverait pas à ceux de l'autre le droit d'y former opposition; il n'y a pas ici de prééminence d'une ligne sur l'autre.

Mais dans chaque ligne l'aïeule peut-elle former opposition concurremment avec l'aïeul, ou seulement à défaut de celui-ci? Il semblerait résulter de la généralité des termes de la loi que le droit d'opposition appartient à l'aïeule au même titre qu'à l'aïeul, et concurremment avec lui. Cependant la solution contraire est préférable. Elle résulte des travaux préparatoires de la loi, et aussi, à bien prendre, du texte de l'article 473 qui, en disposant que la mère ne peut agir qu'à défaut du père, donne à entendre très-clairement qu'il doit en être de même de l'aïeule par rapport à l'aïeul. On ne s'expliquerait pas que la prépondérance du sexe fût admise

entre le père et la mère, et qu'elle ne le fût pas entre l'aïeul et l'aïeule, qui sont eux aussi mari et femme.

Si tous les aïeuls ou aïeules sont morts ou dans l'impossibilité de manifester leur volonté, le droit d'opposition passerait aux bisaïeuls; car c'est seulement << à défaut d'aucun ascendant » que l'article 474 attribue le droit d'opposition aux collatéraux. Par où l'on voit que, dans le langage de la loi, les mots aïeuls et aïeules comprennent aussi les bisaïeuls et bisaïeules. Nous en avons déjà fait la remarque (supra, no 447). 464. Les ascendants peuvent exercer le droit d'opposition, même après que les enfants ont atteint leur majorité matrimoniale (art. 173 in fine). De plus, à la différence des autres opposants, ils ne sont pas obligés d'indiquer, dans l'acte d'opposition, les motifs sur lesquels leur opposition est fondée (art. 476).

Suit-il de là que l'opposition formée par les ascendants aura toujours et nécessairement pour résultat d'entraver le mariage? Le tribunal, auquel la main-levée en sera demandée, devra-t-il toujours la maintenir, alors même que les ascendants n'allégueraient aucun motif légal? Quelques-uns l'avaient ainsi pensé dans les premiers temps qui ont suivi la promulgation du Code civil. Mais cette opinion est depuis longtemps abandonnée.

L'opposition des ascendants ne devra être maintenue par le tribunal qu'autant qu'elle sera fondée sur un motif légal. Ainsi un père, dont le fils n'a pas encore atteint sa majorité matrimoniale, refuse de consentir au mariage de celui-ci et y fait opposition. Le tribunal auquel main-levée de l'opposition est demandée devra refuser de l'accorder, parce qu'il y a ici une juste cause à l'opposition; elle est fondée sur l'empêchement légal résultant du défaut de consentement (art. 448). De même, s'il s'agit d'un enfant majeur quant au mariage qui n'a pas adressé à ses ascendants les actes respectueux prescrits par la loi (art. 431), l'opposition formée par les ascendants pour cette cause devrait être maintenue tant que la cause subsistera, c'est-à-dire tant que la formalité des actes respectueux n'aura pas été remplie.

Mais si l'ascendant n'invoque aucun motif légal à l'appui de l'opposition qu'il a formulée, le tribunal devra en prononcer la main-levée sur la demande de l'enfant. C'est ce qu'a décidé la Cour suprême, cassant un arrêt en sens contraire de la Cour de Bourges, dans une espèce qui pourtant se présentait sous un jour bien favorable pour l'opposant. Un père avait formé opposition au mariage de sa fille majeure, qui lui avait adressé des actes respectueux. Assigné en main-levée, il allégua comme motif de son opposition que l'homme auquel sa fille voulait s'unir était un de ses anciens domestiques, forçat libéré, par lequel elle s'était laissé séduire. Était-ce là une juste cause, c'est-à-dire une cause légale d'opposition? Non assurément. Il fallait donc en prononcer la main-levée, comme l'a décidé la Cour de cassation. Voyez aussi dans le même sens un arrêt tout récent de la Cour de cassation du 30 juin 1879 (Sir., 79. I. 416). Et il faut bien qu'il en soit ainsi; autrement le droit, que la loi accorde aux enfants leur majorité matrimoniale une fois atteinte, de se marier sans le consentement de leurs ascendants, et à la charge seulement de requérir leur conseil par le moyen d'actes respectueux, deviendrait complétement illusoire, puisqu'il suffirait aux ascendants pour le paralyser de former opposition au mariage!

Mais voici une objection qui paraît grave au premier abord. A quoi sert, dira-t-on, de dispenser les ascendants d'indiquer les motifs de leur opposition dans l'acte qui en est dressé, si on ne les dispense pas d'avoir des motifs légaux, et si on les oblige a les faire valoir, le cas échéant, devant le tribunal? Autant vaudrait les astreindre, comme les autres opposants (art. 176), à indiquer leurs motifs dans l'acte d'opposition. Les en dispenser, pour les obliger à révéler ces motifs plus tard, s'ils veulent que l'opposition soit maintenue, c'est établir entre eux et les autres opposants une différence purement nominale. Il y a deux réponses à faire à cette objection.

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D'abord la faculté accordée aux ascendants de former une opposition légale, alors même qu'elle n'est pas fondée sur des motifs légaux, leur permettra d'arrêter momentanément la célébration d'un mariage qu'ils désapprouvent; l'officier de l'état civil en effet ne pourra pas y procéder tant que la main-levée n'en aura pas été régulièrement prononcée, et on ne l'obtient pas du jour au lendemain. L'ascendant gagnera ainsi du temps, ce qui est beaucoup en pareille matière, car le temps calme souvent les mauvaises passions. Le droit de former une opposition de ce genre aurait pu être dangereux entre les mains du premier venu; il ne l'est guère entre celles des ascendants: leur qualité et l'affection qu'ils portent à leurs enfants est un sûr garant qu'ils n'en mésuseront pas.

Et puis l'opposition légalement formée par l'ascendant, quoiqu'elle ne soit pas basée sur des motifs légaux, va obliger l'enfant, s'il persiste dans son projet, à demander à la justice la main-levée de l'opposition. Le voilà donc forcé, après avoir déjà entrepris contre ses ascendants une première lutte en leur adressant des actes respectueux, d'en venir à une lutte plus éclatante encore, à une lutte judiciaire cette fois, pour triompher de l'obstacle élevé par l'opposition! La loi espère que l'enfant reculera; elle espère aussi peut-être que la personne que l'enfant se propose d'épouser reculera elle-même la première; car enfin il lui faut entrer à main armée en quelque sorte dans la famille de son futur, s'y imposer! On lui prouve assez clairement qu'on ne veut pas d'elle!

465.3° A certains collatéraux.-Aux termes de l'article 174: « A défaut » d'aucun ascendant, le frère ou la sœur, l'oncle ou la tante, le cousin ou la » cousine germains, majeurs, ne peuvent former aucune opposition que dans » les deux cas suivants :—1o Lorsque le consentement du conseil de famille, » requis par l'article 160, n'a pas été obtenu; - 2o Lorsque l'opposition est > fondée sur l'état de démence du futur époux : cette opposition, dont le » tribunal pourra prononcer main-levée pure et simple, ne sera jamais reçue » qu'à la charge, par l'opposant, de provoquer l'interdiction, et d'y faire statuer dans le délai qui sera fixé par le jugement. »

Les collatéraux, dont notre article donne l'énumération, ne sont appelés à exercer le droit d'opposition « qu'à défaut d'aucun ascendant »>, par conséquent même de bisaïeuls. Mais la loi n'établissant entre eux aucune hiérarchie, le droit d'opposition leur appartient à tous concurremment. Notre article n'accorde ce droit qu'aux collatéraux majeurs. Il le refuse donc aux mineurs; ce qui ne signifie pas que les collatéraux mineurs ne pourront pas l'exercer personnellement (cela allait de soi et n'avait pas besoin d'être dit, puisque le mineur est incapable d'accomplir tous les actes civils), mais bien que le droit d'opposition ne pourra pas être exercé au nom des collatéraux mineurs par leurs tuteurs. C'est un droit exclusivement attaché à la personne.

L'opposition formée par les collatéraux majeurs désignés en l'article 174 n'est recevable que dans deux cas.

PREMIER CAS.

<< Lorsque le consentement du conseil de famille » requis par l'article 160 n'a pas été obtenu. » Il s'agit d'un futur époux mineur qui a perdu tous ses ascendants, et qui ne peut par conséquent

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