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cle 463 I. Cr. consacre d'ailleurs cette solution pour le cas particulier de faux. Et le Code civil lui-même paraît bien consacrer la distinction; car, si la décision judiciaire qui ordonne le rétablissement de la preuve du mariage ne pouvait jamais être invoquée que par ceux qui ont figuré à l'instance, on ne comprendrait pas que le Code autorisât le ministère public, en l'absence de toute partie intéressée, à requérir du tribunal saisi de l'action publique le rétablissement de la preuve du mariage, puisque le rétablissement ainsi opéré ne pourrait profiter à personne. D'ailleurs on peut se demander à quoi sert, dans le système contraire, l'inscription sur les registres de l'état civil du jugement rendu au criminel (art. 198) qui ordonne le rétablissement de la preuve du mariage. Si les parties qui ont figuré à l'instance sont les seules qui puissent invoquer ce jugement, il était bien inutile d'ordonner qu'il fût inscrit sur les registres de l'état civil; car les parties peuvent toujours, indépendamment de toute inscription, en obtenir une expédition quand besoin sera. L'utilité de l'inscription n'apparaît guère que pour les tiers qui ne peuvent pas obtenir une expédition du jugement, et il est naturel de supposer que cette inscription a été prescrite par la loi dans leur intérêt, ce qui suppose qu'ils peuvent se prévaloir du jugement. On s'explique d'ailleurs à merveille que la loi ait voulu déroger ici à la règle, d'après laquelle la chose jugée n'a d'autorité qu'entre les parties qui ont figuré à l'instance; le jugement, qui condamne l'auteur de la suppression ou de l'altération de la preuve du mariage et qui ordonne son rétablissement, a été rendu au nom de la société, représentée par le ministère public; il est donc tout naturel que ce jugement appartienne à tous, par conséquent que tous soient admis à s'en prévaloir et qu'on puisse l'opposer à tous.

CHAPITRE V

DES OBLIGATIONS QUI NAISSENT DU MARIAGE

558. Les effets du mariage sont très-nombreux. Pothier en énumère quatorze, et on pourrait ajouter à cette liste. Le plus important de tous consiste en ce que le mariage sert de base à la parenté et à l'alliance légitimes, et par suite à la famille légitime qui n'est pas autre chose que l'ensemble des parents et des alliés légitimes.

Le législateur ne s'occupe pas dans notre chapitre, ainsi que pourrait le faire croire sa rubrique, des effets généraux du mariage. Il s'occupe seulement 1° du devoir d'éducation imposé aux père et mère à l'égard de leurs enfants; 2° de l'obligation alimentaire résultant de la parenté ou de l'alliance. Nous allons étudier ces deux points dans deux paragraphes distincts. Ce ne sont là au surplus que des effets indirects du mariage. Le devoir d'éducation envers les enfants résulte plutôt du fait de la génération que du fait du mariage: la preuve en est que le devoir d'éducation existe à la charge des parents même vis-à-vis des enfants nés hors mariage. Et quant à l'obligation alimentaire, elle est plutôt un effet de la parenté ou de l'alliance que du mariage.

§ I. Du devoir d'éducation imposé aux père et mère
à l'égard de leurs enfants.

559. Les époux contractent ensemble par le seul fait du mariage l'obli>gation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants (art. 203).

De nourrir leurs enfants; c'est-à-dire de leur fournir tout ce qui leur est nécessaire pour l'entretien de leur existence physique.

De les entretenir; c'est-à-dire de les vêtir et de les loger.

De les élever; c'est-à-dire de les développer au point de vue physique, intellectuel et moral.

C'est dans cette triple obligation que consiste le devoir d'éducation. 560. Qui doit pourvoir aux frais qu'entraîne l'éducation de l'enfant? il faut distinguer :

Si l'enfant n'a pas de biens personnels, tous les frais de son éducation sont à la charge de ses père et mère. Un seul doit les supporter pour le tout, si l'autre n'a pas les ressources nécessaires pour y contribuer. Après la mort de l'un d'eux la charge de l'éducation retombe entièrement sur l'autre.

Si l'enfant a des biens personnels, alors de deux choses l'une ou ses parents en ont la jouissance, et alors ils supporteront les frais de son éducation, avec cette particularité toutefois qu'ils lui devront une éducation en rapport avec sa fortune (art. 385, 2o); ou bien les parents n'ont pas la jouissance légale des biens de l'enfant, et alors il paraîtrait équitable qu'ils pussent imputer les frais de son éducation sur les revenus de ses biens, sauf à lui tenir compte de l'excédant s'il y en a un.

561. L'obligation, dont sont tenus les pères et mères de nourrir, entretenir et élever leurs enfants, est une obligation civile; elle leur est en effet imposée par une disposition législative (art. 203). C'est dire que les parents pourraient au besoin être judiciairement contraints par voie d'action à son exécution, car telle est la sanction attachée à toutes les obligations civiles. Et cette solution est confirmée par l'article 204 qui, en refusant une action en justice à l'enfant contre ses parents pour un établissement par mariage ou autrement, bien que les parents soient tenus à cet égard d'une obligation naturelle, donne bien à entendre qu'il en serait autrement des obligations dont parle l'article précédent.

L'obligation établie par l'article 203 est donc sanctionnée par une action en justice. A qui cette action appartient-elle ? A l'enfant, incontestablement; car c'est envers lui que l'obligation existe, c'est lui qui est le créancier.

Mais il est manifeste que l'action ne peut pas être exercée par l'enfant lui-même, au moins lorsqu'il est mineur : le mineur n'a pas l'exercice des actions qui lui appartiennent. Par qui donc l'action sera-t-elle exercée au nom de l'enfant? On est tenté de dire par son représentant légal. Dans les cas où c'est possible il n'y a pas d'objection à faire. Ainsi il s'agit d'un enfant qui a perdu l'un de ses auteurs. Le survivant, tenu envers lui du devoir d'éducation, n'est pas son tuteur pour une cause ou pour une autre, la tutelle a été confiée à un étranger. Ce tuteur, représentant légal de l'enfant, aura le droit d'exercer une action en justice contre le survivant pour le contraindre, au cas où il s'y refuserait, à faire les frais nécessaires pour l'éducation de l'enfant.

Si l'on suppose que le survivant des auteurs de l'enfant soit son tuteur, il est mani

festement impossible de lui confier l'exercice de l'action, car il ne peut pas intenter une action contre lui-même. Qui donc agira? Le subrogé-tuteur qui, aux termes de l'article 420, al. 2, est chargé « d'agir pour les intérêts du mineur lorsqu'ils seront en opposition avec ceux du tuteur »>.

Voici maintenant un cas plus embarrassant, et ce sera le plus fréquent; il s'agit d'un enfant qui a encore ses père et mère. C'est son père qui est chargé de pourvoir à son éducation et aux frais qu'elle entraîne; car le devoir d'éducation est un des attributs de la puissance paternelle, et l'article 373 accorde au père seul pendant le mariage l'exercice de cette puissance. D'un autre côté c'est le père aussi qui estle représentant légal de l'enfant (arg., art. 389) et qui semblerait à ce titre chargé d'exercer l'action tendant à obtenir l'exécution du devoir d'éducation. Mais il y a là une impossibilité on ne peut pas charger le père d'exercer au nom de son enfant une action contre lui-même! Alors à qui confier l'exercice de l'action? On songe tout naturellement à la mère ne remplit-elle pas ici l'office de subrogé-tuteur? et l'article 203 ne dit-il pas que les époux contractent ENSEMBLE.... l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants? Ensemble, c'est-à-dire l'un envers l'autre. Donc la mère, a-t-on dit, est créancière de cette obligation, puisqu'elle est contractée envers elle; donc elle peut en exiger judiciairement l'exécution. Mais il faut beaucoup de bonne volonté pour admettre que le mot ensemble signifie l'un envers l'autre. Ensemble veut dire simultanément, l'un ET l'autre. C'est envers les enfants que les époux contractent ou plutôt quasi-contractent, par le fait du mariage, l'obligation dont parle l'article 203, et non pas l'un envers l'autre. La mère ne peut donc pas puiser dans l'article 203 la base d'un droit d'action. Et comme il n'y a pas d'autre texte qui le lui accorde, il en résulte qu'il est difficile de le lui reconnaître, comme le font cependant la plupart des auteurs sur l'autorité de notre ancien Droit. La mère a un intérêt moral, il est vrai, à l'exécution de l'obligation imposée par l'article 203; mais dans notre Droit un simple intérêt moral ne suffit pas pour ouvrir le droit d'action, à moins qu'il existe un texte formel. Il faut un intérêt pécuniaire'; or la mère n'en a pas. On peut d'ailleurs expliquer rationnellement jusqu'à un certain point le refus d'action à la mère : la loi voit d'un mauvais œil les luttes judiciaires entre mari et femme; elle en redoute l'issue au point de vue de la paix du ménage. 562. L'article 203 rattachant le devoir d'éducation au lien résultant du mariage, sa disposition semble inapplicable aux enfants nés hors mariage. Est-ce à dire que les père et mère d'un enfant illégitime ne sont pas tenus vis-à-vis de lui du devoir d'éducation? Nullement; car ce devoir, que la nature impose aux père et mère illégi times comme aux père et mère légitimes, est consacré sinon explicitement du moins implicitement par d'autres dispositions législatives. Voyez notamment l'article 383 et les articles 762 à 764.

563. Le devoir d'éducation cesse quand l'éducation de l'enfant est terminée, c'est-à-dire à une époque qu'il est impossible de préciser par avance. Quelquefois le devoir d'éducation survit à la majorité de l'enfant, parce qu'il peut, même à cette époque, n'être pas complétement rempli.

564. L'éducation de l'enfant est terminée, il est en âge de s'établir; peut-il forcer ses père et mère à lui constituer une dot s'il veut se marier, ou à lui fournir la somme d'argent dont il a besoin pour un autre établissement, pour s'établir comme notaire par exemple, ou comme négociant? L'article 204 répond : « L'enfant n'a pas d'action contre ses père et mère ➤ pour un établissement par mariage ou autrement ». C'était la solution

suivie dans nos anciens pays de coutume (saufen Normandie), où l'on tenait pour principe que: «Ne dote qui ne veut ». Dans nos pays de Droit écrit au contraire, on admettait conformément au Droit romain que la fille avait une action contre son père pour le forcer à la doter. Une lutte assez vive s'engagea au Conseil d'État sur le point de savoir si l'on consacrerait sur ce point le principe du Droit romain ou celui des coutumes. Il fauts'applaudir que l'avantage soit en définitive resté à ce dernier parti. De puissants motifs justifient cette préférence. On doit se garder d'armer les enfants contre leurs parents; l'autorité paternelle en pourrait être ébranlée. Et puis on humilierait la puissance paternelle, en forçant en quelque sorte, comme le dit M. Demolombe, les parents à déposer leur bilan et à discuter devant la justice le chiffre de la dot qu'il convient de constituer à leurs enfants. Enfin l'expérience a prouvé que les parents remplissent presque toujours généreusement l'obligation naturelle. qui leur incombe de doter leurs enfants, et il a paru inutile de transformer cette obligation naturelle en une obligation civile.

Si l'enfant n'a pas le droit d'intenter une action contre ses père et mère pour un établissement par mariage ou autrement, il a toujours celui, quel que soit son âge, d'exiger d'eux des aliments quand il se trouve dans le besoin. Non ætati sed necessitati alimenta debentur. Nous sommes ainsi conduits à parler de l'obligation alimentaire dont s'occupent les articles 205-211.

§ II. De l'obligation alimentaire.

565. On distingue sous ce nom l'obligation dont sont tenues certaines personnes de fournir à certaines autres des aliments, c'est-à-dire ce qui est nécessaire pour vivre par conséquent la nourriture, le vêtement et le logement (arg., art. 210). « Alimentis legatis cibaria et vestitus et habitatio debebitur, quia sine his ali corpus non potest » (L. 6, D., de alim. et cib. leg.). Il faut ajouter les frais de maladie et valetudinis impendia » (L. 45, D., de usufructu et quemadmodum.....).

Gardons-nous de confondre l'obligation alimentaire avec le devoir d'éducation. Il existe entre l'une et l'autre des différences importantes :

4o « Le devoir d'éducation, dit M. Laurent, dérive du fait de la paternité ; l'obligation alimentaire a pour fondement les liens du sang et de l'alliance qui imite la parenté ».

2° L'obligation alimentaire n'a pas de terme limité, Non ætati sed necessitati alimenta debentur ; tandis que le devoir d'éducation prend fin quand l'éducation est terminée.

3o L'obligation alimentaire est en général réciproque (art. 207; le devoir d'éducation n'est pas réciproque.

4o La dette alimentaire se paie en argent; le devoir d'éducation s'accomplit en

nature.

5o La dette alimentaire peut incomber aux ascendants autres que le père et la mère. Au contraire, on admet généralement que le devoir d'éducation ne pèse que sur les père et mère, jamais sur les autres ascendants en cette qualité.

N° 4. Quelles sont les personnes entre lesquelles l'obligation
alimentaire existe.

566. I. L'obligation alimentaire existe tout d'abord entre ascendants et descendants in infinitum. « Les enfants doivent des aliments à leurs » père et mère et autres ascendants qui sont dans le besoin », dit l'article 205. Et l'article 207 ajoute : « Les obligations résultant de ces dispo»sitions sont réciproques ». Donc en vertu de ce dernier texte les ascendants doivent des aliments à leurs descendants; on l'a contesté, mais cette controverse est éteinte depuis longtemps. Ces dispositions ont été dictées par les lois mêmes de la nature. Le père a donné la vie au fils ; il faut qu'il l'aide à la conserversi celui-ci ne peut pas subvenir aux besoins de son existence par ses propres ressources. Un motif semblable justifie l'obligation imposée à l'aïeul de fournir des aliments à son petit-fils qui est dans le besoin. En sens inverse n'est-il pas rigoureusement juste que nous ne laissions pas mourir de faim ceux dont nous tenons la vie médiatement ou immédiatement? N'est-ce pas d'ailleurs une sorte de restitution que nous faisons alors à nos parents, envers lesquels, quoi que nous fassions, nous resterons toujours débiteurs. Parentibus alimenta non præstatis sed redditis. Iniquissimum enim quis dixerit patrem egere quum filius ejus abundaverit.

Entre parents l'obligation alimentaire se restreint aux ascendants et aux descendants. Elle n'existe pas, l'obligation légale tout au moins, entre les parents collatéraux même les plus proches, les frères et sœurs, les oncles ou tantes et neveux ou nièces.

567. II. L'obligation alimentaire existe aussi entre certains alliés. « Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circons» tances, des aliments à leurs beau-père et belle-mère; mais cette obliga» tion cesse, 1o lorsque la belle-mère a convolé en secondes noces; 2o lorsque » celui des époux qui produisait l'affinité, et les enfants issus de son » union avec l'autre époux, sont décédés. »

Mon gendre, gener, c'est le mari de ma fille.

Ma belle-fille ou bru, nurus, c'est la femme de mon fils.
Mon beau-père, socer, c'est le père de mon conjoint.

Ma belle-mère, socrus, c'est la mère de mon conjoint.

Les beau-père et belle-mère d'une part, gendre et bru d'autre part, sont alliés en ligne directe au premier degré c'est-à-dire au degré de père à fils. Les aliments sont dus par les beau-père et belle-mère à leurs gendres ou brus aussi bien que par ceux-ci aux premiers, car

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