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succession qui devait tomber dans la communauté en tout ou en partie; le mari a un intérêt pécuniaire évident à faire annuler cette renonciation; il le pourra même après la dissolution du mariage.

Par leurs héritiers (du mari et de la femme). Car ils succèdent à tous les droits de leur auteur, et peuvent par suite exercer l'action en nullité qu'ils trouvent dans sa succession.

*La femme ayant le plus souvent un intérêt pécuniaire à faire annuler les actes qu'elle a accomplis sans autorisation, il est sans difficulté que l'action en nullité peut lui survivre et être exercée le cas échéant par ses héritiers qui succèdent à tous ses droits.

* Quant au mari, il est clair que l'action en nullité ne peut lui survivre qu'autant qu'elle présentait pour lui un intérêt pécuniaire; car, en tant qu'elle est fondée sur un intérêt moral, le respect dû à l'autorité maritale, l'action en nullité s'éteint avec lui il ne peut pas être question après la mort du mari d'intenter une action tendant à faire respecter son autorité maritale. De là il résulte que ses héritiers ne pourront agir que dans les cas, assez rares d'ailleurs, où l'exercice de l'action présentait pour le mari et présentera pour eux un intérêt pécuniaire. En tant qu'elle offrirait un intérêt pécuniaire, l'action en nullité pourrait aussi être intentée par les créanciers des époux ou de leurs héritiers (arg., art. 4466).

Telles sont les seules personnes qui peuvent intenter l'action en nullité résultant du défaut d'autorisation. L'article 1125 contient une application de ce principe en ce qui concerne les contrats: la personne capable, qui a contracté avec une femme mariée non autorisée, ne peut pas se prévaloir de la nullité du contrat. De même la nullité, résultant de ce qu'une femme mariée a esté en justice sans autorisation, ne pourrait pas être invoquée par son adversaire qui a, on le suppose, perdu son procès. 626. 2o La nullité résultant du défaut d'autorisation est susceptible de se couvrir, comme le peuvent en général les nullités fondées sur des considérations d'intérêt privé. Comment se couvrira-t-elle ? Par la renonciation à l'action en nullité émanée de ceux auxquels cette action appartient. Cette renonciation a pour résultat de confirmer l'acte nul; aussi lui donne-t-on souvent le nom de confirmation ou ratification. La confirmation ou ratification peut être expresse ou tacite.

a). La confirmation est expresse quand elle résulte d'une déclaration de volonté faite expressis verbis. Il sera bon de se conformer pour cette confirmation aux prescriptions de l'article 1338, qui contient le Droit commun à cet égard.

La ratification expresse étant une renonciation à l'action en nullité, et nul ne pouvant renoncer qu'aux droits qui lui appartiennent, il en résulte :

D'une part que la ratification expresse ne peut émaner que du mari, de la femme ou de leurs héritiers, car à eux seuls appartient l'action en nullité.

Et d'autre part que la confirmation n'éteint cette action que par rapport à la personne dont elle émane. Elle est donc sans effet par rapport aux autres personnes qui auraient aussi l'action en nullité. De là résultent entre autres les conséquences suivantes :

a). La ratification qui émane du mari et de la femme tout à la fois, éteindra com

plétement l'action en nullité. Le mari doit être considéré comme ayant ratifié, quand la femme a ratifié avec son autorisation.

b). La ratification faite par la femme avec l'autorisation de la justice n'éteindra pas l'action en nullité du mari.

c). La ratification, opérée par le mari soit pendant le cours du mariage soit après sa dissolution, n'éteindra pas l'action en nullité de la femme ou de ses héritiers. Ce point toutefois est contesté.

b). La confirmation tacite peut résulter :

1° De l'exécution volontaire de l'acte nul par la femme (arg., art. 1338). Exécuter volontairement un acte qu'on pourrait se dispenser d'exécuter en le faisant annuler, c'est l'approuver, le ratifier.

Et toutefois, pour que cette ratification soit efficace, il faut que l'exécution volontaire d'où elle résulte ne soit pas ontachée du même vice que l'acte qu'elle a pour objet de confirmer. Si donc l'exécution volontaire a eu lieu pendant le cours du mariage et sans autorisation, la nullité de l'acte no sera pas couverte.

2o De la prescription de l'action en nullité. Elle s'accomplit par dix ans à compter de la dissolution du mariage (art. 1304). La loi considère que celui qui laisse écouler un aussi long délai sans intenter l'action en nullité qui lui appartient y a tacitement renoncé.

627. Une fois la nullité prononcée par la justice, tout est remis au même état que si l'acte annulé n'avait jamais existé. On applique la règle: Quod nullum est nullum producit effectum. Si donc il s'agit d'un contrat et que des prestations réciproques aient été effectuées par les parties, la femme aura droit à la restitution de tout ce qu'elle a payé en exécution de son engagement. Régulièrement aussi elle devrait restituer tout ce qu'elle a reçu; mais par une mesure de protection sans laquelle le droit de demander la nullité constituerait souvent pour elle un secours illusoire, la femme n'est tenue de restituer ce qu'elle a reçu que dans la mesure du profit qu'elle en a retiré : elle n'est tenue que quatenus locupletior facta est (art. 1312).

628. Observation. La femme mariée qui, dans le but de déterminer un tiers à contracter avec elle, emploierait des manœuvres frauduleuses pour se faire croire fille ou veuve (par exemple en produisant un faux acte de décès de son mari), se rendrait par là non recevable à intenter l'action en nullité pour défaut d'autorisation (arg., art. 1310). Mais il ne suffirait pas, pour que ce résultat se produisît, que la femme mariée se fût faussement déclarée fille ou veuve (arg., art. 1307). — En aucun cas d'ailleurs la fraude commise par la femme ne pourrait priver le mari de l'action en nullité qui lui appartient.

CHAPITRE VI

DE LA DISSOLUTION DU MARIAGE

629. La dissolution du mariage ne doit pas être confondue avec son annulation. En effet, d'une part les causes d'annulation sont antérieures ou au moins concomitantes à la célébration, tandis que les causes de dissolution prennent naissance postérieurement. D'autre part le mariage annulé est censé n'avoir jamais existé, et les effets qu'il a produits sont rétroactivement anéantis, sauf le cas d'un mariage putatif'; tandis qu'au contraire le mariage dissous a existé jusqu'au jour de sa dissolution, et les effets qu'il a produits sont maintenus.

630. Aux termes de l'article 227: « Le mariage se dissout: 1o par la » mort de l'un des époux; 2o par le divorce légalement prononcé; 3o par » la condamnation devenue définitive de l'un des époux à une peine > emportant mort civile. »

Le divorce a été aboli par la loi du 8 mai 1816, et la mort civile par la loi du 31 mai 1854. Il ne reste donc plus aujourd'hui qu'une seule cause de dissolution du mariage, savoir la mort de l'un des époux. Mors omnia solvit. L'absence de l'un des époux, quelque prolongée qu'elle soit, n'est pas une cause de dissolution du mariage. Quant à la séparation de corps, elle ne fait que relâcher les liens du mariage sans le dissoudre.

CHAPITRE VII

DES SECONDS MARIAGES

631. La rubrique de ce chapitre aurait dû être ainsi conçue : « Des seconds ou subséquents mariages. »

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◄ La femme ne peut contracter un nouveau mariage qu'après dix mois » révolus depuis la dissolution du mariage précédent » (art. 228). Ces dix mois, dits de viduité, doivent dans l'idée du législateur être consacrés à la mémoire du mari décédé. Leur durée est égale à trois cents jours. En effet, à l'époque où l'article 228 a été décrété, le calendrier républicain était encore en vigueur; or d'après ce calendrier tous les mois avaient une égale durée de 30 jours; dix mois signifiaient donc alors trois cents jours, et il est clair que cette signification n'a pas pu être changée par l'adoption d'un nouveau calendrier. D'ailleurs il est manifeste, comme on le verra bientôt, que le législateur a voulu fixer

un délai égal à celui des plus longues gestations; or ce délai est de trois cents jours (art. 312).

Quel est le fondement de la prohibition édictée par l'article 228? Elle est fondée sur un motif de convenance tout d'abord : il y aurait quelque indécence de la part de la femme veuve à trop se håter de contracter un nouveau lien. Elle a en outre pour but (c'est même le principal) d'empêcher la confusion de part (partus) ou turbatio sanguinis. Qu'on suppose une femme veuve qui se remarie un mois après la mort de son premier mari; huit mois après, elle devient mère; quel est le père de son enfant? Est-ce le mari décédé ou le nouveau mari? Il y a doute sur ce point, la présomption de la loi permettant d'attribuer l'enfant soit au premier soit au second mari (arg., art. 312). Ce doute, c'est la confusion de part, turbatio sanguinis; on l'empêche de naître en obligeant la femme à attendre dix mois avant de contracter un nouveau mariage.

Une femme veuve met un enfant au monde un mois après la mort de son premier mari; désormais la confusion de part n'est plus à craindre. Dirons-nous que cette femme peut se remarier de suite sans attendre l'expiration du délai de dix mois? Ou bien encore l'âge de la veuve lui enlève tout espoir de progéniture; elle a soixante ans par exemple. Pourrat-elle se remarier de suite? Il faut répondre négativement; car d'un côté la loi ne distingue pas, et d'un autre la crainte de la confusion de part n'est pas l'unique motif qui a fait édicter l'article 228; sa disposition est aussi fondée, comme on vient de le voir, sur une raison de convenance qui existe dans tous les cas.

632. On admet généralement que la prohibition écrite en l'article 228 s'appliquerait à la femme dont le mariage a été déclaré nul. La confusion de part, dit-on, peut être à craindre dans ce cas comme dans celui où le mariage est dissous par la mort du mari. Est-ce un motif suffisant pour étendre d'un cas à un autre une disposition qui déroge à un principe de Droit commun, celui de la liberté du mariage? La légitimité de l'extension serait déjà fort douteuse s'il y avait absolument les mêmes motifs de décider; à plus forte raison l'est-elle lorsque ces motifs ne se retrouvent qu'en partie. La confusion de part peut être à craindre, soit! Mais la raison de convenance existe-t-elle aussi, du moins au même degré ?

633. L'article 228 ne parle que de la femme veuve; il est donc inapplicable à l'homme veuf: un veuf peut songer à un nouveau mariage aussitôt après la mort de sa première femme. Pour justifier cette différence entre les veufs et les veuves, il ne suffit peut-être pas de dire avec Tacite Feminis lugere honestum est, viris meminisse; car, si les convenances sociales exigent qu'une veuve porte le deuil de son mari, elles ne dispensent pas le veuf de porter le deuil de son épouse.

La situation privilégiée que la loi fait ici au veuf s'explique par cette double considération d'une part que son nouveau mariage ne peut jamais donner lieu à la turbatio sanguinis, et d'autre part qu'il aura

souvent pour but de donner une nouvelle mère aux enfants en bas âge issus du mariage dissous plutôt qu'une nouvelle épouse à leur père.

634. On est à peu près d'accord pour décider que l'empêchement au mariage édicté par l'article 228 est simplement prohibitif; le mariage contracté par une veuve au mépris de cet empêchement ne serait donc pas nul. Les termes de la loi sont prohibitifs, il est vrai. Mais on a vu (supra, no 480) que les nullités de mariage sont régies par des règles tout à fait spéciales: il n'y a pas en cette matière de nullités sous-entendues, on n'en peut admettre d'autres que celles qui sont écrites dans un texte formel; or, ni dans le chapitre des nullités de mariage, ni ailleurs, le législateur ne prononce la nullité pour le cas qui nous occupe.

Mais alors la disposition de l'article 228 va se trouver sans aucune sanction, elle sera lettre morte! L'objection n'est pas fondée, elle trouve sa réponse dans les articles 194 et 195 du Code pénal, qui prononcent une forte amende contre l'officier de l'état civil qui se serait fait le complice de la violation de l'article 228.

635. Une femme, violant la prohibition de l'article 228, s'est remariée quelques mois après la mort de son premier mari; elle met au monde un enfant, qui naît à une époque telle que la présomption de la loi permet de l'attribuer soit au premier mari soit au deuxième, ce qui arrive quand l'enfant naît 480 jours au moins après la célébration du deuxième mariage et moins de trois cents jours après la dissolution du premier (arg., art. 312, 314 et 345). On demande quel est le père de l'enfant ? — Ce qu'il y a de bien certain, c'est qu'il ne peut pas appartenir aux deux maris à la fois. Et comme la présomption de la loi conduit cependant à ce résultat, il faut en conclure que cette présomption doit être mise de côté, et que la question sera une question de fait à résoudre par le juge suivant les circonstances de la cause.

D'après une autre opinion qui compte un certain nombre de partisans, l'enfant aurait en pareil cas deux filiations entre lesquelles il pourrait choisir suivant son intérêt; de même que celui auquel les dispositions de la loi attribuent plusieurs nationalités peut choisir celle qui lui plait. Mais il existe à notre avis une objection grave contre cette solution. Il n'y a rien de déraisonnable à laisser à une personne dans telle hypothèse le choix de sa nationalité, parce que la volonté de l'homme joue un rôle important dans l'acquisition de la nationalité; tandis qu'au contraire cette volonté ne joue et ne peut jouer aucun rôle dans le règlement de la filiation. Un homme peut dans une certaine mesure et sous certaines conditions choisir sa patrie; conçoit-on qu'il puisse choisir son père?

TITRE V

Du divorce.

636. Le divorce est la rupture du mariage prononcée par la justice sur la demande des époux ou de l'un d'eux et pour les causes que la loi détermine.

Notre ancien Droit n'admettait pas le divorce, ce qui s'explique tout naturellement par la confusion qui existait alors entre le domaine de la loi religieuse et celui de la loi civile: on sait que la religion catholique

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