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C'est sur le registre des naissances que l'adoption doit être inscrite; l'adoption est une sorte de naissance civile. Que doit-on inscrire sur ce registre? l'acte d'adoption passé devant le juge de paix. C'est du moins ce qu'on peut induire de l'article 359, d'après lequel cette inscription doit avoir lieu « sur le vu d'une expédition en forme du jugement de la cour d'appel... » Donc ce n'est pas, comme le prétendent cependant quelques auteurs, ce jugement ou mieux cet arrêt qui doit être inscrit. Enfin aux termes de l'article 360: « Si l'adoptant venait à mourir > après que l'acte constatant la volonté de former le contrat d'adoption a » été reçu par le juge de paix et porté devant les tribunaux, et avant que » ceux-ci eussent définitivement prononcé, l'instruction sera continuée et > l'adoption admise, s'il y a lieu. Les héritiers de l'adoptant pourront, » s'ils croient l'adoption inadmissible, remettre au procureur du Roi tous » mémoires et observations à ce sujet. »

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Cet article ne prévoit que le cas où c'est l'adoptant qui vient à mourir après la réception du contrat par le juge de paix et avant l'accomplissement des formalités prescrites pour sa perfection. Que décider, si c'est l'adopté? La plupart du temps en pareil cas personne n'aura d'intérêt à ce que l'adoption devienne parfaite: ni l'adoptant parce qu'il n'a aucun droit sur la succession de l'adopté, ni les descendants de l'adopté parce qu'ils n'ont aucun droit sur la succession de l'adoptant. On s'explique ainsi tout naturellement que la loi, qui statue toujours de eo quod plerumque fit, n'ait pas prévu une question qui ne sera presque jamais soulevée, celle de savoir s'il peut y avoir lieu de continuer l'instruction pour faire acquérir au contrat d'adoption sa perfection. Nous le répétons, en règle générale personne n'y aura intérêt, et personne ne le demandera. Mais si exceptionnellement cet intérêt se présentait, on ne voit pas pourquoi les intéressés ne pourraient pas agir. On peut citer comme exemple le cas où l'adopté, ayant survécu à l'adoptant, est mort lui-même avant l'accomplissement des formalités nécessaires à la perfection de l'adoption. Ses héritiers ont intérêt à ce que l'adoption devienne parfaite; car alors l'adopté sera considéré comme ayant été l'héritier de l'adoptant, et leur aura transmis la succession de celui-ci confondue dans la sienne.

CHAPITRE II

DE LA TUTELLE OFFICIEUSE

791. On peut définir la tutelle officieuse: un acte juridique, par lequel une personne, en se soumettant aux obligations de la tutelle ordinaire, s'impose de plus l'obligation de nourrir gratuitement son pupille, de l'élever et de le mettre en état de gagner sa vie, le tout en vue de l'adopter plus tard.

On voit par cette définition que la tutelle officieuse est destinée à servir de préparation à l'adoption; c'est en effet dans ce but que le législateur l'a instituée. Mais il ne suffit pas de décréter une institution pour la faire passer dans les mœurs. La tutelle officieuse est à peu près in

connue dans la pratique. Le motif en est facile à découvrir la bienfaisance aime à s'exercer librement. Celui qui se propose d'adopter un enfant doit lui fournir des soins non interrompus durant six années au moins de sa minorité; mais il aimera mieux le faire spontanément que de s'y obliger à l'avance par un titre légal.

792. Conditions requises pour la tutelle officieuse. Il y a des conditions de fond et des conditions de forme.

Les premières sont indiquées par les articles 361, 362 et 364, ainsi conçus :

« Tout individu dgé de plus de cinquante ans, et sans enfants ni descendants légitimes, » qui voudra, durant la minorité d'un individu, se l'attacher par un titre légal, pourra » devenir son tuteur officieux, en obtenant le consentement des père et mère de l'enfant, » ou du survivant d'entre eux, ou, à leur défaut, d'un conseil de famille, ou enfin, si » l'enfant n'a point de parents connus, en obtenant le consentement des administrateurs » de l'hospice où il aura été recueilli, ou de la municipalité du lieu de sa résidence » (art. 361).

« Un époux ne peut devenir tuteur officieux qu'avec le consentement de l'autre con» joint» (art. 362).

« Cette tutelle ne pourra avoir lieu qu'au profit d'enfants âgés de moins de quinze ans » (art. 354).

Les conditions de forme sont indiquées par l'article 363: « Le juge de paix du » domicile de l'enfant dressera procès-verbal des demandes et consentements relatifs à la » tutelle officieuse ».

793. Effets de la tutelle officieuse.

-

Ils sont en principe les mêmes que ceux de la tutelle ordinaire. Le tuteur a donc le gouvernement de la personne et d es biens du mineur. C'est ce qui résulte des articles 335 et 370 ainsi conçus :

« Si le pupille a quelque bien, et s'il était antérieurement en tu'el'e, l'ad ninistration de » ses biens, comme celle de sa personne, passera au tuteur officieux, qui ne pourra néan

» moins imputer les dépenses de l'éducation sur les revenus du pupille » (art. 369).

« Le tuteur officieux qui aurait eu l'administration de quelques biens pupillaires en » devra rendre compte dans tous les cas » (art. 370).

Les autres effets sont indiqués par les articles 364 al. 2, 366, 367, 368 et 369 que nous nous bornerons à transcrire :

«Elle emportera avec soi, sans préjudice de toutes stipulations particulières, l'obliga» tion de nourrir le pupille, de l'élever, de le mettre en état de gagner sa vie » (art. 364 al. 2).

« Si le tuteur officieux après cinq ans révolus depuis la tutelle, et dans la prévoyance de » son décès avant la majorité du pupille, lui confère l'adoption par acte testamentaire, » celle disposition sera valable, pourvu que le tuteur officieux ne laisse point d'enfants » légitimes» (art. 366).

« Dans le cas où le tuteur officieux mourrait, soit avant les cinq ans, soit après ce » temps, sans avoir adopté son pupille, il sera fourni à celui-ci durant sa minorité des » moyens de subsister, dont la quotité et l'espèce, s'il n'y a été antérieurement pourvu par » une convention formelle, seront réglées soit amiablement entre les représentants respectifs » du tuleur et du pupille, soit judiciairement en cas de contestation » (art. 367).

« Si, à la myorité du pupille, son tuteur officieux veut l'adopter, et que le premier Y » consente, il sera procédé à l'adoption selon les formes prescrites au chapitre précédent, » et les effets en seront, en tous points, les mêmes » (art. 368).

«Si, dans les trois mois qui suivront la majorité du pupille, les réquisitionspar lui faites » à son tuleur officieux, à fin d'adoption, sont restées sans effet, et que le pupille ne se » trouve point en état de gagner sa vie, le tuteur officieux pourra être condamné à indem

» niser le pupille de l'incapacité où celui-ci pourrait se trouver de pourvoir à sa subsistance.— » Cette indemnité se résoudra en secours propres à lui procurer un métier; le tout sans pré»judice des stipulations qui auraient pu avoir lieu dans la prévoyance de ce cas » (art. 369). 794. Parallèle entre la tutelle ordinaire et la tutelle officieuse.

4o La tutelle ordinaire est imposée par la loi; on ne peut s'y soustraire, sauf dans les cas qu'elle détermine. Au contraire la tutelle officieuse est purement volontaire. 2o Le tuteur officieux est tenu de nourrir, entretenir et élever à ses frais son pupille et de le mettre en état de gagner sa vie. Ces obligations n'incombent pas au tuteur ordinaire. Tutor de suo alere pupillum non compellitur.

3o Les femmes, qui sont en principe frappées de l'incapacité de gérer une tutelle ordinaire (art. 442), ne sont pas frappées de la même incapacité en ce qui concerne la tutelle officieuse.

TITRE IX

De la puissance paternelle

795. Dans les titres qui précèdent le législateur s'est occupé de la constitution de la famille. Dans celui à l'étude duquel nous arrivons et dans le suivant, il va s'occuper du pouvoir domestique qui s'exerce sous forme de puissance paternelle ou de tutelle sur des enfants mineurs.

La puissance paternelle et la tutelle constituent deux mesures de protection pour le mineur non émancipé. Il n'y a lieu qu'à la première pour celui qui a encore ses père et mère. La mort de l'un des deux donne ouverture à la seconde sans mettre fin pour cela à la première. Le mineur non émancipé est donc à dater de cet événement soumis à une double puissance : la puissance paternelle et la puissance tutélaire. La puissance paternelle appartient toujours en principe au survivant des père et mère, et la puissance tutélaire lui appartient le plus souvent. 796. Historique. - Dans notre ancien Droit il y avait une grande divergence de vues, relativement au caractère de la puissance paternelle, entre la législation des pays de Droit écrit et celle des pays de coutume.

Dans les pays de Droit écrit, la puissance paternelle était accordée au père à l'exclusion de la mère; elle y était considérée comme un droit pour le père, et organisée par suite dans son intérêt beaucoup plus que dans celui de l'enfant. C'était la puissance paternelle du Droit romain avec le caractère de dureté et d'austérité qui la distingue dans cette législation, mitigée toutefois par quelques adoucissements dus à la force irrésistible de l'usage ou à la jurisprudence des parlements. C'est ainsi que la législation de nos pays de Droit écrit admettait dans son dernier état divers cas d'émancipation tacite, et principalement l'émancipation résultant du mariage.

Dans les pays de coutume au contraire, la puissance paternelle était regardée comme un droit pour l'enfant, et pour le père comme un devoir plutôt que comme un droit. Aussi y était-elle organisée surtout dans l'intérêt de l'enfant, et attribuée collectivement au père et à la mère qui sont ses deux protecteurs naturels, avec cette restriction toutefois que pendant le mariage le père seul en avait l'exercice. « Ce n'était, dit Demante, qu'une sorte d'autorité tutélaire, consistant dans le

gouvernement de la personne et des biens des enfants hors d'état par leur âge de se gouverner eux-mêmes et de pourvoir à leurs intérêts. » Ce rôle, tout de protection, des père et mère était assez mal désigné par l'expression puissance paternelle, et c'est là sans doute l'idée qu'exprimait cet adage admis dans quelques pays coutu miers Droit de puissance paternelle n'a lieu.

Sauf quelques modifications, c'est le système admis dans les pays de coutume que notre législateur a reproduit. L'expression puissance paternelle, qui figurait dans la rédaction primitive de plusieurs articles de notre titre, en a été supprimée après discussion et remplacée par le mot autorité (art. 372 et 373). Elle est demeurée cependant dans l'intitulé de notre titre, sans qu'il soit bien facile d'expliquer pourquoi; car on avait aussi proposé à plusieurs reprises de le modifier sur ce point.

797. On peut définir la puissance paternelle l'ensemble des droits que la loi accorde aux père et mère sur la personne et sur les biens de leurs enfants jusqu'à la majorité ou l'émancipation de ceux-ci. La puissance paternelle a principalement pour but de faciliter aux parents l'accomplissement du devoir d'éducation dont ils sont tenus vis-à-vis de leurs enfants.

D'après cette définition, qui est calquée sur les articles 374-373, la puissance paternelle n'appartient qu'aux père et mère, jamais aux autres ascendants, dont les articles de notre titre affectent de ne pas parler; et d'autre part la puissance paternelle prend fin à la majorité ou à l'émancipation de l'enfant. On a donc tort de rattacher à cette puissance, soit les droits que la loi accorde aux ascendants autres que les père et mère sur la personne ou sur les biens de leurs enfants, soit ceux qu'elle accorde aux père et mère eux-mêmes et qui survivent à la majorité ou à l'émancipation de l'enfant; tels sont notamment, le droit de consentir au mariage de l'enfant, le droit d'y former opposition, celui de réclamer des aliments, d'accepter des donations entre-vifs faites à l'enfant (art. 935) et enfin le droit de tutelle (art. 390, 402 et s.).

798. Les règles de la puissance paternelle varient suivant que cette puissance s'exerce sur des enfants légitimes ou sur des enfants naturels.

§ I. De la puissance paternelle sur les enfants légitimes.

799. Aux termes de l'article 371 : « L'enfant à tout âge doil honneur » et respect à ses père et mère ». C'est là un précepte purement moral que le législateur a cru devoir placer au frontispice de son œuvre, sans doute pour nous montrer quel est le principe dont il s'inspire en cette matière.

Mais il ne faut pas tirer de l'article 371 d'autres conséquences pratiques que celles que la loi en a déduites elle-même. C'est ainsi qu'un fils créancier de son père peut recourir aux voies ordinaires d'exécution pour obtenir le paiement de ce qui lui est dû, le père dût-il être ruiné par les poursuites du fils. La loi morale commandera souvent au fils d'user de plus de ménagement à l'égard de son père que vis-à-vis des autres débiteurs; mais la loi civile ne fait pas ces distinctions. De même un fils pourrait exercer contre son père une action dite déshonorante. Et c'est au surplus ce qui résulte par argument de l'article 380 P., qui autorise un fils victime d'un vol

commis par son père à exercer contre celui-ci une action civile en réparation du préjudice causé.

800. Aux termes de l'article 372 : « Il (l'enfant) reste sous leur autorité > jusqu'à sa majorité ou son émancipation. »

Sous leur autorité. Donc la puissance paternelle appartient collectivement au père et à la mère. Mais, pour qu'il y ait plus d'unité dans la direction des intérêts moraux et matériels de l'enfant, la loi a cru devoir en attribuer l'exercice exclusif au père. C'est ce que dit l'article 373: « Le père exerce seul cette autorité durant le mariage ». Quand donc la mère sera-t-elle appelée à l'exercice de la puissance paternelle? En principe, ce ne sera qu'après la dissolution du mariage par la mort du mari; pendant le mariage son droit sommeille. Exceptionellement la mère peut être appelée à exercer la puissance paternelle pendant le mariage lorsque le père est dans l'impossibilité physique, morale ou légale de l'exercer.

Le mari est dans l'impossibilité physique d'exercer la puissance paternelle, quand il est absent, quand il a disparu, comme le dit l'article 141.

Dans l'impossibilité morale, quand il est fou sans être interdit.

Dans l'impossibilité légale 1o quand il est interdit judiciairement ; 2o quand il est interdit légalement; 3o quand il a été condamné pour avoir excité, favorisé ou facilité la prostitution ou la corruption de son enfant; l'article 332, P. dit à ce sujet: « Si le délit a été commis par le père ou la mère, le coupable sera de plus privé des droits et avantages à lui accordés sur la personne et sur les biens de l'enfant par le Code Napoléon, livre I, titre IX, de la Puissance paternelle ».

...

L'interprétation restrictive qui doit toujours être admise en matière pénale conduit à décider, bien que ces solutions soient peu satisfaisantes: d'une part que le père ou la mère qui, ayant plusieurs enfants, en corrompt ou prostitue un seul ou quelques-uns, ne sera pas déchu de l'exercice de la puissance paternelle par rapport aux autres (argument des mots sur la personne et sur les biens DE L'ENFANT); et d'autre part que, même vis-à-vis de l'enfant ou des enfants qu'il a prostitués ou corrompus le père ou la mère ne sera pas déchu de tous les attributs de la puissance paternelle, mais seulement de ceux « à lui accordés... par le titre IX de la Puissance paternelle. » Notamment il ne serait pas déchu du droit d'administration légale qui lui est accordé par l'article 389.

Nous disons que, dans tous les cas qui viennent d'être indiqués, la mère est appelée à exercer la puissance paternelle au lieu et place du père. En effet l'article 372 attribue la puissance paternelle à la mère aussi bien qu'au père, et le seul obstacle légal qui s'oppose à ce qu'elle l'exerce durant le mariage vient de ce que l'article 373 en confère l'exercice exclusif au père. Cet obstacle cessant lorsque le père est incapable d'exercer la puissance paternelle, son effet doit naturellement cesser.

801. Les attributs de la puissance paternelle sur les enfants légiti

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