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Ce n'est que l'application de ce principe que celui qui invoque un fait à l'appui de sa demande doit prouver ce fait, s'il est contesté. Probatio incumbit ei qui dicit, non ei qui negat.

Aux termes de l'article 430: « Les citoyens de la qualité exprimée aux > articles précédents, qui ont accepté la tutelle postérieurement aux fonctions, services ou missions qui en dispensent, ne seront plus admis à » s'en faire décharger pour cette cause. » En acceptant la tutelle à une époque où ils étaient investis d'une fonction dont ils auraient pu se prévaloir pour la refuser, ils sont censés avoir renoncé au bénéfice de l'excuse.

Autre est le cas où la fonction invoquée à titre d'excuse aurait été conférée au tuteur postérieurement à l'acceptation et gestion de la tutelle. On lit à cet égard dans l'article 431: « C'eux, au contraire, à > qui lesdites fonctions, services ou missions auront été conférés posté> rieurement à l'acceptation et gestion d'une tutelle, pourront, s'ils ne » veulent la conserver, faire convoquer dans le mois un conseil de famille, > pour y être procédé à leur remplacement. Si, à l'expiration de ces » fonctions, services ou missions, le nouveau tuteur réclame sa décharge, » ou que l'ancien redemande la tutelle, elle pourra lui être rendue par le > conseil de famille. »

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II. LA QUALITÉ D'ÉTRANGER A LA FAMILLE LORSQU'IL EXISTE DANS UN RAYON RAPPROCHÉ UN PARENT OU UN ALLIÉ EN ÉTAT DE GÉRER LA TUTELLE. «Tout citoy en non parent ni allié ne peut être forcé d'accepter la tutelle, » que dans le cas où il n'existerait pas, dans la distance de quatre myria» mètres, des parents ou alliés en état de gérer la tutelle » (art. 432).

Si la tutelle est une charge publique, munus publicum, elle est avant tout une charge de famille. Il convient donc que les étrangers à la famille n'en soient tenus que subsidiairement.

Remarquez que la qualité d'étranger à la famille est une excuse a suscipienda tutela, mais non a suscepta tutela, (argument des mots: « ne peut être forcé d'accepter la tutelle»). Un tuteur étranger à la famille ne pourrait donc pas se faire décharger d'une tutelic dont il a commencé la gestion, sur ce fondement qu'un parent ou un allié en état de gérer la tutelle est venu se fixer dans le rayon déterminé par notre article. La loi dit tout citoyen non parent ni allié. Donc la cause d'excuse qui nous occupe ne peut pas être invoquée par un parent ou un allié. Le parent ou l'allié, qui a été investi par le conseil de famille des fonctions de tuteur, ne peut pas refuser la tutelle parce qu'il existe dans le rayon déterminé par notre article un parent ou un allié plus proche que lui en état de gérer la tutelle. La loi veut que le conseil de famille ait une certaine latitude pour le choix du tuteur.

III. LA VIEILLESSE. « Tout individu âgé de soixante-cinq ans accomplis peut refuser d'être tuteur. Celui qui aura été nommé avant cet age pourra, à soixante-dix ans, se faire décharger de la tutelle» (art 433). Le vieillard, qui, ayant soixante-cinq ans accomplis, a néanmoins accepté la tutelle dont il aurait pu se faire excuser, aura le droit de demander à en être déchargé à soixante-dix ans accomplis.

IV. LES INFIRMITÉS GRAVES. - « Tout individu atteint d'une infirmité » grave et dûment justifiée, est dispensé de la tutelle. Il pourra même » s'en faire décharger, si cette infirmité est survenue depuis sa nomina» tion» (art. 431).

Les infirmités sont donc une cause d'excuse, non-seulement a suscipienda, mais aussi a suscepta tutella. Elles doivent être graves, ce qui est une question de fait à apprécier par le conseil de famille juge des

excuses.

La loi entend désigner ici sous le nom d'infirmités des affections permanentes, telles que la cécité, la surdité..., et non une maladie dont on pourrait prévoir le terme normal.

Celui qui, étant atteint d'une infirmité grave, a néanmoins accepté la tutelle qu'il aurait pu refuser, pourra plus tard s'en faire décharger, si l'infirmité, s'étant aggravée, lui a rendu le fardeau de la tutelle intolérable.

V. LE NOMBRE DES TUTELLES. « Deux tutelles sont, pour toutes per» sonnes, une juste dispense d'en accepter une troisième. Celui qui,

» époux ou père, sera déjà chargé d'une tutelle, ne poura être tenu d'en > accepter une seconde, excepté celle de ses enfants ».

Deux tutelles, c'est-à-dire deux patrimoines à gérer. L'excuse établie par notre article ne pourrait donc pas être invoqué par celui qui serait tuteur de plusieurs frères, entre lesquels le partage de la succession paternelle ou maternelle n'aurait pas encore été effectué.

On voit par l'alinéa 2 de notre article que la loi considère la qualité de père ou celle d'époux comme valant une tutelle, parce que celui qui est époux ou père pourra être appelé plus tard à être tuteur de ses enfants nés ou à naître. Le législateur compte cette éventualité comme une réalité.

La loi ne distinguant pas, il y a lieu de décider :

a). Que la qualité de père devrait être considérée comme équivalente à une tutelle alors même que tous les enfants seraient majeurs. D'ailleurs le père peut être appelé à être tuteur de ces enfants au cas où ils seraient plus tard frappés d'interdiction. b). Que la qualité d'époux pourrait être invoquée comme équivalente à une tutelle, même par celui dont la femme est d'un âge trop avancé pour pouvoir lui donner des enfants.

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VI. LE NOMBRE DES ENFANTS. « Ceux qui ont cinq enfants légitimes » sont dispensés de toute tutelle autre que celle desdits enfants. Les » enfants morts en activité de service dans les armées du Roi seront tou»jours comptés pour opérer cette dispense. Les autres enfants morts ne seront comptés qu'autant qu'ils auront eux-mêmes laissé des enfants > actuellement existants » (art. 438).

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Cinq enfants légitimes. Donc les enfants naturels ne comptent pas. Les enfants simplement conçus ne comptent pas non plus suivant l'opinion générale. En effet la fiction que l'enfant conçu est considérée comme déjà né, n'est éta

blie que dans l'intérêt de l'enfant. Infans conceptus pro nato habetur, quoties de commodis ejus agitur. Or l'intérêt de l'enfant à naître est ici tout à fait hors de cause.

Aux termes de l'article 437 : « La survenance d'enfants pendant la > tutelle ne pourra autoriser à l'abdiquer ».

VII. LE SEXE. Cette cause d'excuse est prévue par l'article 394 déjà expliqué, qui permet à la mère de refuser la tutelle que l'article 390 lui défère de plein droit. Cette cause d'excuse semble devoir être étendue par analogie aux ascendantes, qui seraient nommées tutrices par le conseil de famille ainsi que le permet l'article 442-3°

877. Telles sont les excuses légales. Il y a aussi les excuses dites de fait; elles sont fondées sur des causes non prévues par la loi, par exemple l'ignorance du tuteur. Quelle est la valeur de ces excuses?

D'après la jurisprudence, qui est approuvée sur ce point par la majorité des auteurs, le conseil de famille, juge des excuses, aurait un pouvoir discrétionnaire pour les admettre ou les rejeter, tandis qu'il est obligé d'admettre toute excuse légale dont l'existence est prouvée.

878. Du délai accordé au tuteur pour proposer ses excuses. -«Si le tuteur nommé est présent à la délibération qui lui défère la tutelle, > il devra sur-le-champ, et sous peine d'être déclaré non recevable dans » toute réclamation ultérieure, proposer ses excuses, sur lesquelles le » conseil de famille délibèrera » (art. 438).

» sur ses excuses.

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« Si le tuteur nommé n'a pas assisté à la délibération qui lui a déféré › la tutelle, il pourra faire convoquer le conseil de famille pour délibérer Ses diligences à ce sujet devront avoir lieu dans le > délai de trois jours, à partir de la notification qui lui aura été faite de > sa nomination; lequel délai sera augmenté d'un jour par trois myria» mètres de distance du lieu de son domicile à celui de l'ouverture de la » tutelle: passé ce délai, il sera non recevable » (art. 439).

Passé ce délai, il sera non recevable. La loi considère en pareil cas le tuteur comme ayant tacitement renoncé au bénéfice de l'excuse, et c'est pourquoi elle le déclare déchu du droit de s'en prévaloir.

D'après une opinion fort accréditée, la même déchéance devrait être appliquée par voie d'analogie au tuteur légitime ou au tuteur testamentaire, qui a laissé passer sans proposer ses excuses le délai d'un mois à dater du jour où il a eu connaissance de l'événement qui l'a investi de la tutelle. Mais on étend ainsi au tuteur légitime et au tuteur testamentaire une déchéance, que nos articles ne prononcent que contre le tuteur datif. Or il est constant que les dispositions qui établissent des déchéances n'admettent pas l'interprétation extensive. Nous préférerions dire que, dans le silence de la loi, il y aura lieu d'appliquer le Droit commun au tuteur légitime et au tuteur testamentaire, et que par suite le conseil de famille aura toute latitude pour apprécier, d'après les circonstances, si la conduite du tuteur implique une renonciation tacite au bénéfice de l'excuse.

879. Voies de recours..— « Si ses excuses sont rejetées, il pourra se >pourroir devant les tribunaux pour les faire admettre, mais il sera, » pendant le litige, tenu d'administrer provisoirement » (art. 440).

C'est devant le tribunal de première instance que le tuteur devra se pourvoir, sauf l'appel (art. 889, Pr.).

Quelle que soit la décision qui terminera définitivement le débat, elle aura un effet rétroactif au jour où le tuteur a été investi de la tutelle. De là il résulte que, si le tuteur réussit en définitive à faire admettre ses excuses, il sera censé n'avoir jamais été tuteur; par suite la gestion intérimaire qu'il aura accomplie en exécution de notre article, ne sera pas considérée comme une tutelle, et elle n'entraînera contre lui ni l'hypothèque légale de l'article 2121 ni les incapacités dont la loi frappe les tuteurs.

Enfin aux termes de l'article 441 : « S'il parvient à se faire exempter » de la tutelle, ceux qui auront rejeté l'excuse pourront être condamnés auz » frais de l'instance. S'il succombe, il sera condamné lui-même. »

SECTION VII

DE L'INCAPACITÉ, DES EXCLUSIONS ET DESTITUTIONS DE LA TUTELLE 880. Les causes d'incapacité, d'exclusion et de destitution de la tutelle s'appliquent aussi à la subrogée tutelle (arg., art. 426, al. 1).

D'un autre côté, la loi traite ici accidentellement des causes qui interdisent l'entrée dans le conseil de famille. Elles sont à peu près les mêmes que les causes d'incapacité, d'exclusion et de destitution de la tutelle.

L'incapacité d'être tuteur diffère profondément de l'excuse. Cette dernière suppose l'aptitude à être tuteur: celui au profit duquel existe une cause d'excuse peut être tuteur s'il le veut; il lui suffit pour cela de renoncer au bénéfice de l'excuse. Au contraire l'incapable ne peut pas être tuteur alors même qu'il le voudrait, parce qu'il n'a pas l'aptitude requise pour remplir cette fonction.

Il ne faut pas confondre non plus l'incapacité avec l'exclusion ou la destitution. L'incapacité est fondée sur des causes étrangères à la volonté de l'incapable, telles que la minorité, le sexe, l'interdiction; elle ne saurait donc rien avoir de déshonorant pour lui. L'exclusion et la destitution ont au contraire pour causes des faits personnels plus ou moins répréhensibles, tels que l'inconduite notoire, une gestion infidèle. L'exclusion ou la destitution porte donc toujours une atteinte plus ou moins grave à l'honneur et à la considération du tuteur.

L'exclusion et la destitution, qui se ressemblent au point de vue de la note d'infamie qu'elles infligent au tuteur, se ressemblent aussi, ou plutôt s'identifient au point de vue de leurs causes: il résulte en effet des articles 446 et 417 que les causes d'exclusion et les causes de destitution sont les mêmes. Elles diffèrent en ce que l'exclusion est une mesure préventive, tandis que la destitution est une mesure répressive; on exclut le tuteur qui n'a pas encore commencé à gérer la tutelle laquelle il est appelé, on destitue un tuteur en exercice.

I. Des causes d'incapacité.

881. La Cour de cassation a raison d'établir en principe: qu'il n'y a pas d'autres incapacités d'être tuteur ou subrogé tuteur que celles qui résultent d'un texte formel de loi. Ici comme ailleurs, la capacité est la règle générale, l'incapacité l'exception et il n'y a pas d'exception sans texte. On peut ajouter que les dispositions de la loi, qui édictent les incapacités d'être tuteur, doivent, comme toutes celles qui dérogent au Droit commun, être interprétées d'une manière restrictive.

Les causes d'incapacité, soit en ce qui concerne la tutelle, soit en ce qui concerne l'entrée au conseil de famille, sont énumérées par l'article 442, ainsi conçu : « Ne peuvent être tuteurs, ni membres des conseils de »famille: 1o les mineurs, excepté le père ou la mère; - 2o les interdits; » — 3o les femmes, autres que la mère et les ascendantes; — 4o tous ceux » qui ont ou dont les père ou mère ont avec le mineur un procès dans lequel > l'état de ce mineur, sa fortune, ou une partie notable de ses biens, sont > compromis ».

En tout, quatre causes d'incapacité. Etudions-les.

Sont incapables:

1o Les mineurs, excepté le père ou la mère. Celui qui est incapable à raison de son âge de se défendre et de se protéger lui-même, ne pouvait pas être appelé à défendre et à protéger un autre incapable. L'exception établie au profit du père et de la mère se justifie facilement : leur affection pour le mineur suppléera à l'inexpérience de leur âge. Nullus est affectus qui vincat paternum aut maternum.

2o Les interdits. La loi veut parler ici des interdits judiciairement ; elle atteint les interdits légalement par une autre disposition, celle de l'article 443. Les interdits judiciairement sont incapables d'être tuteurs, parce qu'ils ne sont pas compotes mentis.

3o « Les femmes, autres que la mère et les ascendantes ». Tutela est virile munus. Les femmes ont en général peu d'expérience des affaires; on ne devait donc pas en principe leur confier la gestion des affaires d'autrui. L'exception établie au profit de la mère et des ascendantes se justifie d'elle même: leur affection pour le mineur suppléera à leur inexpérience.

Remarquez que la mère, quand elle est appelée à la tutelle, est tutrice de droit (art. 390). Les ascendantes au contraire ne sont jamais tutrices de droit (arg.,art. 402-404 et de ces mots de l'article 405: sans ascendants mâles); mais elles peuvent être nommées tutrices par le conseil de famille.

4° « Tous ceux qui ont ou dont les père ou mère ont avec le mineur un procès dans lequel l'état de ce mineur, sa fortune ou une partie notable de

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