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ses biens sont compromis. » Il y a en pareil cas une telle opposition d'intérêts entre le tuteur et le mineur, que la loi craint de ne pas trouver dans le tuteur un représentant impartial des intérêts du mineur, nonseulement pour le procès dont il s'agit, mais pour tous les autres actes de la tutelle. De là l'incapacité dont la loi le frappe.

II. Des causes d'exclusion et de destitution de la tutelle.

882. Les causes d'exclusion de la tutelle sont les mêmes que les causes de destitution. Elles sont énumérées limitativement par les articles 443 et 444, ainsi conçus: « La condamnation à une peine aflictice » ou infamante emporte de plein droit l'exclusion de la tutelle. Elle em » porte de même la destitution, dans le cas où il s'agirait d'une tutelle an»térieurement déférée » (art. 443). « Sont aussi exclus de la tutelle, et » même destituables, s'ils sont en exercice : ·1° les gens d'une inconduite » notoire; -2° ceux dont la gestion attesterait l'incapacité ou l'infidé»lité (art. 444).

Il y a donc trois causes d'exclusion ou de destitution :

1o La condamnation à une peine aflictice ou infamante. Celui qui a été flétri par une condamnation aussi grave est indigne de gérer une tutelle. Aussi la loi dit-elle qu'il sera de plein droit exclu de toute tutelle, et que, s'il gérait une tutelle lors de sa condamnation, il en sera de plein droit destitué.

La disposition de l'article 443 a été modifiée en deux sens différents par le Code pénal. Voyez les articles 34-4° et 42-6o de ce Code.

2o Inconduite notoire. Cette expression fait allusion au désordre des mœurs. Il est difficile d'admettre avec plusieurs auteurs qu'elle comprend en outre le désordre dans les affaires; la mauvaise gestion n'est pas une inconduite. La loi, ainsi qu'on va le voir à l'instant même, considère bien la mauvaise gestion comme constituant une cause d'exclusion de la tutelle, mais seulement quand elle est le fruit de l'incapacité. - Pour être une cause d'exclusion ou de destitution de la tutelle, l'inconduite doit être notoire. La notoriété est une circonstance aggravante de l'inconduite, parce qu'elle suppose l'absence de toute pudeur.

3o Gestion attestant l'incapacité ou l'infidélité. Quand un homme a déjà fait preuve d'incapacité ou d'infidélité dans la gestion de ses affaires ou de celles d'autrui, il serait dangereux de lui confier une tutelle. Et si c'est dans la gestion même de la tutelle dont il est chargé qu'il s'est montré incapable ou infidèle, il convient de lui retirer cette tutelle.

Dans les deux cas prévus par l'article 444: inconduite notoire, gestion attestant l'incapacité ou l'infidélité, l'exclusion ou la destitution du tuteur n'a pas lieu de plein droit, car il y a nécessairement place à une appréciation. Il faudra donc que l'exclusion soit prononcée. Par qui? par le conseil de famille, juge de Droit commun en toutes ces matières.

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On lit à ce sujet dans l'article 446: « Toutes les fois qu'il y aura lieu à » une destitution de tuteur, elle sera prononcée par le conseil de famille, » convoqué à la diligence du subrogé tuteur, ou d'office par le juge de » paix. Celui-ci ne pourra se dispenser de faire cette convocation, quand elle sera formellement requise par un ou plusieurs parents et » alliés du mineur, au degré de cousin germain ou à des degrés plus » proches ».

Et l'article 447 ajoute: « Toute délibération du conseil de famille qui » prononcera l'exclusion ou la destitution du tuteur sera motivée, et ne > pourra être prise qu'après avoir entendu ou appelé le tuteur ».

En général les délibérations du conseil de famille ne doivent pas être motivées. La loi déroge ici à cette règle, afin que, si le tuteur interjette appel, comme il en a le droit, de la décision du conseil de famille qui l'a exclu ou destitué, le tribunal puisse apprécier si cette décision était fondée.

Le conseil de famille ne peut pas prononcer l'exclusion ou la destitution du tuteur sans l'avoir préalablement entendu ou appelé. Le tuteur doit être mis à même de se défendre. Nemo inauditus condemnetur.

«Si le tuteur adhère à la délibération, il en sera fait mention, et le nou> veau tuteur entrera aussitôt en fonctions. S'il y a réclamation, le su» brogé tuteur poursuivra l'homologation de la délibération devant le tribu»nal de première instance, qui prononcera sauf l'appel. - Le tuteur exclu ou destitué peut lui-même, en ce cas, assigner le subrogé tuteur pour se › faire déclarer maintenu en la tutelle » (art. 448). « Les parents ou alliés > qui auront requis la convocation pourront intervenir dans la cause, qui > sera instruite et jugée comme affaire urgente» (art. 449).

III. De l'exclusion du conseil de famille.

883. « Tout individu qui aura été exclu ou destitué d'une tutelle ne » pourra être membre d'un conseil de famille » (art. 445).

La loi ne dit pas que les causes d'exclusion du conseil de famille sont les mêmes que les causes d'exclusion de la tutelle; elle dit, ce qui est tout à fait différent, que celui qui a été exclu ou destitué d'une tutelle ne peut être membre d'un conseil de famille. L'entrée du conseil de famille est donc interdite, non à ceux chez lesquels existe une cause d'exclusion ou de destitution de la tutelle, mais à ceux qui ont été effectivement exclus ou destitués d'une tutelle. Et toutefois, comme la condamnation à une peine infamante opère de plein droit l'exclusion de toute tutelle, on doit en conclure qu'elle entraînerait de plein droit aussi l'exclusion de tout conseil de famille.

SECTION VIII

DE L'ADMINISTRATION DU TUTEUR

884. La loi envisage ici le tuteur comme investi d'une double mission, l'une relative à la personne du mineur, l'autre relative à ses biens. » Le tuteur, dit l'article 450 al. 1, prendra soin de la personne du mi» neur, et le représentera dans tous les actes civils. » La rubrique de notre section « De l'administration du tuteur » est donc incomplète, puisqu'elle ne nous représente le tuteur que comme le gardien des intérêts pécuniaires du mineur. On aurait mieux indiqué l'objet de la section en l'intitulant: « Des pouvoirs du tuteur sur la personne et sur les biens du mineur. »

§ I. Des attributions du tuteur relativement à la personne

du mineur.

885. Le soin de la personne du mineur n'est pas confié au tuteur dans tous les cas. A cet égard plusieurs hypothèses doivent être distinguées.

a). La tutelle de l'enfant mineur est gérée par le survivant de ses père et mère, tuteur de droit aux termes de l'article 390. La puissance paternelle et la puissance tutélaire sont alors réunies dans les mêmes mains, et le survivant se trouve ainsi chargé tout à la fois du soin de la personne et de la gestion des biens du mineur.

b). Le survivant des père et mère ne gère pas la tutelle de son enfant mineur, soit que, s'agissant de la mère, elle ait refusé la tutelle (art. 394), soit que, s'agissant du père, il s'en soit fait excuser. Le tuteur, nommé à la place du survivant, sera chargé de la gestion des biens du mineur; mais le survivant restera investi de la puissance paternelle, et chargé à ce titre du soin de la personne du mineur. C'est ce qui résulte par argument des articles 372 et 373, qui accordent la puissance paternelle au père durant le mariage, et après la dissolution du mariage au survivant des père et mère, sans distinguer s'il est ou non tuteur.

c). Le survivant des père et mère est décédé; ou bien il est vivant, mais incapable en droit ou en fait d'exercer la puissance paternelle : en droit, si par exemple l'exercice de cette puissance lui a été retiré par application de l'article 335 du Code pénal; en fait, s'il est absent ou atteint d'aliénation mentale. Alors la puissance paternelle se réunit à la puissance tutélaire dans la personne du tuteur.

La puissance paternelle appartient-elle alors au tuteur avec la même étendue qu'au survivant des père et mère? Non. On peut à cet égard signaler entre eux trois différences.

4o Le survivant des père et mère, qu'il soit ou non tuteur, a le droit d'éducation dans toute sa plénitude: c'est lui qui détermine souverainement de quelle manière l'enfant sera élevé et quelle somme devra être dépensée annuellement dans ce but. Tout autre tuteur n'exerce le droit d'éducation que sous le contrôle du conseil de famille, investi pour ce cas du droit de fixer la somme à laquelle pourra s'élever la dépense annuelle du mineur (art. 454) : ce qui le rend dans une certaine mesure l'arbitre de la destinée du mineur en ce qui concerne son éducation.

2o Le tuteur autre que le survivant ne peut jamais exercer le droit de correction que par voie de réquisition, et avec l'autorisation du conseil de famille : « Le tuteur » qui aura des sujets de mécontentement graves sur la conduite du mineur, pourra porter » ses plaintes à un conseil de famille; et, s'il y est autorisé par ce conseil, provoquer la » réclusion du mineur, conformément à ce qui est statué à ce sujet au titre de la Puissance » paternelle » (art. 468). Au contraire le survivant des père et mère n'est jamais soumis, pour l'exercice du droit de correction, à l'autorité du conseil de famille.

3o Enfin il y a un attribut de la puissance paternelle, que la loi accorde au survivant et qu'elle refuse à tout tuteur autre que lui, c'est la jouissance légale; sans parler du droit qui appartient au survivant d'émanciper son enfant (art. 477) et de consentir à son mariage (art. 148) ou à son adoption (art. 346), tous droits qui sont refusés au tuteur en cette qualité.

En résumé, le survivant des père et mère, qu'il soit ou non tuteur, conserve en principe dans toute sa plénitude la puissance paternelle sur son enfant mineur et non émancipé. A défaut du survivant, la loi accorde au tuteur sur la personne du mineur certains attributs de la puissance paternelle, savoir le droit d'éducation et ses deux corollaires, le droit de garde et le droit de correction; mais il demeure soumis, quant à l'exercice de ces divers droits, à l'autorité et au contrôle du conseil de famille.

§ II. Des attributions du tuteur relativement aux biens du mineur.

No 4. Principe.

886. « Le tuteur prendra soin de la personne du mineur, et le représen» tera dans tous les actes civils.— Il administrera ses biens en von père » de famille, et répondra des dommages-intérêts qui pourraient résulter » d'une mauvaise gestion » (art. 450, al. 1 et 2).

Le tuteur est donc investi par la loi d'un mandat général, en vertu duquel il représente le mineur dans tous les actes civils. C'est le tuteur qui parle et qui agit; mais, il le fait au nom du mineur, et les actes qu'il accomplit ainsi, tutorio nomine, sont censés, avoir été passés par le mineur lui-même vis-à-vis duquel il n'est qu'un instrument. Qui mandat fecisse cidetur. Il est vrai de dire en ce sens : Factum tutoris, factum pupilli.

Tout autre était en Droit romain le rôle du tuteur. En principe il ne représentait pas son pupille, il se bornait à l'habiliter. Le pupille, sauf le cas où il était infans, figurait en personne aux divers actes de la vie civile: c'était lui qui parlait, qui agissait; mais il avait son tuteur à ses côtés qui l'assistait, qui complétait sa personne en lui donnant son auctoritas. Tutor personam pupilli AUGEBAT; au jebat de augere, auctum, augmenter, compléter, d'où l'on a fait auctoritas, qui signifie à proprement parler complément.

Au surplus, les deux législations diffèrent plus dans la forme que dans le fond. En

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somme, elles se sont inspirées de la même idée : suppléer à l'inexpérience du mineur par l'expérience du tuteur. Après cela, il importe assez peu que ce soit le mineur qui agisse en personne avec l'auctoritas tutoris comme en Droit romain, ou le tuteur qui agisse au nom du mineur comme en Droit français, ce qui paraît mieux d'accord avec la réalité des choses. Aussi admet-on généralement que les actes accomplis suivant les principes de la législation romaine, c'est-à-dire par le mineur avec l'autorisation du tuteur, ne seraient pas nuls pour cette cause (Cpr. art. 4030). 887. Etendue des pouvoirs du tuteur. On doit établir en principe que la capacité constitue pour le tuteur la règle générale, l'incapacité l'exception; d'où il résulte : 1° que le tuteur peut accomplir pour le compte du mineur tous les actes que ne lui interdit pas un texte spécial de la loi, et cela sans qu'il y ait à distinguer entre les actes d'administration et ceux de disposition; 2o que la validité des actes accomplis par le tuteur tutorio nomine, n'est soumise à l'observation de formalités particulières que dans les cas exprimés par la loi.

Telle paraît bien avoir été l'idée du législateur, lorsqu'il a dit dans l'article 450 que le tuteur « représentera le mineur dans tous les actes civils ». L'omnipotence du tuteur, voilà la règle, et les textes qui lui interdisent certains actes, ou qui le soumettent pour quelques-uns à l'accomplissement de formalités particulières, doivent être envisagés comme des exceptions à la règle, et à ce titre recevoir une interprétation restrictive.

Dans un autre système, on distingue entre les actes d'administration et ceux de disposition on admet le principe de l'omnipotence du tuteur pour les actes d'administration, mais on le repousse pour les actes de disposition. La rubrique de notre section, dit-on, porte de l'Administration du tuteur, et l'article 450 dit dans son al. 2 : « il administrera ses biens en bon père de famille »; cela prouve que le législateur limite les pouvoirs du tuteur aux actes d'administration. L'argument est bien faible. D'abord il suffit de lire en entier l'alinéa 2 de l'article 450, précisément celui qu'on invoque, pour voir que le mot administration y est pris comme synonyme de gestion. En effet il se termine par ces expresssions : « et répondra des dommages-intérets résultant d'une mauvaise gestion »; or les mots gérer, gestion comprennent même les actes de disposition. D'un autre côté le législateur, dans l'alinéa en question, n'a nullement eu pour but de dire que le tuteur a le pouvoir d'administrer, (ce qui résulterait déjà de la disposition précédente: « et le représentera dans tous les actes civils »), mais bien comment le tuteur doit administrer ou gérer : sa gestion doit être celle d'un bon père de famille. Enfin, au point de vue pratique, ce système donne lieu à de grandes difficultés, soit pour déterminer quels actes sont d'administration, quels autres de disposition, soit, ce point une fois résolu, pour savoir quelles sont les formalités que le tuteur doit remplir pour les actes de disposition, au sujet desquels la loi ne s'est pas expliquée.

888. Dans tous les systèmes, on reconnaît pleins pouvoirs au tuteur pour les actes d'administration. Soumettre le tuteur à l'accomplissement de formalités particulières en ce qui concerne ces actes qui sont de tous les instants et souvent urgents, c'eût été rendre son administration impossible. Telle ne peut avoir été la pensée du législateur!

Que faut-il entendre par actes d'administration? On désigne sous ce nom les actes qui ont pour but de conserver les biens et de les faire fructifier.

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