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C. Actes pour lesquels la loi exige certaines formalités spéciales qui varient suivant les cas.

923. Cette catégorie comprend : 1o la vente des meubles corporels du mineur; 2o le partage; 3o la transaction.

1o La vente des meubles corporels, pour laquelle il y a lieu de remplir les formalités particulières prescrites par l'article 452 (supra, no 893).

2o Le partage. On suppose que le partage d'une masse indivise (succession, société ou communauté), dans laquelle un mineur a des droits, est demandé par un des consorts du mineur ou bien par son tuteur avec l'autorisation du conseil de famille. En quelles formes devra-t-il y être procédé ?

Tout

L'article 466 répond: « Pour obtenir à l'égard du mineur tout l'efet » qu'il aurait entre majeurs, le partage devra être fait en justice, et pré» cédé d'une estimation faite par experts nommés par le tribunal de pre» mière instance du lieu de l'ouverture de la succession. Les experts, » après avoir prêté, devant le président du même tribunal, ou autre juge » par lui délégué, le serment de bien et fidèlement remplir leur mission, » procéderont à la division des héritages et à la formation des lots, qui » seront tirés au sort, et en présence, soit d'un membre du tribunal, soit » d'un notaire par lui commis, lequel fera la délivrance des lots. » autre partage ne sera considéré que comme provisionnel. » Nous ne dirons rien pour le moment des formes du partage judiciaire. Cette matière tient à la procédure plutôt qu'au droit civil, et d'ailleurs nous la retrouverons sous les articles 822-839. Pour le moment, nous concentrerons notre attention sur la partie finale de notre article, qui déclare que tout partage fait sans l'observation des formes qu'il prescrit ne sera que provisionnel. Un partage provisionnel est un partage de jouissance, par opposition au partage définitif qui est un partage de propriété. Notre disposition signifie donc que le partage fait en dehors des formes prescrites par la loi ne sera valable que quant à la jouissance des biens partagés, et que le mineur pourra par suite, sa majorité une fois survenue, exiger qu'il soit procédé à un nouveau partage, celui-là définitif. C'est là un inconvénient grave. Il serait souvent de l'intérêt bien entendu de toutes les parties de pouvoir procéder à un partage définitif, sans passer sous les fourches caudines du partage judiciaire. Aussi la pratique a-t-elle imaginé une foule de moyens pour éluder l'application de l'article 466 al. final. Un des plus usités consiste à faire figurer au partage une personne qui se porte fort pour le mineur, en promettant qu'une fois parvenu à sa majorité il ratifiera le partage et le rendra ainsi définitif.

La loi, on le voit, n'exige pas pour la validité du partage provisionnel, les mêmes formalités que pour la validité du partage définitif. De là on induit généralement que le tuteur aurait qualité pour procéder à un partage provisionnel au nɔm du mineur sans l'autorisation du conseil de famille. Il y a toutefois quelques divergences sur ce point.

3o La transaction. « La transaction », dit l'article 2044, « est un contratpar

lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ». La transaction est le résultat des concessions réciproques que se font deux parties, entre lesquelles il existe une contestation née ou imminente. Chacune sacrifie une partie du droit qu'elle croit avoir, pour éviter la chance de perdre le tout par suite de l'incertus litis eventus. La transaction diffère donc de l'acquiescement, dans lequel l'une des parties reconnaît le droit de l'autre parce qu'elle considère le sien comme non fondé. Celui qui acquiesce à la prétention de son adversaire ne fait pas, ou du moins ne croit pas faire un sacrifice; tandis que celui qui transige fait ou croit faire un sacrifice, puisqu'il abandonne en partie un droit qu'il juge fondé pour le tout. La transaction apparaît donc comme un acte plus grave que l'acquiescement, ce qui explique que la loi exige un plus grand luxe de formalités quand elle intéresse un mineur. Ces formalités sont indiquées par l'article 467, ainsi conçu : « Le tuteur ne pourra transiger au nom du mineur, qu'après y avoir été » autorisé par le conseil de famille, et de l'avis de trois jurisconsultes dé» signés par le procureur du Roi près le tribunal de première instance. » La transaction ne sera valable qu'autant qu'elle aura été homologuée par le tribunal de première instance, après avoir entendu le procureur du

> Roi ».

La loi, on le voit, requiert ici, outre l'autorisation du conseil de famille et l'homologation du tribunal, un avis (et entendez un avis favorable) de trois jurisconsultes. Le texte de la loi paraît même exiger que cet avis soit exprimé à l'unanimité. Les trois jurisconsultes sont désignés par le tribunal; on les choisit, dans la pratique, parmi les avocats inscrits au tableau depuis dix ans. Le Code civil parle de jurisconsultes et non d'avocats, parce qu'à cette époque l'ordre des avocats, supprimé par la loi du 20 septembre 1792, n'avait pas encore été rétabli.

Il résulte du texte et plus encore de l'esprit de l'article 467, que la consultation des trois jurisconsultes doit précéder la délibération du conseil de famille autorisant la transaction; car elle est précisément destinée à éclairer le conseil, et ce ne sera pas ordinairement sans besoin. D'autre part, à la différence de ce qui a lieu dans les cas ordinaires, ce n'est pas ici l'avis du conseil de famille que le tribunal doit homologuer, mais bien la transaction l'article 467 est très-formel sur ce point. Cela implique que le tribunal doit examiner la transaction et l'apprécier.

La loi ne faisant aucune distinction, on doit en conclure que les formalités requises par l'article 467 seraient nécessaires, aussi bien pour une transaction relative aux droits mobiliers du mineur, que pour une transaction relative à ses droits immobiliers. En ce sens, Paris, 44 août 1874. Sir., 71. 4. 498.

SECTION IX

DES COMPTES DE LA TUTELLE

924. Nous traiterons dans trois numéros distincts: 1o des comptes

de tutelle en général; 2o des traités relatifs à la gestion tutélaire; 3o de la prescription des actions relatives aux faits de la tutelle.

No 1. Des comptes de la tutelle en général.

925. On distingue deux espèces de comptes de tutelle : les comptes provisoires et les comptes définitifs.

I. Des comptes provisoires.

926. Les comptes provisoires sont ceux que le tuteur produit périodiquement pendant le cours de la tutelle, afin qu'il soit possible de contrôler sa gestion. D'après le projet ces comptes provisoires devaient être obligatoires, et le tuteur était astreint à en fournir un chaque année. La rédaction définitive de la loi les a rendus facultatifs, ainsi que cela résulte de l'article 470 ainsi conçu :

« Tout tuteur, autre que le père et la mère, peut être tenu, même durant » la tutelle, de remettre au subrogé tuteur des états de situation de sa » gestion, aux époques que le conseil de famille aurait jugé à propos de » fixer, sans néanmoins que le tuteur puisse être astreint à en fournir > plus d'un chaque année.- Ces états de situation seront rédigés et remis,

» sans frais, sur papier non timbré, et sans aucune formalité de justice ». II. Des comptes définitifs.

927. Aux termes de l'article 469: « Tout tuteur est comptable de sa gestion quand elle finit. » L'événement qui donne lieu à la reddition du compte définitif de la tutelle est donc la cessation de la gestion du tuteur. Or cette gestion prend fin quand la tutelle cesse. Il faut donc rechercher quelles sont les causes qui mettent fin à la tutelle.

928. La tutelle peut prendre fin soit d'une manière absolue, soit d'une manière relative.

a). La tutelle prend fin d'une manière absolue, quand elle cesse par rapport au mineur et au tuteur tout à la fois. Trois événements peuvent produire ce résultat:

1o La majorité du pupille. Le compte de tutelle doit alors être rendu à l'ex-mineur lui-même.

2o La mort du mineur. Le compte sera rendu dans ce cas à ses héritiers.

3° L'émancipation du mineur. Dans cette dernière hypothèse, le tuteur rendra son compte au mineur émancipé assisté de son curateur (art. 480).

b). La tutelle prend fin d'une manière relative, quand elle cesse par rapport au tuteur, ex parte tutoris,sans cesser par rapport au mineur. Il y a plutôt alors vacance que cessation de la tutelle, car un nouveau tuteur va remplacer l'ancien.

Les événements qui mettent fin à la tutelle ex parte tutoris sont :

1o La mort du tuteur;

2o L'excuse du tuteur agréée par le conseil de famille;

3o Divers accidents qui peuvent mettre le tuteur dans l'impossibilité de fait ou de droit de gérer la tutelle.

Dans l'impossibilité de fait par exemple l'absence ou l'aliénation mentale du tuteur.

Dans l'impossibilité de droit: par exemple l'interdiction du tuteur, sa condamnation à la dégradation civique prononcée comme peine principale ou encourue comme peine accessoire (P. art. 34).

929. Quand la tutelle prend fin ex parte tutoris, le compte de tutelle est rendu, tantôt par le tuteur lui-même, par exemple au cas d'excuse, tantôt par ses représentants, par exemple au cas de mort ou d'interdiction. Le compte est rendu au nouveau tuteur, sans qu'il ait besoin, suivant l'opinion générale, d'être assisté du subrogé tuteur. Ce compte est définitif quant au tuteur dont les fonctions ont cessé, car il couronne sa gestion; mais il ne l'est pas quant au mineur : il n'y a de tel par rapport à lui que le compte qui lui est rendu, ou à ses héritiers, lorsque la tutelle a pris fin d'une manière absolue ex parte minoris. Il y a donc deux espèces de comptes définitifs: celui qui est rendu lorsque la tutelle a pris fin ex parte tutoris, et celui qui est rendu lorsque la tutelle a pris fin ex parte minoris. Ce dernier seul est véritablement définitif, car il a ce caractère erga omnes, tandis que le premier ne le possède que vis-à-vis du tuteur. Aussi, pour éviter toute équivoque, réserverons-nous la dénomination de compte définitif pour désigner le compte qui est rendu lorsque la tutelle prend fin quant au mineur; c'est dans ce sens que la loi paraît prendre cette expression (art. 471). Quant aux comptes auxquels peut donner lieu le changement de tuteur, nous les appellerons comptes intermédiaires.

930. L'obligation de rendre compte est imposée à « tout tuteur » (art. 469), par conséquent même au père ou à la mère. On ne conçoit pas une administration sans reddition de compte.

Cette obligation est tellement essentielle que le tuteur ne pourrait dans aucun cas en être valablement dispensé (arg., art. 6).

931. Le compte de tutelle peut être rendu à l'amiable ou en justice.— A l'amiable lorsque les parties sont d'accord; aucune forme particulière n'est alors prescrite. En justice, dans le cas contraire; il y a lieu de procéder alors suivant les formes réglées par les articles 527 et suivants du Code de procédure civile.

La loi appelle celui qui rend le compte (ici le tuteur) le rendant, celui

qui le reçoit (ici le mineur) l'oyant compte ou l'oyant. Voyez C. art. 472 et Pr. art. 529, 531 et s.

Un compte de tutelle ayant été rendu à l'amiable, des difficultés peuvent survenir relativement à son exécution; elles seront jugées suivant les règles du Droit commun. C'est à cette hypothèse que se réfère l'article 473 dont la disposition paraît assez inutile. « Si le compte donne » lieu à des contestations, elles seront poursuivies et jugées comme les » autres contestations en matière civile. »

932. Aux termes de l'article 471: « Le compte définitif de tutelle sera » rendu aux dépens du mineur, lorsqu'il aura atteint sa majorité ou » obtenu son émancipation. Le tuteur en avancera les frais. On y > allouera au tuteur toutes dépenses suffisamment justifiées, et dont l'objet » sera utile. »

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« Le compte définitif». La règle est la même en principe pour les comptes intermédiaires, motivés par le changement de tuteur. Toutefois, les frais du compte auquel donne lieu la destitution du tuteur pourraient être mis à la charge de ce dernier, car c'est par sa faute que ces frais sont occasionnés.

« Le tuteur en avancera les frais »; parce qu'il a entre les mains tous les fonds du mineur. Les frais dont parle la loi sont ceux auxquels donne lieu la reddition du compte de tutelle, principalement les frais de timbre, d'enregistrement, de réunion et de classement des pièces; mais non les frais des contestations auxquelles la reddition du compte peut donner lieu. Ces derniers seraient supportés par le plaideur téméraire conformément à l'article 130 du Code de procédure civile.

933. Dans le compte de tutelle, comme dans tout autre, il y a le chapitre des recettes et le chapitre des dépenses.

Le chapitre des recettes doit comprendre tout l'avoir du mineur, notamment l'actif constaté par l'inventaire, les capitaux remboursés pendant le cours de la tutelle, les fruits et revenus des biens du mineur, les intérêts dont le tuteur se trouve débiteur envers lui par application des articles 455 et 456.

Au chapitre des dépenses devront figurer toutes les sommes que le tuteur a dépensées pour le compte du mineur, soit pour les frais de son entretien ou de son éducation, soit en achat d'immeubles ou de valeurs, soit à tout autre titre.

La loi dit qu'on allouera au tuteur (c'est-à-dire qu'on lui passera en compte) << toutes dépenses suffisamment justifiées et dont l'objet sera utile». « Toutes dépenses suffisamment justifiées ». Le projet exigeait une justification par pièces. C'était demander dans bien des cas l'impossible: il y a beaucoup de dépenses pour lesquelles le tuteur manquera nécessairement de pièces justificatives. Aussi notre article exige-t-il que

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