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meubles; comment aurait-il songé à l'action qui sert de sanction à ce droit, à l'action qui sert à le faire reconnaître quand il est contesté? Et puis, s'il avait eu en vue l'action en revendication, il est probable qu'il aurait dit : les actions en revendication des immeubles au lieu de dire : « les actions qui TENDENT à revendiquer un immeuble ». Ces expressions, assez singulières d'ailleurs, paraissent être une traduction, malheureuse peut-être, de l'ancien adage Actio quæ TENDIT ad quid immobile est immobilis, et elles comprennent par conséquent, comme l'adage, même les actions personnelles immobilières (l'action en revendication est une action réelle) en vue desquelles elles paraissent surtout avoir été écrites. Seulement il faut bien reconnaître que la formule employée par le législateur est assez défectueuse. Le mot revendiquer, qui est technique pour désigner l'action réelle, ne devrait pas être employé dans un texte qui vise surtout les actions personnelles. Il eût mieux valu dire: les actions qui tendent à faire rentrer un immeuble dans notre patrimoine.

* Cela posé il y a lieu de considérer comme immeubles par l'objet auquel elles s'appliquent.

* 4° Les actions en nullité ou en rescision d'nn contrat translatif de propriété immobilière, d'une vente d'immeuble par exemple.

*2° L'action en révocation d'une donation immobilière.

*3° L'action en délivrance d'un immeuble, au moins quand cette délivrance devra avoir pour résultat de transférer la propriété à celui auquel elle est faite, ce qui arrive rarement dans notre Droit.

4° L'action de réméré dérivant d'une vente d'immeuble.

* 5o L'action en résolution d'une vente d'immeuble pour défaut de paiement du prix.

*6 L'action en rescision d'une vente d'immeuble pour lésion de plus des sept douzièmes.

*Sur les quatre derniers points il y a quelques difficultés; elles seront examinées en temps et lieu.

§ IV. Immeubles par la détermination de la loi.

1038. Cette dernière catégorie, qui contient un très-petit nombre de termes, a fait son apparition postérieurement à la promulgation du Code civil. Elle résulte de dispositions législatives qui ont permis d'immobiliser certains droits mobiliers. En voici l'énumération :

1o Un décret du 16 janvier 1808, art. 7, autorise ceux qui sont propriétaires d'actions de la Banque de France à les immobiliser. Il suffit pour cela d'en faire la déclaration dans la forme prescrite pour les transferts. Les actions ainsi immobilisées sont régies par les mêmes lois que les immeubles, notamment en ce qui concerne l'aliénation et l'hypothèque.

On peut mentionner pour mémoire le décret du 16 mars 1810, art. 13, qui autorisait l'immobilisation des actions des canaux d'Orléans et de Loing, assimilées sur ce point aux actions de la Banque de France. Le rachat de ces actions a été autorisé pour cause d'utilité publique par la loi du 1er avril 1860, et effectué par celle du 20 mai 1803.

2o Des rentes sur l'Etat ont pu être immobilisées pour la fondation de majorats en vertu d'un décret du 1er mars 1808. Cette cause d'immobi

lisation a cessé d'exister, la loi du 12 mai 1835 ayant défendu toute institution de nouveaux majorats. Mais cette loi a laissé subsister l'immobilisation réalisée en vue des majorats antérieurement créés, pour toute la durée qu'elle assigne à ces maj orats (art. 2 de la loi).

CHAPITRE II

DES MEUBLES

1039. On distingue deux catégories de meubles : les meubles par leur nature ou meubles corporels et les meubles par la détermination de la loi ou meubles incorporels. « Les biens sont meubles par leur nature ou » par la détermination de la loi », dit l'article 527.

Si on compare cette classification à celle que la loi adopte relativement aux immeubles (art. 547), on remarquera :

a). Que la loi désigne les immeubles incorporels sous le nom d'immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent, tandis qu'elle désigne les meubles incorporels sous le nom de meubles par la détermination de la loi. Or on se demande, sans en trouver de raison bien plausible, pourquoi la loi emploie des formules différentes pour exprimer des idées identiques, ce qui ne peut que jeter de la confusion dans l'esprit. Puisqu'elle avait choisi l'expression immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent pour désigner les immeubles incorporels, elle aurait dû désigner également les meubles incorporels sous le nom de meubles par l'objet auquel ils s'appliquent. Ces expressions ont d'ailleurs l'avantage d'indiquer la raison d'être du classement des droits, soit dans la catégorie des meubles, soit dans celle des immeubles: elles contiennent en quelque sorte une définition de la chose qu'elles désignent, tandis que les expressions immeubles ou meubles par la détermination de la loi peuvent laisser croire que les droits sont rangés, soit dans la catégorie des meubles, soit dans celle des immeubles, en vertu d'une détermination arbitraire du législateur.

b). Que, tandis que la loi distingue trois classes d'immeubles, elle ne distingue plus que deux classes de meubles. Le terme qui manque dans la classification des meubles, c'est celui correspondant aux immeubles par leur destination; il n'y a pas de meubles par leur destination. La raison en est simple : l'esprit conçoit facilement qu'un objet mobilier puisse devenir immeuble en qualité d'accessoire d'un immeuble, mais il concevrait difficilement qu'un immeuble pût devenir meuble en qualité d'accessoire d'un meuble.

§ I. Des meubles par leur nature.

1040. « Sont meubles par leur nature, les corps qui peuvent se trans> porter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, » comme les animaux, soit qu'ils ne puissent changer de place que par > l'effet d'une force étrangère, comme les choses inanimées (art. 528).

Nos anciens appelaient meubles vifs ceux qui peuvent se transporter par eux-mêmes, et meubles morts ceux qui ne peuvent être transportés que par l'effet d'une force étrangère. Cette distinction n'offre en Droit aucun intérêt.

L'article 531, qui trouve sa place toute naturelle, ainsi que l'article 532, à la suite de l'article 529, énumère certains objets mobiliers qu'on aurait peut-être été tenté de ranger dans la catégorie des immeubles à cause de leur fixité ou de leur valeur : « Les bateaux, bacs, navires, > moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines non fixées » par des piliers et ne faisant point partie de la maison, sont meubles: » la saisie de quelques-uns de ces objets peut cependant, à cause de leur » importance, être soumise à des formes particulières, ainsi qu'il sera » expliqué dans le Code de la procédure civile. »

En ce qui concerne l'explication des mots : « et généralement toutes usines non fixées par des piliers et ne faisant pas partie de la maison », voyez supra, no 1018.

« Les matériaux provenant de la démolition d'un édifice, ceux assemblés » pour en construire un nouveau, sont meubles jusqu'à ce qu'ils soient em» ployés par l'ouvrier dans une construction» (art. 532).

De la démolition d'un édifice. Donc les parties de l'édifice qui en auraient été séparées par suite d'un cas fortuit, comme un tuyau de cheminée que le vent aurait abattu, ne cesseraient pas d'être immeubles en attendant leur réintégration. Il en serait de même des matériaux qui ont été temporairement détachés d'un édifice en vue d'être replacés. Ainsi une porte, qu'on déplace momentanément en vue d'une réparation, ne cesse pas d'être immeuble. Ea quæ ex ædificio detracta sunt ut reponantur ædificii sunt. Mais si un propriétaire démolit sa maison en vue de la reconstruire, les matériaux provenant de la démolition seront meubles jusqu'à la reconstruction.

§ II. Des meubles par la détermination de la loi.

1041. Les meubles qui composent cette catégorie sont des meubles incorporels, autrement dits des droits mobiliers.

Nous savons que les droits, en leur qualité de choses incorporelles, ne sont à proprement parler ni meubles ni immeubles. Mais, en vertu d'une fiction, la loi les fait rentrer dans l'une ou l'autre catégorie suivant la nature de leur objet. D'après ces données, les droits ayant des meubles pour objet sont meubles. Ce sont précisément ces droits que le législateur désigne ici sous le nom de meubles par la détermination de la loi. L'article 529 en donne une énumération incomplète : « Sont meubles par la » détermination de la loi, les obligations et actions qui ont pour objet des » sommes exigibles ou des effets mobiliers, les actions ou intérêts dans les » compagnies de finance, de commerce ou d'industrie, encore que des im» meubles dépendant de ces entreprises appartiennent aux compagnies. » Ces actions ou intérêts sont réputés meubles à l'égard de chaque associé

» seulement, tant que dure la société. Sont aussi meubles par la déter»mination de la loi les rentes perpétuelles ou viagères, soit sur l'Etat, » soit sur des particuliers ».

Les divers termes de l'énumération de notre article demandent à être

étudiés avec soin.

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1042. A. Obligations et actions ayant pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers. Deux explications ont été proposées des mots obligations et actions. D'après la première, le mot obligation désignerait une obligation active, c'est-à-dire une obligation envisagée par rapport au créancier, ou en d'autres termes une créance. Il est arrivé deux fois à la loi de désigner les créances sous une dénomination équivalente, celle de dettes actives (art. 533 et 536). Quant à l'action, ce serait la créance mise en exercice, la créance à l'état de lutte judiciaire parce qu'elle est contestée, ou à l'état de lutte extrajudiciaire parce que le débiteur, sans contester le droit du créancier, refuse de payer, et que le créancier est obligé d'avoir recours aux voies rigoureuses pour l'y contraindre. D'après la seconde explication qui nous paraît préférable, l'obligation serait la dette, et l'action la créance, de sorte que la loi envisagerait ici les deux faces du droit pour nous dire qu'elles sont l'une et l'autre mobilières quand l'objet du droit est mobilier.

L'article 529 ajoute : « qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers ». On désigne ordinairement sous le nom de sommes exigibles celles dont le paiement peut être immédiatement exigé, par opposition aux dettes à terme dont le paiement ne peut être exigé qu'à l'échéance du terme. Si tel était ici le sens des mots sommes exigibles, la loi donnerait à entendre que les créances, qui ont pour objet des sommes payables à terme, ne sont pas mobilières : ce qui serait un non-sens, le terme ne pouvant pas bien évidemment influer sur la nature mobilière ou immobilière de la créance. La loi oppose ici les créances de sommes exigibles aux rentes, dont il est question dans la partie finale de l'article et qui sont des créances dont le capital n'est pas exigible, en ce sens que le créancier s'est interdit à tout jamais le droit d'en demander le remboursement. En un mot, les créances de sommes exigibles sont les créances de sommes dont le créancier peut immédiatement ou pourra, après l'expiration d'un certain temps, exiger le paiement, par opposition aux créances désignées sous le nom de rentes, dont il ne peut en aucun cas exiger le remboursement.

1043. B. Actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d'industrie. Le mot action a ici un sens tout à fait différent de celui que la loi vient de lui donner dans la première partie de l'article 529: il désigne le droit qui appartient à chaque associé dans une compagnie ou société de finance, de commerce ou d'industrie. Ce droit se

résume, pour chaque associé, dans la faculté de réclamer périodique ment, tant que dure la société, sa part des bénéfices réalisés qui sont distribués aux associés sous le nom de dividendes, et, lors de la dissolution de la société, sa part dans le fonds social.

Ainsi une société commerciale se fonde au capital de 100,000 fr., et ce capital est divisé en cent actions de 1,000 fr. chacune. Chaque action représente donc un centième du capital social, et donne droit par suite à un centième des bénéfices réalisés par la société, pendant toute sa durée, et, lors de sa dissolution, à un centième du fonds social.

Le mot intérêt désigne aussi le droit éventuel qu'a un associé dans une société, de réclamer pendant sa durée une quote-part des dividendes et à sa dissolution une quote-part du fonds social. Ainsi l'intérêt et l'action ont la même nature et confèrent les mêmes avantages; aussi notre article les assimile-t-il en les déclarant l'un et l'autre meubles par la détermination de la loi (1).

1044. Il est tout simple que les actions ou intérêts... soient meubles quand le fonds social ne comprend que des meubles. Mais la loi ajoute qu'il en est de même quand « des immeubles dépendant de ces entreprises appartiennent aux compagnies ». Il semble bien pourtant qu'en

(1) Toutefois il faut se garder de confondre l'action avec l'intérêt; il y a entre ces deux droits une profonde différence, que nous résumerons de la manière suivante : la distinction de l'intérêt et de l'action correspond à la distinction aussi légale que rationnelle des sociétés de personnes et des sociétés de capitaux, celles-là formées en considération dela personne des associés, intuitu persona, celles-ci constituées uniquement en vue des capitaux qu'ils promettent d'apporter, intuitu pecuniæ. Dans la première catégorie rentrent la société en nom collectif, la commandite par intérêt; dans la seconde, les sociétés anonymes, la commandite par action. L'intérêt constitue une part d'associé dans une société de personnes, l'action représente une part d'associé dans une société de capitaux. C'est la nécessité de la tranmissibilité des titres sociaux, qui a poussé la pratique commerciale, et sur ses traces la loi, à consacrer cette distinction. Si l'on recherche à ce point de vue l'élément essentiel de différence que présente cette summa divisio des sociétés, on voit que, dans les sociétés de personnes, les associés ne peuvent pas transmettre leur qualité d'associé sans le consentement des autres associés. Principe de Droit commun, que le Droit romain avait déjà formulé : « Quum enim societas consensu contrahatur, socius mihi esse non potest quem ego socium esse nolui » (D., 1. 49, pro socio), et que notre Code civil a reproduit dans l'art. 1864. Tandis que, dans les sociétés de capitaux, il est essentiel que chacun des associés puisse transmettre sa qualité d'associé à qui bon lui semble sans avoir besoin de l'assentiment de ses co-associés. L'argent de l'un vaut en effet l'argent de l'autre. De là cette notion de l'action aussi précise que vraie : l'action est un titre qui représente la part d'un associé et qu'il peut transmettre à qui bon lui semble par sa seule volonté. L'intérêt sera par suite un titre, représentant également la part d'un associé, et dont la transmission est subordonnée dans une mesure plus ou moins large à l'assentiment des autres associés (Note communiquée par M. Aug. Ribéreau, professeur de Droit commercial à la Faculté de Droit de Bordeaux).

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