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Art. 541. « Il en est de même des terrains, des fortifications et remparts > des places qui ne sont plus places de guerre: ils appartiennent à l'État, » s'ils n'ont été valablement aliénés, ou si la propriété n'en a pas été pres» crite contre lui. »

Tous les biens vacants et sans maître.- Disposition qui ne peut guère s'appliquer qu'aux immeubles (voyez l'explication de l'article 713).

Ceux des personnes qui décèdent sans héritiers.- La succession d'une personne qui décède sans héritiers est dite en déshérence, de de est heres; l'article 768 l'attribue à l'État.

Les terrains, les fortifications et remparts des places qui ne sont plus places de guerre. - L'article 541 semblerait les ranger dans le domaine public (argument des mots il en est de même combinés avec l'article 540). Mais l'article 540 in fine prouve d'une manière positive que ces biens appartiennent au domaine de l'État, puisqu'il suppose que des particuliers peuvent en acquérir la propriété par la prescription. Ainsi que nous l'avons déjà remarqué, on a intercalé à tort l'article 540 entre les articles 539 et 541. De là est venue l'erreur.

Il s'en faut de beaucoup que l'énumération des biens du domaine de l'État contenue dans nos articles soit complète. Il y aurait lieu d'ajouter notamment les bois et forêts de l'État, et les îles qui se forment dans le lit des rivières navigables et flottables (art 560).

II. Domaine communal.

1060. Le domaine communal, comme le domaine national, se divise en domaine public et domaine privé.

Le domaine public communal comprend les biens communaux qui sont affectés à l'usage de tous les habitants, tels que chemins vicinaux, chemins ruraux, places, rues et passages. Ils sont inaliénables et imprescriptibles. La commune n'en est pas propriétaire; elle est chargée seulement de leur surveillance.

Le domaine privé communal comprend au contraire les biens dont la commune est propriétaire; ils sont aliénables et prescriptibles. On les subdivise en biens patrimoniaux, que la commune afferme et dont le revenu tombe dans la caisse municipale, et biens communaux dont les habitants ont la jouissance en nature, tels que landes, bois, forêts et marais communaux.

C'est seulement aux biens du domaine privé communal que se réfère l'article 542 ainsi conçu : « Les biens communaux sont ceux à la propriété » ou au produit desquels les habitants d'une ou plusieurs communes ont » un droit acquis ».

A la propriété. Il y a là une erreur : la propriété de ces biens appartient à la commune, personne morale, et non aux habitants.

D'une ou plusieurs communes. Ajoutez; ou sections de communes.

1081. Des divers droits réels que nous pouvons avoir sur les biens. Le législateur nous en donne une énumération dans l'article 543, qui contient en quelque sorte une table des matières du livre II: « On peut avoir sur les biens, ou un droit de propriété, ou un sim>ple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre ». Suivent trois titres consacrés, l'un à la propriété, l'autre aux droits de jouissance (usufruit, usage et habitation), le dernier aux servitudes ou services fonciers.

L'article 543 n'énumère que les droits réels principaux, c'est-à-dire ceux qui ont une existence indépendante. Il y a aussi les droits réels accessoires, ainsi nommés parce qu'ils se rattachent à un autre droit, à un droit de créance, celui-ci principal. Ce sont les hypothèques (art 2114), et aussi les priviléges sur les immeubles qui ne sont que des hypothèques privilégiées. Quant au droit de gage et au droit de privilége sur les meubles, ils ne constituent qu'un droit réel imparfait à cause de la règle Meubles n'ont pas de suite par hypothèque (art. 2219).

L'emphytéose constitue-t-elle un droit réel dans notre législation actuelle ? L'emphytéose peut être définie : le droit de jouir d'un immeuble appartenant à autrui moyennant une redevance périodique. Elle était fréquente dans notre ancien Droit, où elle était souvent perpétuelle. La législation révolutionnaire abolit les emphytéoses perpétuelles; elle laissa subsister les emphytéoses temporaires, et permit même d'en créer à l'avenir, mais seulement pour une durée de 99 ans (1. des 18-29 décembre 1790, art. 4er). La loi du 44 brumaire an VII, art. 6, rangea l'emphyteose parmi les biens susceptibles d'hypothèque, témoignant ainsi qu'elle la considérait comme un droit réel immobilier. A-t-elle conservé ce caractère sous le Code civil? La jurisprudence et la plupart des auteurs l'admettent (voyez notamment Alger, 8 avril 1878, Sir., 78. 2. 296). Nos lois modernes, dit-on, n'ont abrogé sur ce point ni expressément ni tacitement le Droit autérieur au Code civil; donc il subsiste (supra, no 28). Mais il faut reconnaître que le silence absolu de ce Code à l'égard de l'emphytéose, soit dans l'article 526 où il énumère les immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent, soit dans l'article 543 où il donne l'énumération des divers droits réels sur les immeubles, soit dans les articles 2118 et 2204 où il énumère les biens susceptibles d'hypothèque et de saisie immobilière, fait naître des doutes très-graves sur l'exactitude de cette solution. Le silence de l'article 2118 paraît surtout concluant, quand on le rapproche de l'article 6 de la loi du 14 brumaire de l'an VII, dont il reproduit à peu près textuellement l'énumération en supprimant l'emphytéose. Le législateur pouvait-il manifester tacitement d'une manière plus significative sa volonté d'abroger l'emphyteose comme droit réel immobilier? Dans cette opinion, l'emphytéose ne constituerait, sous l'empire du Code civil, qu'un bail à long terme conférant au preneur, comme tous les autres baux, un droit simplement personnel de jouissance.

TITRE II

De la propriété.

1062. Le droit réel le plus complet que l'on puisse avoir sur une chose est le droit de propriété. Les autres droits réels ne sont que des démembrements, des cisaillements, comme le dit M. Demolombe, du droit de propriété, qui n'est à bien dire que la somme de tous les droits réels. On a défini la propriété « le droit en vertu duquel une chose se trouve soumise d'une manière absolue et exclusive à la volonté et à l'action d'une personne ».

D'une manière absolue. Le propriétaire a plena in re potestas. Il jouira donc de sa chose comme il voudra, même, si cela lui plaît, d'une manière abusive, tandis que celui qui n'a qu'un droit d'usufruit doit jouir en bon père de famille (art. 601).

Ce principe souffre toutefois certaines restrictions, auxquelles l'article 544 fait allusion dans les termes suivants : « La propriété est le droit de » jouir et disposer des choses d'une manière absolue, pourvu qu'on n'en › fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

Quelques-unes de ces restrictions résultent de dispositions du Code civil (voyez notamment art. 671 et s., 674, 678 et s.); la plupart sont écrites dans des lois ou règlements qui appartiennent au Droit administratif. Ainsi il existe des lois ou règlements qui s'opposent au libre défrichement des forêts, qui règlent le desséchement des marais, qui défendent de creuser des puits dans un certain rayon autour des cimetières, qui obligent le propriétaire voisin d'une rue à se conformer à l'alignement quand il veut construire, etc.

D'une manière exclusive. C'est-à-dire que le propriétaire peut s'opposer à ce qu'un autre retire de sa chose un avantage quelconque, alors même que cela ne lui causerait personnellement aucun préjudice. Ainsi je puis empêcher le voisin de se promener sur ma propriété, alors même qu'il n'y commettrait aucun dégât.

Il en résulte que la propriété d'une même chose ne peut pas appartenir pour le tout à deux personnes différentes. Duorum in solidum dominium esse non potest. Une même chose peut bien appartenir à plusieurs personnes en commun; il y aura alors plusieurs co-propriétaires, c'est-à-dire plusieurs personnes dont chacune sera propriétaire de la chose pour partie. Mais plusieurs personnes ne peuvent pas être pro

priétaires de la même chose pour le tout; car ainsi que le dit Pothier, < propre et commun sont les contradictoires ». Il existe à ce point de vue une différence remarquable entre le droit de propriété et le droit de créance ce dernier peut appartenir solidairement, c'est-à-dire pour le tout, à plusieurs personnes (voyez art. 1197 et s.).

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1063. En analysant le droit de propriété, on y découvre trois éléments:

1o Le jus utendi, ou droit de se servir de la chose pour tous les usages auxquels elle est propre. Ainsi pour un cheval le jus utendi consistera à le faire travailler, pour une maison à l'habiter.

2o Le jus fruendi, ou droit de jouir de la chose, c'est-à-dire d'en retirer tous les fruits qu'elle est susceptible de donner. Ainsi le droit de jouir d'une maison consistera dans le droit d'en toucher les loyers; le droit de jouir d'un fonds de terre, dans celui de recueillir les récoltes qu'il est susceptible de produire ou de toucher les fermages s'il est affermé. 3o Le jus abutendi ou droit de disposer de la chose soit en l'aliénant soit en la consommant. Le mot latin abuti, abusus, ne désigne pas un usage condamnable, comme notre mot français abuser, mais un usage définitif, un usage qui n'est pas susceptible de se renouveler, au moins quant à celui qui a exercé ce droit: telle est l'aliénation ou la consommation de la chose. Abutimur his quæ nobis utentibus pereunt; utimur his quæ nobis utentibus permanent.

*Le droit de disposition est un attribut essentiel de la propriété. Il faudrait done déclarer nulle en principe toute convention par laquelle un propriétaire s'interdirait le droit de disposer librement de son bien, et toute disposition testamentaire par laquelle il retirerait à son héritier ou à son légataire la libre disposition des biens qu'il lui laisse. C'est ce qui résulte, soit de l'article 4598 qui dit en substance que la loi seule peut déclarer un bien inaliénable, soit de l'article 455 qui permet exceptionnellement à la femme mariée de stipuler l'inaliénabilité de ses biens pour la durée du mariage. La libre disposition des biens est, comme le dit la Cour de cassation, une règle d'ordre et d'intérêt public à laquelle la volonté des particuliers ne peut pas déroger (arg., art. 6). Il est même fort douteux qu'un testateur puisse valablement interdire pour un certain temps seulement à son légataire ou à son héritier la libre disposition de ses biens; car, si on admettait cette restriction au principe, quelles limites faudrait-il lui assigner?

1064. Le droit de propriété étant absolu, le propriétaire ne peut pas être obligé de le céder.

L'intérêt public, qui doit toujours l'emporter sur l'intérêt privé, peut seul faire fléchir cette règle: « Nul ne peut être contraint de céder sa » propriété », dit l'article 545, « si ce n'est pour cause d'utilité publique et » moyennant une juste et préalable indemnité. »

Pour cause d'utilité publique. La déclaration de 1789 et les constitutions de 1791, de 1793 et de l'an III disaient pour cause de nécessité publique. Moyennant une juste et préalable indemnité. Juste, c'est-à-dire suffi

sante pour compenser le préjudice subi par le propriétaire exproprié; autrement l'expropriation serait une spoliation. Préalable, c'est-àdire payée antérieurement à la dépossession; d'où il résulte : 1o que le propriétaire exproprié a le droit de rétention jusqu'au paiement de cette indemnité; 2° qu'il a le droit d'exiger que l'indemnité lui soit payée en un capital, et non en une rente; en effet le paiement de la rente ne pourrait pas être préalable.

L'expropriation pour cause d'utilité publique est aujourd'hui régie par la loi du 3 mai 1841.

1065. Avec la propriété il ne faut pas confondre la possession. Le propriétaire ne possède pas toujours sa chose. Ainsi pendant mon absence un usurpateur s'empare de mon domaine; il s'en dit propriétaire et agit comme tel, il le cultive et en perçoit les fruits. Il possède, et par conséquent je ne possède plus.

Posséder une chose, c'est l'avoir sous sa puissance : possidere vient de posse, pouvoir. Pour cela il faut deux conditions: 1o détenir la chose, c'est-à-dire l'avoir sous sa main (nuda detentio); peu importe d'ailleurs qu'on la détienne soi-même ou par un intermédiaire, tel qu'un locataire ou un dépositaire; 2° s'en affirmer propriétaire (animus domini). Celui qui détient la chose sans avoir l'animus domini, comme un locataire, un emprunteur, un dépositaire, n'a qu'une simple délention qu'on appelle quelquefois possession naturelle, possessio naturalis, par opposition à la possession cum animo domini ou possession civile, ainsi appelée parce que seule elle est susceptible de produire des effets de droit.

1066. Aux termes de l'article 546: « La propriété d'une chose, soit mobi» lière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit, et sur ce qui » s'y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement. - Ce > droit s'appelle droit d'accession ». Le droit du propriétaire s'étend aux accessoires de la chose conformément à la règle Accessorium sequitur principale. Cette extension porte le nom d'accession, de accedere, s'ajouter. La loi considère ici comme accessoires de la chose : 1o ses produits; 2o tout ce qui s'unit accessoirement à la chose, soit naturellement, soit artificiellement.

CHAPITRE I

DU DROIT D'ACCESSION SUR CE QUI EST PRODUIT PAR LA CHOSE

Les fruits

1067. « Les fruits naturels ou industriels de la terre;· » civils; - Le croît des animaux, appartiennent au propriétaire par » droit d'accession » (art. 546).

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On désigne sous le nom de fruits les produits périodiques d'une chose,

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