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l'occupation cesse ; 2° les animaux domestiques, dont nous conservons la propriété même quand ils ont cessé d'être sub custodia nostra, par exemple quand ils se sont échappés ; 3° les animaux qui ne sont ni entièrement sauvages ni entièrement domestiques. Ce sont ceux auxquels s'applique notre article. Les pigeons par exemple, tant qu'ils conservent l'esprit de retour dans le colombier, tant qu'ils demeurent « captifs volontaires », suivant le mot de Buffon, sont considérés comme un accessoire du colombier et par suite du fonds; aussi la loi les déclare-t-elle immeubles par destination (art. 524). Du jour où ils abandonnent le gîte qu'on leur avait offert pour aller ailleurs, ils deviennent un accessoire du nouveau fonds où ils sont allés se fixer, et appartiennent par suite au propriétaire de ce fonds.

La loi ajoute cependant cette restriction : « pourvu qu'il n'y aient point été attirés par fraude ou par artifice » : ce qui semble bien signifier que, s'il y a eu fraude ou artifice, les animaux ne cesseront pas d'appartenir à leur ancien propriétaire, et qu'il pourra les revendiquer, en supposant bien entendu qu'il soit possible de les reconnaître. Quelque formel que notre texte paraisse sur ce point, un grand nombre d'auteurs admettent que la fraude, commise par le propriétaire qui a attiré les animaux sur son fonds, ne l'empêche pas d'en devenir propriétaire à titre d'accessoires de ce fonds, mais le rend seulement passible de dommages-intérêts envers l'ancien propriétaire auquel il a causé préjudice.

SECTION II

DU DROIT D'ACCESSION RELATIVEMENT AUX CHOSES MOBILIÈRES

1101. Cette matière, à laquelle le Droit romain consacrait de longs développements, a beaucoup perdu de son importance dans notre Droit actuel par suite de l'apparition de la règle : En fait de meubles possession caut titre (art. 2279). Dans tous les cas (et ils seront fréquents) où cette règle recevra son application, il ne pourra pas être question d'appliquer les dispositions contenues dans notre section. Aussi glisserons-nous trèsrapidement sur cette matière, d'autant plus que le législateur s'est borné la plupart du temps à reproduire ici, et souvent en les travestissant, les règles du Droit romain. Voici les textes, nous n'y ajouterons aucun commentaire :

Art. 565. « Le droit d'accession, quand il a pour objet deux choses mo» bilières appartenant à deux maîtres différents, est entièrement subor» donné aux principes de l'équité naturelle. Les règles suivantes ser»viront d'exemple au juge pour se déterminer, dans les cas non prévus, » suivant les circonstances particulières. »

Art. 566. « Lorsque deux choses appartenant à différents maîtres, qui » ont été unies de manière à former un tout, sont néanmoins séparables, » en sorte que l'une puisse subsister sans l'autre, le tout appartient au

» maître de la chose qui forme la partie principale, à la charge de payer » à l'autre la valeur de la chose qui a été unie. »

Art. 567. «Est réputée partie principale celle à laquelle l'autre n'a » été unie que pour l'usage, l'ornement ou le complément de la » première. »>

Art. 568. « Néanmoins, quand la chose unie est beaucoup plus précieuse » que la chose principale, et quand elle a été employée à l'insu du proprié> taire, celui-ci peut demander que la chose unie soit séparée pour lui » être rendue, même quand il pourrait en résulter quelque dégradation de > la chose à laquelle elle a été jointe. »

Art. 569. « Si de deux choses unies pour former un seul tout, l'une ne » peut point être regardée comme l'accessoire de l'autre, celle-là est réputée » principale qui est la plus considérable en valeur, ou en volume, si les » valeurs sont à peu près égales. »

Art. 570 « Si un artisan ou une personne quelconque a employé une ma« tière qui ne lui appartenait pas, à former une chose d'une nouvelle es➤ pèce, soit que la matière puisse ou non reprendre sa première forme, celui » qui en était le propriétaire a le droit de réclamer la chose qui en a été » formée en remboursant le prix de la main-d'œuvre. »

Art. 571. « Si cependant la main-d'œuvre était tellement importante » qu'elle surpassât de beaucoup la valeur de la matière employée, l'indus>>trie serait alors réputée la partie principale, et l'ouvrier aurait le droit » de retenir la chose travaillée, en remboursant le prix de la matière au » propriétaire. »

Art. 572. « Lorsqu'une personne a employé en partie la matière qui lui » appartenait, et en partie celle qui ne lui appartenait pas, à former une » chose d'une espèce nouvelle, sans que ni l'une ni l'autre des deux matières » soit entièrement détruite, mais de manière qu'elles ne puissent pas se » séparer sans inconvénient, la chose est commun aux deux propriétaires, » en raison, quant à l'un, de la matière qui lui appartenait, quant à l'au» tre, en raison à la fois et de la matière qui lui appartenait et du prix » de sa main-d'œuvre. »

Art. 573. « Lorsqu'une chose a été formée par le mélange de plusieurs » matières appartenant à différents propriétaires, mais dont aucune ne » peut être regardée comme la matière principale, si les matières peuvent » être séparées, celui à l'insu duquel les matières ont été mélangées peut > en demander la division. Si les matières ne peuvent plus être sépa» rées sans inconvénient, ils en acquièrent en commun la propriété, dans » la proportion de la quantité, de la qualité et de la valeur des matières » appartenant à chacun d'eux. »

Art. 574. « Si la matière appartenant à l'un des propriétaires était de » beaucoup supérieure à l'autre par la quantité et le prix, en ce cas le

» propriétaire de la matière supérieure en valeur pourrait réclamer la » chose provenue du mélange, en remboursant à l'autre la valeur de sa > matière. »

Art. 575. Lorsque la chose reste en commun entre les propriétaires des » matières dont elle a été formée, elle doit être licitée au profit com

» mun. ≫

Art. 576.« Dans tous les cas où le propriétaire dont la matière a été > employée, à son insu, à former une chose d'une autre espèce, peut récla» mer la propriété de cette chose, il a le choix de demander la restitution » de sa matière en même nature, quantité, poids, mesure et bonté, ou sa » valeur. »

Art. 577.

Ceux qui auront employé des matières appartenant à d'au» tres, et à leur insu, pourront aussi être condamnés à des dommages et » intérêts, s'il y a lieu, sans préjudice des poursuites par voie extraordi»naire, si le cas y échet. »

TITRE III

De l'usufruit, de l'usage et de l'habitation.

1102. Ce titre et le suivant sont consacrés aux servitudes.

« Les servitudes lato sensu, disent MM. Aubry et Rau, sont des droits réels en vertu desquels une personne est autorisée à tirer de la chose d'autrui une certaine utilité ».

La servitude constitue une exception au Droit commun, d'après lequel le propriétaire a seul le droit de retirer de sa chose toute l'utilité qu'elle peut procurer. Le mot servitude exprime bien l'état d'assujettissement dans lequel se trouve alors la chose vis-à-vis de la personne autre que le propriétaire à laquelle elle doit ses fruits ou ses services.

Il existe dans notre Droit comme en Droit romain deux espèces de servitudes les servitudes personnelles et les servitudes réelles. Servitu tes aut personarum sunt aut rerum.

La servitude personnelle est celle qui existe sur une chose au profit d'une personne déterminée. Attachée à la personne, elle meurt avec elle et quelquefois avant elle; la servitude personnelle est donc temporaire. Notre Code indique trois servitudes personnelles : l'usufruit l'usage et l'habitation.

La servitude réelle est celle qui existe sur un fonds (fonds servant) au profit d'un autre fonds (fonds dominant) appartenant à un autre propriétaire (art. 637): telle est la servitude de passage. Remarquez que, tandis que la servitude personnelle existe au profit d'une personne, la

servitude réelle existe au profit d'un fonds, et c'est ce qui lui a fait donner le nom de servitude réelle. Sans doute elle sera exercée par une personne, car le fonds dont elle est un attribut ne peut pas l'exercer luimême; mais elle ne sera pas exercée par une personne déterminée, elle le sera par le propriétaire du fonds dominant quel qu'il soit. La servitude réelle est inhérente au fonds dominant; le droit de l'exercer s'acquiert avec la propriété de ce fonds, et se perd avec elle.

En ce qui concerne les servitudes personnelles, le Code civil a conservé la chose tout en supprimant le nom. Dans l'intitulé du titre qui leur est consacré (titre III), comme dans les textes que ce titre contient et partout ailleurs, le législateur a évité avec un soin minutieux d'employer l'expression servitudes personnelles consacrée par une tradition séculaire. Elle sonnait mal à cette époque, paraît-il, parce qu'elle rappelait, de bien loin cependant, le souvenir des services personnels et des corvées du régime féodal.

En ce qui concerne les servitudes réelles, le législateur a conservé le nom et la chose tout à la fois; mais ici encore un scrupule inspiré par les souvenirs de la féodalité l'a porté à faire suivre le mot servitude d'une sorte de définition dans l'intitulé du titre IV: Des Servitudes ou SERVICE FONCIERS, et à déclarer dans l'article 638 que « la servitude n'établit aucune prééminence d'un héritage sur l'autre ».

Le titre III, qu'on n'hésiterait pas aujourd'hui à intituler des Servitudes personnelles, est divisé en deux chapitres consacrés, le premier à l'usufruit, le second à l'usage et à l'habitation.

CHAPITRE I

DE L'USUFRUIT

1103. Définition. Nous avons une définition légale de l'usufruit: « L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, > comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la subs»tance » (art. 578). Cette définition ressemble beaucoup à celle que donne Justinien dans ses Institutes: jus alienis rebus utendi fruendi salva rerum substantia. Pesons-en tous les termes.

L'usufruit est le DROIT DE JOUIR. Cette expression droit de jouir comprend le droit de se servir de la chose, jus utendi, et le droit d'en recueillir les fruits, jus fruendi, en d'autres termes l'usus et le fructus; d'où les dénominations d'usufruit, usufruitier. Il ne reste donc au propriétaire que le jus abutendi. Usus fructus est jus utendi et fruendi sed non abutendi. Et c'est pourquoi on l'appelle nu-propriétaire, parce qu'il

ne conserve qu'une nue propriété, c'est-à-dire une propriété dépouillée pour le moment de ses principaux avantages et par conséquent stérile.

En nous disant que l'usufruit est le droit de jouir, la loi nous dit implicitement que l'usufruit est un droit viager; car la mort est le terme de toutes les jouissances. On a donc reproché à tort au législateur de n'avoir pas indiqué dans sa définition ce caractère essentiel de l'usufruit.

Des choses dont UN AUTRE a la propriété. Donc le droit de jouissance, qui appartient au propriétaire sur sa propre chose, ne constitue pas un usufruit. La raison en est que l'usufruit est une servitude et que nul ne peut avoir de servitude sur sa propre chose. Le droit de jouir est pour le propriétaire un attribut de son droit de propriété, et non une servitude. Nemini res sua servit jure servitutis, sed prodest jure dominii.

On donne quelquefois, sur l'autorité du Droit romain, le nom d'usufruit au droit de jouissance qui appartient au propriétaire sur sa propre chose; et, pour distinguer cet usufruit improprement dit du véritable usufruit, de celui qui existe au profit d'un autre que le propriétaire, on appelle le premier usufruit causal et le second usufruit formel. Usufruit CAUSAL parce qu'il a pour cause la propriété, quia competit ex causa proprietatis; quia causæ suæ, id est dominio junctus est. Usufruit FORMEL, quia per se consistit; quia propriam formam habet. Il faut débarrasser la science du Droit de ce bagage inutile. Le droit de jouissance du propriétaire n'est pas un usufruit.

Comme le propriétaire lui-même. En principe, et sauf la restriction contenue dans la partie finale de notre texte, le droit de jouissance de l'usufruitier est aussi étendu que celui du propriétaire. L'usufruitier peut donc, comme le propriétaire, ou jouir par lui-même ou jouir par l'intermédiaire d'un tiers auquel il donnera la chose à bail. 11 peut même céder son droit de jouissance (art. 595).

On dit partout que la loi s'exprime en termes beaucoup trop absolus quand elle dit que l'usufruitier jouit comme le propriétaire lui-même, parce que d'une part le propriétaire a droit à tous les produits de la chose, tandis que l'usufruitier n'a droit qu'à ceux de ces produits qui ont le caractère de fruits, et parce que d'autre part le propriétaire jouit comme il l'entend, il peut même, si cela lui plaît, jouir d'une manière abusive, tandis que l'usufruitier doit jouir en bon père de famille (art. 601). Cette critique ne nous semble pas fondée. Le droit pour le propriétaire de percevoir les produits nonfruits et celui de jouir d'une manière abusive sont une conséquence de son droit de disposer plutôt que de son droit de jouir; ils touchent à l'abusus bien plus qu'au fructus et à l'usus, et en accordant seulement à l'usufruitier le droit de jouir (ce qui exclut le droit de disposer), la loi donne assez clairement à entendre que l'usufruitier ne peut, ni recueillir les produits non-fruits, ni jouir d'une manière abusive.

Enfin notre article ajoute: à la charge d'en conserver la substance. Que ces mots soient ou non la traduction fidèle des mots salva rerum substantia qui terminent la définition donnée par les Institutes de Justinien, ils expriment une idée exacte, à savoir que l'usufruitier ne doit pas dénaturer la chose sur laquelle porte son usufruit. Ainsi l'usufruitier ne pourra pas transformer une vigne en un pré, ou une terre labourable en

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