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fruitier, et dont il peut exiger la réparation (arg., art. 1382). Comment calculerat-on l'indemnité due au propriétaire? D'après l'étendue du préjudice qu'il souffre, c'est-à-dire que l'indemnité sera égale à la valeur qu'aurait eue le bois si l'usufruitier n'avait pas fait la coupe, déduction faite de la valeur de la nouvelle recrue suivant son âge.

Ce que la loi dit des bois taillis devrait être appliqué par voie d'analogie aux roseaux et aux oseraies susceptibles d'aménagement.

Aux termes de l'article 590, al. 2 : « Les arbres qu'on peut tirer d'une » pépinière sans la dégrader, ne font aussi partie de l'usufruit qu'à la » charge par l'usufruitier de se conformer aux usages des lieux pour le » remplacement ».

Aux usages des lieux, ou plutôt peut-être des propriétaires.

II. Usufruit portant sur des bois de haute futaie.

1147. Les bois de haute futaie sont considérés par la loi comme destinés à l'ornement du fonds, ou comme constituant un capital mis en réserve pour l'avenir, auquel le propriétaire ne touche que pour satisfaire des besoins extraordinaires. Aussi la loi ne reconnaît-elle pas le caractère de fruits au produit des coupes de hautes futaies: ce qui explique qu'elle refuse en principe tout droit à l'usufruitier relative ment à ce produit.

Cette règle souffre exception, lorsque la haute futaie était en coupe réglée lors de l'ouverture de l'usufruit. La loi considère alors le produit des coupes comme constituant un fruit à cause de leur périodicité, et elle permet à l'usufruitier de les faire à son profit-en observant l'aménagement établi par les anciens propriétaires. C'est ce qui résulte de l'article 591 ainsi conçu: « L'usufruitier profile encore, toujours en se » conformant aux époques et à l'usage des anciens propriétaires, des par» ties de bois de haute futaie qui ont été mises en co upes réglées, soit que » ces coupes se fassent périodiquement sur une certaine étendue de terrain, » soit qu'elles se fassent d'une certaine quantité d'arbres pris indistincte » ment sur toute la surface du domaine ».

On voit qu'une haute futaie est mise en coupe réglée, lorsqu'elle a été soumise par les propriétaires à une exploitation régulière et périodique Des coupes, faites « sans ordre et sans méthode pour satisfaire des fan. taisies ou des besoins extraordinaires », ne constitueraient pas un aménagement.

En principe l'usufruitier, en l'absence d'un aménagement, ne peut couper aucun arbre de haute futaie. « Dans tous les autres cas, l'usu » fruitier ne peut toucher aux arbres de haute futaie: il peut seulement › employer, pour faire les réparations dont il est tenu, les arbres arra» chés ou brisés par accident; il peut même, pour cet objet, en faire » abattre, s'il est nécessaire, mais à la charge d'en faire constater la né» cessité avec le propriétaire » (art. 592).

Aux arbres de haute futaie. La rédaction primitive portait : « aux bois de haute futaie». Le mot arbres a été, sur la demande du Tribunat, substitué au mot bois, pour que la disposition devînt applicable aux arbres épars qui servent d'ornement ou d'avenue. Pour faire les réparations DONT IL EST TENU. Donc l'usufruitier n'aurait pas ce droit en ce qui concerne les grosses réparations qu'il voudrait faire; car il n'en est pas tenu (art. 605), et, s'il les fait, c'est volontairement et à ses frais. En ce sens, Toulouse, 23 mai 1881. Sir., 81. 2. 144.

Les arbres arrachés ou brisés par accident. On les appelle des chablis. L'usufruitier n'y a droit que pour les réparations dont il est tenu; il ne pourrait pas les employer pour son chauffage.

On voit que les droits de l'usufruitier d'une haute futaie non aménagée se réduisent à fort peu de chose droit de chasse, droit de parcours, droit de recueillir les fruits produits par les arbres, par exemple les pommes sauvages et les glands. Les charges dépasseront peut-être le profit; car il faut payer les impôts comme prix de cette maigre jouissance (art. 608). L'usufruitier sera souvent tenté en pareil cas de renoncer à son droit pour s'exonérer des charges; le peut-il ? Sans nul doute, Unusquisque potest juri in favorem suum introducto renuntiare; mais à la condition de renoncer à son droit tout entier. Si l'usufruit porte sur un domaine comprenant une haute futaie, l'usufruitier ne pourra donc pas renoncer à son droit sur la haute futaie et le conserver sur le reste du domaine, abandonnant ainsi le mauvais et gardant le bon. A ce point de vue son droit présente une sorte d'indivisibilité; il ne peut pas le scinder au préjudice du propriétaire.

1148. L'usufruitier, qui aurait, sans en avoir le droit, coupé des bois de haute futaie, devrait de ce chef une indemnité. Le propriétaire ne serait pas obligé, comme on l'a prétendu, d'attendre l'extinction de l'usufruit pour en obtenir le paiement; il a le droit de l'exiger de suite (en ce sens, Bourges, 15 juillet 1873, s. cass. Sir,, 75. 1. 265). La solution contraire aurait pour résultat de permettre à l'usufruitier de jouir indirectement de la haute futaie, puisqu'il profiterait pendant toute la durée de l'usufruit du prix qu'il a retiré des arbres coupés. D'ailleurs, le propriétaire perdant en pareil cas l'augmentation de valeur que les arbres auraient acquise s'ils étaient restés sur pied jusqu'à la fin de l'usufruit, il est juste qu'à titre de compensation il touche immédiatement l'indemnité qui lui est due. Le cas est bien différent de celui où l'usufruitier a coupé un taillis avant l'époque fixée : il se peut que cette anticipation ne cause aucun préjudice au propriétaire; si par l'événement elle se trouve lui en causer un, il est impossible d'en apprécier dès à présent l'importance (supra, no 4446). On conçoit donc que dans ce cas la demande formée par le propriétaire du paiement immédiat d'une indemnité doive être repoussée. Tandis que la coupe indûment faite d'arbres de haute futaie cause au propriétaire un préjudice certain et dont il est facile dès à présent de déterminer le montant; de quel droit l'usufruitier demanderaitil donc un délai pour réparer ce préjudice ?

Il faut même aller plus loin. Le nu-propriétaire pourrait réclamer les arbres abattus par l'usufruitier; car celui-ci les a coupés indìment, et n'a pu en devenir propriétaire; le tout sans préjudice des dommages-intérêts. Toutefois l'action en revendication du propriétaire ne serait plus recevable, si l'usufruitier avait disposé des arbres au profit d'un tiers de bonne foi qui en aurait pris possession (arg., art. 2279).

1149. Si l'usufruitier ne peut pas toucher aux arbres de haute futaie, le propriétaire de son côté n'a pas le droit de les abattre; car il priverait ainsi l'usufruitier de son droit de jouissance sur la haute futaie. On admet toutefois une exception à ce principe pour les arbres qui se couronnent, signe qui annonce leur fin prochaine.

1150. Disposition commune aux bois taillis et aux bois de haute futaie. — « Il (l'usufruitier) peut prendre dans les bois, des » échalas pour les vignes; il peut aussi prendre, sur les arbres, des pro» duits annuels ou périodiques, le tout suivant l'usage du pays ou la cou> tume des propriétaires. >

Pour lesvignes. Il s'agit, à n'en pas douter, des vignes faisant partie du domaine grevé d'usufruit, et non des vignes appartenant en propre à l'usufruitier. On admet généralement par analogie que l'usufruitier aurait le droit de prendre dans les bois des perches à houblon, et des tuteurs pour les arbres.

Des produits annuels ou périodiques, tels que pommes et cerises sauvages, olives, feuilles des mûriers, écorces des chênes-liége... Cette disposition était assez inutile, et en tout cas elle n'est pas à sa place dans notre article.

Enfin aux termes de l'article 594 : « Les arbres fruitiers qui meurent, » ceux même qui sont arrachés ou brisés par accident, appartiennent à » l'usufruitier, à la charge de les remplacer par d'autres ». La raison en est que, toute la valeur des arbres fruitiers consistant ou à peu près dans les fruits qu'ils produisent, on ne pouvait guère craindre que l'usufruitier fût tenté de les faire mourir ou de les arracher frauduleusement pour en profiter. Au contraire cette crainte n'eût peut-être pas été chimérique pour les arbres de haute futaie. De là les décisions différentes des articles 592 et 594.

No 5. De l'usufruit d'un fonds contenant une mine, une minière,

une carrière ou une tourbière.

1151. « Il (l'usufruitier) jouit aussi, de la même manière que le proprié» taire, des mines et carrières qui sont en exploitation à l'ouverture de > l'usufruit; et néanmoins s'il s'agit d'une exploitation. qui ne puisse être » faite sans une concession, l'usufruitier ne pourra en jouir qu'après en » avoir obtenu la permission du Roi. Il n'a aucun droit aux mines et car› rières non encore ouvertes, ni aux tourbières dont l'exploitation n'est » point encore commencée, ni au trésor qui pourrait être découvert pen> dant la durée de l'usufruit (art. 598) ».

L'usufruitier doit se conformer au mode de jouissance qu'il trouve établi lors de l'ouverture de l'usufruit. De là résultent deux conséquences:

1o L'usufruitier n'a aucun droit au produit des mines, minières, carrières ou tourbières qui n'étaient pas encore en exploitation lors de l'ouverture de l'usufruit.

Toutefois, les mines constituant une richesse sociale, on conçoit que l'usufruit, dont est grevé le fonds qui les contient, ne peut pas être un obstacle à leur exploita

tion. La loi, dans l'intérêt public, autorise le Gouvernement à concéder l'exploitation d'une mine malgré l'opposition du propriétaire; à plus forte raison, malgré celle de l'usufruitier. Supposons qu'une mine soit concédée pendant la durée de l'usufruit. L'usufruitier, n'ayant aucun droit au produit de la mine, ne profitera pas de la redevance due par le concessionnaire; il n'aurait droit qu'à une indemnité pour le préjudice que lui causerait l'ouverture de la mine. Si c'est lui qui a obtenu la concession, il devra payer la redevance au propriétaire.

20 L'usufruitier a le droit de jouir comme le propriétaire lui-même, pendant la durée de l'usufruit, des mines, minières, carrières ou tourbières en exploitation lors de l'ouverture de l'usufruit.

En ce qui concerne les mines, ce principe conduit aux applications suivantes : a). Le propriétaire exploitait la mine par lui-même en vertu d'une concession.L'usufruitier continuera l'exploitation. Devra-t-il obtenir à cet effet une autorisation spéciale du chef de l'État? D'après la législation en vigueur à l'époque où l'article 598 a été décrété (1. du 28 juillet 4791), la concession des mines était personnelle au concessionnaire. L'article 598 n'a fait que déduire une conséquence de ce principe, en déclarant que, « s'il s'agit d'une exploitation qui ne puisse être faite sans une concession, l'usufruitier ne pourra en jouir qu'après en avoir obtenu la permission du Roi ». Mais sa disposition doit être considérée comme ayant été modifiée sur ce point par la législation actuellement en vigueur sur les mines. En effet, d'après l'article 7 de la loi du 21 avril 1840, l'acte de concession « donne la propriété perpétuelle de la mine, laquelle est dès lors disponible et transmissible comme tous les autres biens». L'usufruitier n'a donc plus besoin d'une autorisation spéciale pour ontinuer l'exploitation commencée par le propriétaire.

b). La mine était exploitée lors de l'ouverture de l'usufruit par un concessionnaire autre que le propriétaire. L'usufruitier touchera, pendant la durée de l'usufruit, la redevance payée par le concessionnaire; cette redevance représente la jouissance de la mine.

1152. Remarque. En ce qui concerne les carrières et tourbières, le propriétaire ne pourrait les ouvrir pendant la durée de l'usufruit qu'avec le consentement de l'usufruitier. La loi décide le contraire pour les mines, ainsi que nous venons de le voir; mais c'est une exception au Droit commun, et les exceptions ne s'étendent pas.

1153. Disposition relative au trésor.- L'usufruitier « n'a aucun droit... au trésor qui pourrait être découvert pendant la durée de l'usufruit» (art 598, in fine).

Qui pourrait être découvert. Ces termes indiquent qu'il s'agit d'un trésor qui serait découvert par un autre que l'usufruitier. Si l'usufruitier avait lui-même trouvé le trésor, il aurait certainement droit à la moitié que la loi attribue à l'inventeur (art. 712). Notre disposition doit donc être entendue en ce sens, que l'usufruitier n'a aucun droit en cette qualité au trésor qui serait découvert par un autre que lui dans le fonds grevé d'usufruit; il ne peut réclamer ni la propriété ni même la jouissance de la moitié du trésor qui est attribuée au propriétaire jure soli. Mais il peut avoir droit comme tout autre à la moitié attribuée à l'inventeur.

Notre disposition prouve deux choses: 4° que le trésor n'est pas un fruit; 2° qu'il ne doit pas être considéré comme faisant fictivement partie du fonds où il est découvert, même pour la portion attribuée au propriétaire jure soli.

SECTION II

DES OBLIGATIONS DE L'USUFRUITIER

1154. L'usufruitier doit, lors de la cessation de l'usufruit, restituer la chose au nu-propriétaire dans l'état où il l'a reçue; c'est là son obligation principale, les autres n'ont guère pour but que d'en assurer l'exécution. Nous parlerons successivement des obligations dont l'usufruitier est tenu avant son entrée en jouissance, de celles qui lui sont imposées pendant la durée de sa jouissance et enfin de celles qui lui incombent au moment où elle prend fin.

§ I. Des obligations de l'usufruitier avant son entrée
en jouissance.

1155. I'usufruitier doit, avant d'entrer en jouissance : 1o faire dresser un inventaire des meubles et un état des immeubles sujets à l'usufruit; 2° fournir caution.

I. De l'inventaire et de l'état.

1156. « L'usufruitier prend les choses dans l'état où elles sont; mais » il ne peut entrer en jouissance qu'après avoir fait dresser en présence » du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles et un » état des immeubles sujets à l'usufruit » (art. 600).

L'alinéa ler de cet article formule un principe qui nous est déjà connu; le nu-propriétaire, n'étant pas obligé de faire jouir l'usufruitier, mais seulement de le laisser jouir, n'est pas tenu de lui délivrer la chose en bon état; l'usufruitier doit la prendre dans l'état où elle est. Cependant le nu-propriétaire pourrait exceptionnellement se trouver obligé de délivrer la chose en bon état en vertu d'une clause de l'acte constitutif de l'usufruit. A l'inverse, le locataire ou le fermier a toujours le droit, sauf convention contraire, d'exiger que la chose lui soit délivrée en bon état de réparations. La raison en est qu'il a un droit personnel de jouissance à la différence de l'usufruitier qui n'a qu'un droit réel, et il peut exiger à ce titre que le locateur le fasse jouir.

L'usufruitier devant, lors de la cessation de l'usufruit, restituer tout ce qu'il a reçu et dans l'état où il l'a reçu, il importe au nu-propriétaire, qui a droit à cette restitution, qu'un titre régulier constate ce que l'usufruitier reçoit et dans quel état il le reçoit. Tel est le but de l'inventaire en ce qui concerne les meubles et de l'état en ce qui concerne les

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