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ou à peu près que si j'ohtenais la jouissance d'immeubles valant 25,000 fr., à la charge de payer pendant toute la durée de l'usufruit les intérêts du quart des dettes qui est égal à 5,000 fr.

Au lieu d'opérer la déduction des dettes d'une manière réelle comme nous venons de le supposer, on peut aussi l'opérer d'une manière fictive, et cela par deux moyens. Premier moyen. L'usufruitier avancera le capital des dettes ou de la portion des dettes pour laquelle il doit contribuer (5,000 fr.'dans l'espèce précédente), et ce capital lui sera restitué par le nu-propriétaire sans intérêts à la fin de l'usufruit; l'usufruit tier en perdra donc la jouissance pendant toute la durée de l'usufruit. Cette avance est facultative pour l'usufruitier.

Deuxième moyen. Le propriétaire fera l'avance dont il vient d'être parlé, et l'usufruitier lui tiendra compte des intérêts pendant toute la durée de l'usufruit. Le propriétaire peut imposer ce parti à l'usufruitier.

1180. On pourra comprendre maintenant l'article 612, dont la rédaction est défectueuse à plus d'un point de vue. « L'usufruilier, ou universel, ou à titre universel, » doit contribuer avec le propriétaire au paiement des dettes, ainsi qu'il suit : · On » estime la valeur du fonds sujet à usufruit; on fixe ensuite la contribution aux dettes » en raison de cette valeur. Si l'usufruilier veut avancer la somme pour laquelle le » fonds doit contribuer, le capital lui en est restitué à la fin de l'usufruit sans aucun » intérêt. Si l'usufruitier ne veut pas faire cette avance, le propriétaire a le choix, ou de » payer cette somme, et dans ce cas l'usufruitier lui tient compte des intérêts pendant » la durée de l'usufruit, ou de faire vendre jusqu'à due concurrence une portion des » biens soumis à l'usufruit. »

Notre article s'exprime en termes fort inexacts quand, voulant indiquer comment se détermine la part contributoire de l'usufruitier dans les dettes, il nous dit dans son alinéa 2: « On estime la valeur du fonds sujet à usufruit; on fixe ensuite la contribulion aux dettes à raison de cette valeur. » D'abord ces mots du fonds sujet à usufruit semblent faire allusion au cas où l'usufruit porterait sur un fonds déterminé, ce qui serait le cas d'un usufruit à titre particulier, tandis qu'il s'agit d'un usufruit universel ou à titre universel. A moins qu'on ne dise avec Demante que le mot fonds n'est pas ici la traduction du mot fundus, mais qu'il désigne la masse des biens sur laquelle l'usufruit s'établit.

Ensuite l'estimation dont parle notre texte ne sera pas nécessaire, comme il paraît le dire, dans toutes les hypothèses. Elle sera toujours inutile au cas d'usufruit universel; et, au cas d'usufruit à titre universel, elle le sera également si l'usufruit porte sur une partie aliquote des biens telle qu'un tiers, un quart. Il n'y aura lieu de procéder à une estimation que lorsque l'usufruit portera sur tous les immeubles ou sur tous les meubles ou sur une quote-part des uns ou des autres, et alors l'estimation ne devra pas porter seulement, comme le dit notre article, sur le fonds sujet à usufruit », mais aussi tous les autres biens du patrimoine, ainsi qu'on l'a vu tout à l'heure, afin de pouvoir comparer la valeur des biens grevés d'usufruit à la valeur de la masse totale qui compose l'universalité. Cette opération s'appelle une ventilation. Voilà presqu'autant d'inexactitudes que de mots.

* 1181. Les règles qui viennent d'être établies s'appliquent à tout usufruit universel ou à titre universel (arg. des mots « l'usufruitier universel ou à titre universel, »art. 612). Elles reçoivent donc leur application :

4° Au légataire d'usufruit universel ou à titre universel.

2o A celui auquel un usufruit universel ou à titre universel a été donné par institution contractuelle (art. 1082).

3o A l'héritier qui ne conserve que l'usufruit des biens, parce que le testateur en a légué la nue propriété.

4o Au père et à la mère ayant la jouissance légale de l'article 384.

50 A l'usufruit légal de l'article 754.

1182. B. Usufruitier à titre partlculier. Quant à l'usufruitier à titre particulier, nous savons qu'il ne doit jamais contribuer aux dettes ni pour le capital, ni pour les intérêts. Ce principe s'applique même relativement aux dettes hypothéquées sur le fonds soumis au droit d'usufruit. Ainsi le légataire de l'usufruit d'un immeuble hypothéqué à la sûreté d'une dette de 20,000 fr. ne devra pas contribuer au paiement de la dette ni pour le capital ni pour les intérêts. Toutefois il pourra arriver que l'usufruitier soit en pareil cas forcé de payer la dette hypothécaire pour conserver la possession de l'immeuble; car l'hypothèque est armée d'un droit de suite, qui permet au créancier de saisir l'immeuble et de le faire vendre quel qu'en soit le détenteur. Le seul moyen pour celui-ci d'échapper à l'expropriation est de payer; mais alors il aura son recours contre qui de droit. C'est ce que dit l'article 611 ainsi conçu : « L'usufruitier à titre particulier n'est pas tenu des dettes anxquelles le fonds est » hypothéqué: s'il est forcé de les payer, il a son recours contre le propriétaire, sauf ce » ce qui est dit à l'article 1020, au titre des Donations entre-vifs et des Testaments. »

Contre le proprié'aire. Ce recours pourra avoir lieu immédiatement, si, comme il arrivera le plus souvent, le nu-propriétaire est débiteur personnel de la dette. S'il ne l'est pas, ce qui arriverait au cas où l'immeuble aurait été hypothéqué pour la dette d'autrui, l'usufruitier ne pourra recourir contre lui qu'à la cessation de l'usufruit; car alors l'usufruitier n'a fait l'affaire du nu-propriétaire que quant à la nue propriété qu'il a soustraite à l'expropriation. Mais il pourrait recourir immédiatement contre le débiteur de la dette.

* Sauf ce qui sera dit à l'article 1020. Ce renvoi, qui était inutile, signifie que le nu-propriétaire n'est pas tenu de dégager l'immeuble soumis au droit d'usufruit de l'hypothèque qui le grève, à moins qu'il n'en ait été chargé par une disposition expresse du testateur.

1183.5° L'usufruitier doit contribuer aux frais des procès concernant la jouissance. « L'usufruitier n'est tenu que des frais des procès qui concer» nent la jouissance, et des autres condamnations auxquelles ces procès » pourraient donner lieu » (art. 618).

Les procès, qui ne concernent que la nue propriété n'intéressent pas l'usufruitier; il ne devra donc jamais contribuer aux frais de ces procès. Ceux qui concernent la jouissance l'intéressent exclusivement; il devra donc seul en supporter les frais. Quant aux procès qui concernent la pleine propriété, ils intéressent à la fois le nu-propriétaire et l'usufruitier, et les frais qu'ils occasionnent doivent en principe être répartis entre eux comme il a été dit sous l'article 609, c'est-à-dire que le propriétaire les supportera pour le capital, et l'usufruitier pour les intérêts pendant la durée de l'usufruit.

1184. 6° L'usufruitier doit dénoncer au propriétaire les usurpations qui pourraient porter atteinte à son droit. « S'i, pendant la durée de l'usufruit, » un tiers commet quelque usurpation sur le fonds ou attente autrement » aux droits du propriétaire, l'usufruitier est tenu de les dénoncer à celui

»ci: faute de ce, il est responsable de tout le dommage qui peut en résul» ter pour le propriétaire, comme il le serait de dégradations commises » par lui-même » (art. 614).

Le nu-propriétaire, n'étant pas sur les lieux, pourrait n'avoir pas connaissance des usurpations commises sur son fonds. Voilà pourquoi la loi oblige l'usufruitier à les lui dénoncer, le constituant ainsi gardien de la chose dans l'intérêt du nu-propriétaire.

§ III. Des obligations imposées à l'usufruitier quand

l'usufruit prend fin.

1185. Quand l'usufruit a pris fin, l'usufruitier doit restituer la chose au nu-propriétaire.

Toutefois l'usufruitier est dispensé de cette restitution, s'il prouve que la chose a complétement péri par cas fortuit. Res perit domino. Conformément au Droit commun, ce serait à l'usufruitier de prouver le cas fortuit qu'il invoque à l'appui de sa libération (arg., art. 1302).

L'usufruitier doit restituer la chose dans l'état où il l'a reçue. Et toutefois ici encore l'usufruitier ne serait pas responsable des détériorations qu'il prouverait être le résultat d'un cas fortuit, nemo præstat casus fortuitos, mais seulement de celles qui seraient le résultat de sa faute ou de son fait.

Nous trouvons une double application de ce principe dans les articles 615 et 616.

PREMIÈRE APPLICATION. « Si l'usufruit n'est établi que sur un animal » qui vient à périr sans la faute de l'usufruitier, celui-ci n'est pas tenu › d'en rendre un autre, ni d'en payer l'estimation » (art. 615).

Mais l'usufruitier doit restituer au propriétaire la dépouille de l'animal, si elle a quelque valeur. L'usufruitier ne pourrait pas prétendre qu'il a le droit d'en jouir jusqu'à la cessation de l'usufruit; car, la substance de la chose étant périe, l'usufruit est éteint (art. 617). Par où l'on voit que le droit de propriété est plus résistant que le droit d'usufruit. Le propriétaire peut dire : quod ex remea superest meum est; tandis que l'usufruitier ne peut élever aucune prétention sur les débris de la chose quand elle est périe.

Deuxième AppLICATION. « Si le troupeau sur lequel un usufruit a été » établi périt entièrement par accident ou par maladie, et sans la faute de > l'usufruitier, celui-ci n'est tenu envers le propriétaire que de lui » rendre compte des cuirs ou de leur valeur.- Si le troupeau ne périt pas » entièrement, l'usufruitier est tenu de remplacer, jusqu'à concurrence du > croît, les têtes des animaux qui ont péri » (art. 616).

Quand le troupeau périt partiellement par accident ou par maladie,

le droit de l'usufruitier subsiste sur ce qui en reste, le troupeau füt-il réduit à deux ou trois têtes contrairement à ce que décidait la loi romaine. Mais alors l'usufruitier est tenu de remplacer les têtes des animaux qui ont péri jusqu'à concurence du croît.

La loi entend vraisemblablement désigner par ces expressions le croît futur, c'està-dire les nouvelles têtes qui naîtront après l'accident, et non celui qui a été antérieurement perçu par l'usufruitier. En effet tout d'abord le mot croît désigne ce dont le troupeau s'accroîtra plutôt que ce dont il s'est accru; et puis, en ce qui concerne les têtes perçues par l'usufruitier, et dont il a disposé ainsi qu'il en avait le droit puisqu'elles étaient in fructu, il ne pourrait être question d'employer que leur prix à la reconstitution du troupeau; or la loi ne dit pas jusqu'à concurrence du prix du croît, ou de la valeur du croît; elle dit: jusqu'à concurrence du croît. Il y a toutefois controverse sur ce point.

SECTION III

COMMENT L'USUFRUIT PREND FIN

1186. La nue propriété n'aurait aucune valeur, si l'usufruit ne devait un jour lui faire retour. Le législateur, qui favorise la propriété, semble avoir creusé comme à plaisir des abîmes autour du droit d'usufruit, pour le forcer à se réunir plus promptement à la nue propriété qui soupire perpétuellement après lui.

Les articles 617, 618 et 621 énumèrent sept causes d'extinction de l'usufruit, savoir: 1o la mort de l'usufruitier; 2o l'expiration du terme pour lequel l'usufruit a été accordé; 3° la consolidation; 4o le nonusage pendant trente ans; 5° la perte totale de la chose sur laquelle l'usufruit est établi (art. 617); 6o l'abus de jouissance de l'usufruitier (art. 618); 7o la renonciation de l'usufruitier (arg., art. 622). Il y a lieu d'ajouter à cette énumération: 8° la résolution du droit du constituant; 9° la prescription acquisitive.

Etudions successivement ces diverses causes d'extinction.

4° Mort de l'usufruitier.

1187. Cette cause d'extinction, ainsi que les quatre suivantes, est prévue par l'article 617 ainsi conçu : « L'usufruit s'éteint: - Par la mort » naturelle et par la mort civile de l'usufruitier; Par l'expiration du » temps pour lequel il a été accordé; Par la consolidation ou la réunion

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-

» sur la même tête des deux qualités d'usufruitier et de propriétaire;

> Par le non-usage du droit pendant trente ans ; » la chose sur laquelle l'usufruit est établi ».

Par la perte totale de

Par la mort naturelle et... civile. On sait que la mort civile est abolie. La mort de l'usufruitier éteint l'usufruit de quelque manière et à quelqu'époque qu'elle survienne, fût-ce le lendemain du jour où l'usufruit a pris naissance, sans qu'il y ait lieu d'appliquer par analogie au

cas d'usufruit constitué à titre onéreux l'article 1975, qui constitue une disposition d'exception écrite seulement en vue des rentes viagères.

L'existence des personnes morales pouvant se prolonger indéfiniment (supra, no 105), la loi a dû assigner un terme à la durée de l'usufruit qui peut leur appartenir; autrement la propriété grevée de cet usufruit aurait pu en rester perpétuellement séparée. Aux termes de l'article 619: « L'usufruit qui n'est pas accordé à des particuliers dure pendant trente > ans ». En Droit romain, une opinion très-accréditée assignait à un semblable usufruit une durée de cent années, quia is est finis vitæ longævi hominis. Mais pourquoi prendre le terme le plus long de la vie humaine? Il paraît bien plus rationnel de prendre le terme moyen. C'est ce qu'a fait notre législateur en adoptant la limite de trente années.

Les personnes morales meurent difficilement; mais cependant elles meurent quelquefois. On peut citer comme exemple le cas où une cougrégation religieuse se verrait retirer l'autorisation à laquelle elle doit son existence légale : ce serait une mort civile, qui certainement aurait pour conséquence l'extinction de l'usufruit appartenant à la personne morale.

Si l'on admet que la volonté de l'homme ne peut pas faire survivre l'usufruit à l'usufruitier (supra, no 1105), on doit admettre pour des motifs semblables que cette même volonté ne pourrait pas assigner à l'usufruit établi au profit d'une personne morale une durée plus longue que celle fixée par l'article 649.

2. Expiration du temps pour lequel l'usufruit a été accordé.

1188. L'usufruit s'éteint « par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé » (art. 617, al. 2). - L'usufruit peut être constitué ad diem, c'est-à-dire pour un certain temps, pour dix ans par exemple. Le terme fixé forme alors un maximum, que l'usufruit ne peut jamais dépasser, mais qu'il n'atteindra pas nécessairement; car il peut prendre fin avant cette époque soit par la mort de l'usufruitier soit par une autre cause d'extinction.

L'article 620 prévoit un cas particulier d'usufruit constitué à terme, ad diem, qui aurait pu donner lieu à des difficultés si la loi ne s'était pas expliquée : « L'usufruit accordé jusqu'à ce qu'un tiers ait atteint un âge • fixe, dure jusqu'à cette époque encore que le tiers soit mort avant l'âge » fixé. » Un testateur a légué l'usufruit d'un immeuble à Pierre jusqu'à ce que Paul ait atteint l'âge de trente ans; ce dernier a vingt ans au moment de l'ouverture du legs, c'est-à-dire de la mort du testateur. Ce sera comme si le testateur avait dit : je lègue l'usufruit pour dix années. Il importera donc peu que Paul meure avant l'âge fixé; l'usufruit n'en durera pas moins jusqu'à l'époque où il aurait atteint cet âge s'il eût vécu. La loi suppose que le disposant non ad vitam hominis respexit, sed ad certa temporum curricula. Mais cette présomption de la loi tom

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