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treprise. Ce sont indubitablement ces mêmes règlements que le législateur de 1881 entend désigner dans le nouvel article 671. Mais alors il aurait dû changer la formule; car, dans un texte écrit en 1881, les mots règlements actuellement existants désignent les règlements existant en 1881 et non ceux existant en 1804.

Par la substitution des mots « Il n'est permis d'avoir des arbres... » aux mots << Il n'est permis de planter des arbres de l'ancien art. 671, notre nouveau législateur a tranché le doute, bien léger il est vrai, que ce dernier texte avait fait naître sur le point de savoir si les arbres venus naturellement étaient soumis à la distance légale comme ceux plantés par l'homme. L'affirmative, qui était généralement admise par les auteurs, est aujourd'hui législativement consacrée.

Sous l'empire de la loi nouvelle, comme sous celui de l'ancienne, la distance légale doit être calculée depuis le centre de l'arbre jusqu'à la ligne séparative des deux propriétés. Si les propriétés sont séparées par une clôture mitoyenne, la ligne séparative est censée être au milieu de l'espace occupé par la clôture.

L'ancien article 671 formulant dans les termes les plus absolus la règle relative aux distances à observer pour les plantations, les auteurs en concluaient généralement que cette règle était applicable même aux plantations en espalier faites le long d'un mur, bien que cette application fût difficile à justifier au point de vue rationnel, les arbres plantés en espalier le long d'un mur ne pouvant guère nuire au voisin par leurs racines ni même par leurs branches, si du moins on ne les laisse pas dépasser la hauteur de mur. De là serait résultée l'interdiction à peu près absolue de planter des espaliers le long d'un mur de clôture mitoyen ou non, si presque partout les usages locaux n'étaient venus corriger sur ce point la rigueur de la loi. Le droit que les usages locaux conféraient dans la plupart des localités, est aujourd'hui inscrit dans le nouvel article 671, dont l'alinéa 2 est ainsi conçu : « Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espalier de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur. Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer ses espaliers. Cette dernière disposition nous paraît complétement inutile; elle n'est qu'une déduction toute simple du principe que la propriété est un droit exclusif (supra, no 1062).

1316. Qu'arrivera-t-il maintenant si les prescriptions de la lói relativement aux plantations n'ont pas été observées? Il faut distinguer. S'agit-il tout d'abord d'un arbre ou arbuste qui a été planté à une distance moindre que le minimum légal (cinquante centimètres)? Le voisin pourra exiger qu'il soit arraché.

S'agit-il d'un arbre qui a été planté à une distance au moins égale au minimum légal, mais inférieure au maximum qui est de deux mètres ? Le voisin ne pourra en aucun cas demander qu'il soit arraché ; mais il pourra exiger que l'arbre soit toujours maintenu à la hauteur légale (deux mètres).

Toutefois le droit, soit d'avoir des arbres plantés à une distance inférieure au minimum légal (cinquante centimètres), soit d'avoir des arbres d'une hauteur de plus de deux mètres à une distance inférieure au maximum (deux metres), peut s'acquérir soit par titre, soit par destination du père de famille, soit par la prescription trentenaire (art. 672,al. 1). Par titre. Cela n'a jamais fait de difficulté sous l'empire de l'ancien article 671.

Par destination du père de famille. Il y avait à ce sujet une controverse très-vive, que la loi nouvelle tranche dans le sens de la jurisprudence et de la majorité des auteurs.

Par la prescription trentenaire. Mais quel droit la prescription une fois accomplie au ra-t-elle fait acquérir au voisin ? Sera-ce seulement le droit de conserver les arbres plantés plus près que la distance légale ou tenus plus haut que le maximum légal? ou bien sera-ce le droit d'avoir à perpétuité des arbres dans ces conditions: ce qui implique la faculté de les remplacer par d'autres après leur mort? Sous l'empire du Code civil, la majorité des auteurs et la jurisprudence admettaient la première solution, qui parait plus conforme aux principes, et notamment à la règle Tantum præscriptum quantum possessum. C'est aussi celle que consacre législativement le nouvel article 672 in fine : « Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant la distance légale ». Ajoutez : et la hauteur légale.

1317. Supposons maintenant que des arbres aient été plantés à la distance de deux mètres; malgré cela, leurs branches ou leurs racines empiètent sur l'héritage voisin. Le nouvel article 673, reproduisant sur ce point et presque dans les mêmes termes la disposition de l'ancien article 672 al. 2, autorise le voisin à couper lui-même les racines qui empiètent sur son héritage; quant aux branches, il a seulement le droit d'obliger le propriétaire de l'arbre à les couper. Cette différence entre les branches et les racines se justifie facilement. D'abord les racines ne paraissent pas, et le voisin sur l'héritage duquel elles empiètent les coupera souvent sans les voir en labourant la terre. De quelque façon qu'il les coupe d'ailleurs, il fera cette opération ni mieux ni moins bien que ne la ferait le propriétaire lui-même. Il n'en est pas de même des branches; elles demandent à être coupées avec une certaine intelligence. En autorisant le voisin à les couper lui-même, il aurait été à craindre que par maladresse ou mauvais vouloir il ne les coupât de façon à déprécier l'arbre. Aussi la loi l'autorise-t-elle seulement à les faire couper.

1318. Pour encourager le voisin à tolérer les branches qui empiètent sur son héritage, la loi nouvelle lui attribue les fruits qui tombent naturellement de ces branches. Y avait-il bien là un motif suffisant pour déroger au principe que les fruits d'un arbre appartiennent à son propriétaire?

1319. Une disposition du projet autorisait le fermier à exercer le droit du propriétaire en ce qui concerne les racines et les branches. Cette disposition a été supprimée au Sénat. On a craint de mettre aux mains des fermiers une arme dont ils pourraient abuser. Mais il a été positivement expliqué, et d'ailleurs cela allait de soi, qu'on n'entendait porter aucune atteinte aux prérogatives que le Droit commun accorde au fermier. Il pourra donc de sa propre autorité couper les racines qui peuvent nuire à la culture, jusqu'à la plus grande profondeur que peut atteindre la charrue ou la bêche, mais non les racines profondes, qui ne nuisent pas à la culture. De même, il pourra s'adresser au propriétaire, tenu de le faire jouir, pour qu'il fasse couper les branches empiétant sur son fonds et dont l'ombre lui causerait préjudice.

1320. Aux termes de l'article 673 in fine: « Le droit de couper les racines et de faire couper les branches est imprescriptible ». En effet il s'agit d'un acte de pure faculté. D'un autre côté, le fait de la part d'un propriétaire de souffrir sans réclamer les branches ou les racines qui empiètent sur son héritage, peut être considéré comme un acte de simple. tolérance. Or aux termes de l'article 2232 : « Les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription ». C'était la solution généralement admise sous l'empire du Code civil; mais il s'était élevé quelques difficultés sur ce point, et le nouveau législateur a peut-être bien fait de s'expliquer catégoriquement.

SECTION II

DE LA DISTANCE ET DES OUVRAGES INTERMÉDIAIRES REQUIS
FOUR CERTAINES CONSTRUCTIONS

Celui qui veut y

Y adosser une

1321. Aux termes de l'article 674 : « Celui qui fait creuser un puits ou » une fosse d'aisance près d'un mur mitoyen ou non; » construire cheminée ou âtre, forge, four ou fourneau, › établo, Ou établir contre ce mur un magasin de sel ou amas de ma»tières corrosives, Est obligé à laisser la distance prescrite par les règlements ou usages particuliers sur ces objets, ou à faire les ouvrages » prescrits par les mêmes règlements et usages, pour éviter de nuire au » voisin ».

La loi énumère ici certains travaux de nature à nuire aux construc

tions voisines, et commande de prendre à leur égard certaines précautions indiquées par les règlements et usages.

L'énumération que la loi fait de ces travaux n'est d'ailleurs qu'énonciative, et non limitative; notre disposition devrait donc s'appliquer à tous les ouvrages de nature à compromettre une construction voisine. Le législateur défend de faire les travaux dont il est question sans les précautions voulues, « contre un mur mitoyen ou non ». Cette règle se comprend, s'il s'agit d'un mur mitoyen ou appartenant au voisin; mais la même disposition s'appliquera-t-elle, s'il s'agit d'un mur qui est la propriété exclusive de celui qui fait les travaux? En pareil cas, il faut établir une distinction. Si les travaux à faire sont de nature à compromettre seulement la solidité du mur sur lequel ils s'appuient, notre article ne s'appliquera plus; l'auteur des travaux ne nuit qu'à luimême. Tel serait par exemple le cas d'un dépôt de sel fait par une personne contre un mur à elle appartenant. Mais, s'il s'agit de travaux qui peuvent compromettre la sécurité publique, quand ils ne sont pas faits comme l'exigent les règlements ou usages, comme par exemple de la construction de fours, forges ou fourneaux, le constructeur devra se soumettre aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 674.

Les règlements, dont nous parle la loi, sont des dispositions administratives; telles que l'ordonnance du 24 septembre 1819 sur le mode de construction des fosses d'aisances dans la ville de Paris. Le projet du Code ne visait que ces règlements; sur les observations du Tribunat, on ajouta les usages, qui comblent souvent les lacunes des règlements administratifs.

S'il n'y avait ni règlements ni usages prévoyant le genre de travail que l'on veut effectuer près d'un mur mitoyen ou non, il faudrait recourir à une expertise, afin de déterminer les précautions nécessaires pour sauvegarder ou le mur voisin ou même la sécurité publique.

* Remarquons que, si, malgré l'observation des règlements ou usages, les voisins prouvaient un préjudice par suite de l'accomplissement de certains travaux, ils seraient toujours en droit d'en réclamer la réparation (arg. art. 1382). Aussi, au premier abord, semble-t-il qu'il n'y ait pas de différence entre le cas où l'on a observé les règlements ou usages et celui où on ne l'a pas fait, puisque dans un cas comme dans l'autre, s'il y a dommage souffert, une action est ouverte à la partie lésée. Cependant la différence existe, et profonde: si les formalités de l'article 674 n'ont pas été observées, le voisin peut exiger la démolition des travaux; dans le cas contraire, il ne peut qu'invoquer l'article 1382 et demander une réparation pécuniaire du dommage qu'il éprouve.

SECTION III

DES VUES SUR LA PROPRIÉTÉ DE SON VOISIN.

1322. Distinction entre les jours et les vues. Bien que la rubrique de cette section ne parle que des vues, il y est aussi question des jours qu'il faut soigneusement distinguer des vues.

Les jours, dits de tolérance, sont des ouvertures pratiquées dans un mur et destinées exclusivement à éclairer les appartements. Elles ne laissent pas passer l'air, et ne permettent que difficilement de jeter les regards sur l'héritage voisin.

Les vues sont des ouvertures qui laissent pénétrer à la fois l'air et la lumière, et qui permettent de plus « d'avoir un regard pénétratif sur l'héritage d'autrui» (cout. d'Orléans, art. 229).

On voit par ces définitions que les vues sont beaucoup plus gênantes pour les voisins que les jours, et on s'explique ainsi que la loi ait apporté plus de restrictions à l'établissement des vues sur l'héritage d'autrui qu'à celle des jours.

La question générale qu'a pour but de résoudre notre section est celle de savoir si le propriétaire d'un mur situé à peu de distance de l'héritage voisin a le droit d'ouvrir dans ce mur des jours ou des vues. Nous distinguerons à ce sujet,avec la loi elle-même, suivant que le mur est mitoyen ou non.

A. Le mur est mitoyen.

1323. Aux termes de l'article 675: « L'un des voisins ne peut, sans le » consentement de l'autre, pratiquer dans le mur mitoyen aucune fenêtre » ou ouverture, en quelque manière que ce soit, même à verre dor> mant. »

« Même à verre dormant ». Cette dernière restriction fut introduite sur les observations de Treilhard, malgré la proposition contraire de Tronchet. Le verre dormant est un verre fixé dans un châssis qui ne peut pas s'ouvrir.

Le motif de notre disposition avait déjà été donné en ces termes par Pothier: «Le mur mitoyen étant fait pour s'enclore et pour qu'on y appuie ce qu'on juge à propos d'y appuyer, il s'ensuit que chacun des voisins ne peut, sans le consentement de l'autre, s'en servir pour d'autres usages; c'est pourquoi il ne peut, sans le consentement de l'autre, y faire des trous ou fenêtres sur l'héritage du voisin ». A cela on peut ajouter que, s'il en était autrement, il y aurait appropriation exclusive du mur mitoyen au profit de l'un des voisins au point où le mur est percé; l'autre voisin ne pourrait plus se servir du mur à cet endroit pour un usage quelconque.

Cependant la faculté d'avoir un jour ou une vue dans un mur mitoyen peut être acquise : 1o par titre, c'est-à-dire par convention ou par testament; 2o par la prescription qui sera accomplie lorsque le voisin aura laissé subsister les ouvertures pendant trente ans. Dans ces deux cas, le mur mitoyen est grevé d'une véritable servitude.

B. Le mur n'est pas mitoyen.

1324. D'après les principes généraux, le propriétaire exclusif d'un

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