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est prescriptible; et le passage doit être continué, quoique l'action en indemnité ne soit plus recevable.

d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu.

L'action en indemnité dans le cas prévu par l'article 682 est prescriptible; et le passage doit être continué, quoique l'action en indemnité ne soit plus recevable.

Le

1333. Conditions requises pour que le passage soit dû. droit de passage n'existe qu'au profit des fonds enclavés. Le nouvel article 682, tranchant le doute qu'avait fait naître à ce sujet la rédaction de l'ancien, décide qu'il y a lieu de considérer comme tels, non seulement les fonds qui n'ont aucune issue sur la voie publique, mais aussi ceux qui ont une issue insuffisante pour leur exploitation. Tel serait le cas où un fonds que le propriétaire veut vouer à la culture des céréales ne communiquerait avec la voie publique que par un sentier praticable pour les piétons seulement. Au surplus, sous l'empire de la loi nouvelle comme sous l'empire de l'ancienne, on ne devrait pas considérer comme enclavé hoc sensu le fonds qui a une issue suffisante pour son exploitation, mais incommode, ou le fonds auquel il est possible de procurer cette issue en faisant des travaux qui ne sont pas en disproportion avec le résultat à obtenir, par exemple en jetant un pont sur un petit cours d'eau. Le passage que la loi accorde est un passage de nécessité, et non un passage d'utilité, encore bien moins un passage de commodité ou d'agrément.

Bien que l'ancien article 682 accordât, dans les termes les plus généraux, le droit de passage pour l'exploitation du fonds enclavé, quelques auteurs, se fondant principalement sur ce que la loi paraissait viser uniquement les rapports des propriétaires ruraux et l'intérêt de l'agriculture, pensaient que le passage ne pouvait être réclamé que pour l'exploitation agricole du fonds, et non pour son exploitation industrielle. La nouvelle rédaction de l'article 682, qui parle de l'exploitation soit agricole, soit industrielle du fonds enclavé, condamne cette interprétation qui n'avait trouvé qu'un faible écho dans la doctrine et que la jurisprudence avait toujours repoussée. Ainsi le droit de passage établi par nos articles peut être réclamé aussi bien pour l'exploitation d'une carrière ou d'une tourbière que pour la culture des terres.

On est d'ailleurs d'accord pour reconnaître que le droit de passage peut être réclamé soit par le propriétaire du fonds enclavé, soit par l'usufruitier ou l'usager de ce fouds qui ont un droit réel, mais non par le fermier qui n'a qu'un droit personnel.

1334. Assiette de la servitude de passage.

La loi statuant

dans les termes les plus généraux, aucun fonds ne saurait être, à raison de sa nature, affranchi de la servitude légale qui nous occupe. Ainsi elle grève les héritages clos comme ceux qui ne le sont pas. La loi n'excepte même pas, comme elle le fait ailleurs (1. du 29 avril 1815, art. 1er), les cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habitations. Notre servitude grève aussi les immeubles dotaux, bien qu'ils soient inaliénables (art. 1554). Elle grève enfin les fonds de terre faisant partie du domaine privé de l'Etat, et même, d'après quelques auteurs, ceux qui font partie du domaine public.

Il peut y avoir plusieurs fonds voisins susceptibles de fournir le passage. Il faut d'abord déterminer celui auquel cette charge sera imposée. Ce premier point une fois réglé, il faut encore fixer la partie du fonds sur laquelle la servitude sera assise, qui lui servira d'assiette? Comment parviendra-t-on à cette double détermination? Le nouvel article 683 dit à ce sujet dans son alinéa ler: « Le passage doit régulièrement être pris » du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique ». Voilà le principe. Il comporte deux exceptions.

PREMIÈRE EXCEPTION. La loi autorise le juge à déroger à notre règle dans l'intérêt du propriétaire du fonds qui offre le trajet le plus court pour gaguer la voie publique. « Néanmoins, dit l'article 683, al. 2, il (le » passage) doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur » le fonds duquel il est accordé. » C'est la reproduction littérale de l'ancien article 682. Ainsi le juge pourra ordonner que le passage ne sera pas exercé en suivant inflexiblement la ligne la plus courte du fonds enclavé à la voie publique, si on se trouve ainsi conduit à traverser une cour, un jardin ou un parc... On décidait même sous l'empire de l'ancien article 682, et on doit décider encore sous l'empire de la loi nouvelle que le juge peut imposer la servitude de passage à un fonds autre que celui qui offre le trajet le plus court, si la servitude doit être beaucoup plus onéreuse pour le propriétaire de ce dernier que pour celui du fonds voisin. On décidait enfin, en se conformant à l'esprit de la loi plutôt qu'à ses termes, et on doit décider encore, que le juge pourrait déroger à notre règle dans l'intérêt du propriétaire du fonds enclavé, aussi bien que dans l'intérêt du propriétaire du fonds qui doit le passage. Ainsi le juge pourra ordonner qu'on s'écarte de la ligne la plus courte, si l'indemnité à payer pour établir le passage en suivant cette ligne est beaucoup plus considérable, à raison de la valeur du terrain, que l'indemnité qu'il faudra payer pour établir le passage sur une autre partie du même fonds ou même sur un fonds voisin.

DEUXIÈME EXCEPTION. Elle résulte du nouvel article 684. Toutes les fois que l'enclave provient de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage

ne peut être établi que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes. Ainsi, par suite d'un partage, un terrain confinant à un chemin est divisé en plusieurs parcelles dont quelques-unes se trouvent désormais séparées de la voie publique par les autres : c'est sur ces dernières que le passage sera dû en faveur des premières. De même, si, à la suite d'une vente portant sur une partie d'un fonds, la portion vendue se trouve enclavée, le vendeur devra un passage à l'acheteur sur la portion qu'il conserve. En sens inverse, le vendeur pourra exiger que l'acheteur lui fournisse un passage, si c'est la portion qu'il conserve qui se trouve enclavée par suite de la vente.

C'est donc seulement lorsque l'enclave résulte d'un cas fortuit, comme le changement de lit d'un fleuve, ou bien lorsqu'elle existe depuis un temps immémorial, de telle sorte qu'il est impossible d'en déterminer la cause, que le propriétaire du fonds enclavé peut réclamer le droit de passage accordé par nos articles. Les parties ne peuvent pas faire subir aux voisins les conséquences d'une enclave qui résulte de leur fait.

* A cette raison d'équité, il faut en ajouter d'autres tirées des principes juridiques. Dans un partage, les parties se doivent réciproquement garantie de la propriété des biens mis dans leur lot. Il s'agit là évidemment d'une propriété utile, par conséquent d'une propriété que l'on peut exploiter, à laquelle on peut parvenir. Si donc le bien mis dans un lot est enclavé par suite du partage, les copartageants devront procurer, sur les biens à eux échus, le passage jusqu'à la voie publique. La même obligation de garantie, avec les mêmes conséquences, existe dans la vente et dans l'échange. De plus, l'article 1615 impose au vendeur l'obligation de livrer la chose avec ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel, donc avec le passage indispensable, si le bien vendu est enclavé par suite de la vente. Ce sont ces raisons si décisives qui avaient déjà déterminé la plupart des auteurs et la jurisprudence à adopter cette solution, que le nouvel article 684 a consacrée législativement.

Cependant on revient au Droit commun, à l'application de l'article 682, lorsqu'un passage suffisant ne peut être établi sur les terrains ayant fait l'objet des conventions qui sont la cause de l'enclave. C'est ce que nous dit le 2o alinéa du nouvel article 684; c'est aussi ce que décidait déjà la jurisprudence (Cass., 25 février 1874, Dalloz, 1876. I. 78). Le cas semble d'ailleurs être de nature à ne pouvoir se présenter que

rarement.

1335. De l'indemnité. L'enclave ne donne droit au passage sur les fonds voisins que moyennant une indemnité. Elle doit être proportionnée, non au profit que le passage procurera au propriétaire du fonds enclavé, mais au préjudice qu'il causera au propriétaire sur le fonds duquel il s'exercera (art. 682). Le montant en est réglé par la justice. sur expertise, si les parties ne peuvent pas s'entendre pour le déterminer à l'amiable. On peut induire par argument a fortiori de l'article 545 que le paiement de cette indemnité doit être préalable à l'exercice du droit

de passage. Aucune indemnité n'est due en principe pour le droit de passage réclamé à la suite d'une enclave provenant d'un contrat, conformément à l'article 684. La concession du passage étant alors une obligation résultant de l'engagement des parties, doit être gratuite, sauf convention contraire.

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1336. De la prescription. Si le propriétaire d'un fonds enclavé a passé pendant trente ans sur un fonds voisin en l'absence de toute convention ou de tout règlement judiciaire, cet usage trentenaire aura produit à son profit deux effets importants, qu'indique le nouvel article 685 1o déterminer l'assiette et le mode de la servitude de passage; 2o libérer le propriétaire du fonds enclavé de l'obligation de payer l'indemnité due aux termes de l'article 682.

1337. PREMIER EFFET. Après trente ans d'usage continu, l'asssiette et le mode de la servitude de passage sont définitivement établis.

L'assiette, c'est-à-dire le fonds et même la partie de ce fonds sur laquelle la servitude sera désormais définitivement assise. Ici comme ailleurs la prescription transforme le fait en droit. Quelques doutes s'étaient élevés sur ce point sous l'empire du Code civil; la loi nouvelle les fait disparaître.

Remarquez que la prescription ne fait pas acquérir ici le droit de passage (car ce droit existe en vertu des seules dispositions de la loi); elle fait acquérir le droit de passer sur tel fonds et sur telle partie déterminée de ce fonds. Tant que la prescription n'est pas accomplie, le propriétaire du fonds sur lequel le passage est exercé peut soutenir, soit que la servitude doit être exercée sur une autre partie de son fonds, soit qu'elle doit être exercée sur un fonds autre que le sien. Il ne peut plus élever l'une ou l'autre prétention après trente ans d'usage continu. La loi considère son silence prolongé comme impliquant un consentement tacite au maintien de l'état de choses actuel qu'il a toléré pendant si longtemps.

Le mode de la servitude. La loi désigne par ces mots la façon de passer à pied, avec du bétail, en charrette... Avant que la prescription soit accomplie, le propriétaire du fonds sur lequel le passage est exercé peut, tout en reconnaissant qu'il doit la servitude, contester l'étendue que le propriétaire du fonds enclavé prétend lui donner, soutenir par exemple qu'un passage à pied suffit pour l'exploitation du fond enclavé, quand le propriétaire de celui-ci soutient qu'il a besoin d'un passage à cheval ou avec charrette. Une fois la prescription accomplie, il ne peut plus élever aucune contestation sur ces divers points.

sage.

1338. DEUXIÈME EFFET. L'usage trentenaire du droit de passage entraîne l'extinction de l'action en indemnité appartenant au propriétaire sur le fonds duquel il a été exercé.

Il est incontestable que le droit à l'indemnité est perdu, si le passage a été exercé pendant trente ans à compter d'un règlement conventionnel ou judiciaire déterminant, soit l'assiette du passage et le montant de l'indemnité tout à la fois, soit l'assiette du passage seulement, la question d'indemnité étant réservée. Dans l'un et l'autre cas, le droit à l'indemnité était né au profit du propriétaire du fonds sur lequel le passage a été exercé, et il doit nécessairement se prescrire par trente ans d'inaction conformément au Droit commun (art. 2262).

Mais il faut aller plus loin, et décider que le droit à l'indemnité est éteint par l'usage trentenaire, même quand le passage a été exercé en l'absence de tout règlement, soit quant à l'assiette de la servitude, soit quant à l'indemnité. Dès le jour en effet où le passage a été exercé sur l'un des fonds voisins, une action est née au profit du propriétaire de ce fonds pour réclamer une indemnité. S'il reste pendant trente ans sans l'exercer, son droit sera éteint par la prescription (arg., art. 2262). La solution que nous venons de donner a été vivement contestée sous l'empire du Code civil, et elle pourra l'être encore sous l'empire de la loi nouvelle qui s'est bornée à reproduire purement et simplement sur ce point l'ancien article 682. On a soutenu, et on peut soutenir encore aujourd'hui, que la prescription de l'action en indemnité ne peut commencer à courir qu'à compter du jour où un règlement a fixé le montant de l'indemnité ou tout au moins l'assiette de la servitude. En effet, a-ton dit, l'enclave ne crée pas ipso jure le droit de passage; elle donne seulement la faculté de l'acquérir par une sorte d'expropriation des propriétaires voisins. Cela est si vrai que l'article 682 permet au propriétaire dont le fonds est enclavé de « réclamer » ce passage; s'il doit le réclamer, c'est qu'il ne l'a pas déjà de plein droit. Or, si le droit de passage n'est obtenu que par une convention ou une décision judiciaire, il est bien évident que l'action en indemnité, qui en est la conséquence, ne commencera elle-même à se prescrire que du jour de cette convention ou de cette décision de justice. Observons tout d'abord que l'argument tiré du mot réclamer n'est pas très-concluant; on peut aussi bien dire qu'on ne réclame que ce qui vous appartient, et que la loi, si elle avait le sens qu'on lui attribue, aurait employé plutôt le mot obtenir, ou tout autre équivalent. De plus, l'article 685 combat, par son texte même, la théorie que nous venons d'exposer. La loi nous indique comme étant prescriptible « l'action en indemnité », c'est-à-dire le droit de demander une indemnité, d'en faire fixer une. Or, du jour où il est intervenu une convention ou une décision judiciaire relativement à l'indemnité, il ne peut plus être question de l'action en indemnité, dont le but est déjà atteint par la convention ou le jugement, mais d'une action en paiement de l'indemnité. Et il est bien évident que la loi, dans l'article 685, n'a pu se préoccuper de cette dernière; il eût été parfaitement inutile de dire que l'indemnité dont il s'agit une fois déterminée, l'action pour en exiger le paiement était prescriptible par trente ans.

1339. En dehors du cas d'enclave, le droit de passage est encore accordé dans quelques hypothèses spéciales.

4° Toute personne peut passer sur les héritages bordant une voie publique devenue impraticable, alors même qu'ils seraient clos et quel que soit leur état de culture. C'est à la commune de payer, en pareil cas, l'indemnité due aux propriétaires riverains du chemin impraticable (1. des 28 septembre-6 octobre 1791, tit. II, art. 41, et 1. 24 mai 1836, art. 1er).

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