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spécialement consacrée aux données historiques, aux controverses, aux questions de détail, est imprimée en caractères plus fins. Elle contient un certain nombre de numéros et d'alinéa marqués d'un astérisque; ces passages sont consacrés à l'examen des questions les plus difficiles.

Et maintenant voici la manière de mettre cette méthode en action. Une première fois, on peut se borner à lire la partie du livre imprimée en gros caractères, qui à elle seule forme un tout complet. La seconde lecture comprendra la totalité de l'ouvrage, à l'exception seulement des passages marqués d'un astérisque, qui sont plus spécialement écrits pour les aspirants au doctorat. Toutefois les élèves laborieux, qui préparent leur licence, feront bien de les comprendre dans une troisième lecture, dans laquelle il n'y aura plus rien à omettre (1); ils y puiseront une science plus profonde du Droit civil avec d'autant moins de peine qu'ils s'y seront graduellement élevés.

Ainsi, grâce à cette disposition, le Précis de Droit civil présente en quelque sorte trois ouvrages réunis en un seul, trois ouvrages parfaitement distincts et qu'on peut lire séparément suivant le degré de ses connaissances acquises ou de celles qu'on veut acquérir.

Ce procédé m'a permis de mesurer la difficulté du sujet sur les connaissances et les forces du lecteur, qui n'abordera les questions complexes qu'après avoir appris les notions simples dans une première lecture. Il offre aussi l'avantage de mieux graver dans la mémoire, de rendre plus familier par une double ou une triple lecture ce qui a besoin d'être mieux connu, ce qui forme la base de l'enseignement oral, c'est-àdire les principes et le sens des textes. Enfin les étudiants, qui suivent les cours, pourront aisément, en lisant avant la

(1) Le commentaire du Titre préliminaire du Code civil présente un certain nombre de numéros et d'alinéa, qui sont marqués d'un astérisque, quoiqu'imprimés en gros caractères. Ils doivent être réservés pour la troisième lecture. Des difficultés typcgraphiques m'ont seules empêché de les faire imprimer en fins caractères, conformément au plan général que j'ai adopté.

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leçon du maître la partie générale, celle imprimée en gros caractères, prendre d'avance un aperçu des matières qu'il doit traiter.

Dans ces dernières années, notre législation civile a subi quelques réformes, a reçu quelques compléments. Est-il besoin de démontrer l'utilité, la nécessité même qu'il y a, à ce que des livres d'enseignement, qui s'adressent à des esprits encore inexpérimentés, soient autant que possible au courant de ces changements législatifs? Mon ouvrage doit à la date de sa publication le facile mais non moins précieux mérite de les indiquer: on y trouve, avec le commentaire du Code civil, l'explication de toutes les lois, même les plus récentes, qui s'y rattachent. Ainsi le premier volume expose la dernière législation sur l'acquisition de la qualité de Français, les lois de 1871 et de 1872 concernant les actes de l'état civil. Il contient aussi la théorie de la loi du 27 février 1880, sur l'aliénation des valeurs mobilières appartenant aux mineurs et aux interdits. Le premier, il indique enfin les modifications profondes que la loi des 29 juillet-25 août 1881 a apportées aux dispositions du Code civil relatives à la mitoyenneté des clôtures, aux plantations et aux droits de passage en cas d'enclave.

J'ai suivi le plan adopté par les rédacteurs du Code civil, sans m'astreindre toutefois à observer l'ordre des articles compris dans une division déterminée. Je n'ignore pas les critiques qu'on a adressées à la méthode de la loi; mais j'ai pensé qu'il y aurait de graves inconvénients à la modifier trop profondément dans une œuvre principalement destinée aux étudiants.

Les articles du Code civil sont reproduits en caractères italiques, entre guillemets: notation peu usitée en imprimerie. Je l'ai employée pour mettre plus en relief les textes qui font l'objet de mes développements.

J'indique presque partout dans quel sens se sont fixées la doctrine et la jurisprudence. Mais, pour ne pas faire perdre à

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mon ouvrage son caractère de précis, je me suis borné à citer les arrêts les plus nouveaux, ceux qui ne se trouvent pas signalés dans les traités de Droit civil publiés jusqu'à présent. J'ai rarement aussi rapporté les noms des auteurs. A ceux qui pourraient s'en étonner, je rappellerai que j'ai voulu composer avant tout un livre élémentaire; la connaissance sur chaque controverse de la bibliographie juridique n'a pour des élèves qu'une utilité secondaire. Quant à ceux qui voudront approfondir une question, ils trouveront dans une des volumineuses publications dont le Code civil a fait l'objet toutes les indications nécessaires.

Le Précis de Droit civil, une fois terminé, comprendra trois volumes; chacun d'eux correspond aux trois examens de la licence.

Dans la composition d'une œuvre de cette étendue, j'ai été dirigé par le désir et soutenu par l'espérance de rendre l'étude du Droit plus accessible à la jeunesse de nos Ecoles. Aussi est-ce à elle que je dédie mon ouvrage, cupidæ legum juventuti! Mes efforts seront largement payés, si j'ai réussi à lui aplanir les voies d'une science, qui ne doit en très-grande partie d'être réputée aride et difficile qu'à la manière dont elle est présentée.

INTRODUCTION

CHAPITRE I

DU DROIT EN GÉNÉRAL

§ I. Définition du Droit et de la loi.

1. Définition du Droit. - Le mot Droit a divers sens.

a). Considéré comme objet d'étude, le Droit est la science des lois. Les lois qui forment la matière de la science du Droit devant toujours être conformes à la justice, les jurisconsultes Romains ont pu dire avec exactitude que le Droit, Jus, est la science du juste et de l'injuste, justi atque injusti scientia.

Ceux qui, ayant fait du Droit une étude approfondie, sont passés maîtres en cette science, sont désignés sous le nom de Jurisconsultes (jurisconsulli, jurisperiti).

b). Dans un deuxième sens, le mot Droit est pris comme synonyme de loi, par exemple quand on dit : cette décision est conforme au Droit.

c). Enfin le mot Droit sert aussi à désigner les facultés ou avantages accordés par la loi. On dit en ce sens le droit de tester, le droit d'adopter, le droit de succéder.

2. Définition de la loi. Dans le sens le plus large, on comprend sous le nom de lois toutes les règles qui gouvernent le monde; la matière a ses lois comme les êtres animés. Dans un sens plus restreint, le mot lois ne comprend que les règles de conduite qui gouvernent l'homme, c'est-à-dire les lois morales particulières à l'homme; ce sont les seules qui font l'objet de la science du Droit, les seules par conséquent qui intéressent le jurisconsulte. Et encore la science du Droit ne les comprend-elle pas toutes indistinctement. Les lois qui règlent la conduite intérieure de l'homme, c'est-à-dire sa conduite envers Dieu ou envers lui-même, échappent à son domaine pour tomber dans celui de la Morale ou de la Religion. Il reste les lois qui règlent la conduite extérieure de l'homme, c'est-à-dire sa conduite à l'égard de ses sembla

bles. Seules elles appartiennent à la science du Droit et elles ne lui appartiennent pas toutes.

La loi a un caractère obligatoire. Ce caractère justifie l'étymologie que quelques-uns donnent au mot loi qu'ils font dériver du latin ligare, lier. D'autres pensent que le mot loi vient de legere, choisir, parce que le législateur choisit parmi les règles de conduite celles qu'il considère comme les meilleures.

La loi est obligatoire pour tous. Lex est commune præceptum. Elle diffère en cela de l'ordre ou du précepte qui n'est obligatoire que pour quelques-uns. Exemple : les ordres donnés par un chef d'administration à ses subordonnés.

Tels sont les caractères de la loi considérée comme matière de la science du Droit. On peut en donner la définition suivante : la loi est une règle de conduite extérieure obligatoire pour tous.

3. Le pouvoir de faire la loi ou pouvoir législatif est un des attributs de la souveraineté nationale. La souveraineté nationale, c'est la toutepuissance humaine. Elle comprend, outre le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif ou pouvoir de faire exécuter la loi. Ce dernier se subdivise en pouvoir d'administrer et pouvoir de juger ou pouvoir judiciaire. L'acte, qui détermine à qui appartiennent ces trois pouvoirs, porte le nom de Constitution. La meilleure constitution est celle qui les répartit le mieux.

4. Il ne suffit pas de faire des lois, il faut en assurer l'exécution; sans cela la loi resterait imparfaite, minus quam perfecta, dit Ulpien. Le moyen employé pour assurer l'exécution de la loi porte le nom de sanction. Les lois divines ont une sanction toute morale, l'espoir des récompenses divines, la crainte de châtiments dans une autre vie, le remords de la conscience, la satisfaction du devoir accompli. Il en est autrement des lois humaines. Leur sanction varie suivant la nature de la loi dont il s'agit d'assurer l'exécution; elle consiste le plus ordinairement, soit dans une peine prononcée contre celui qui viole la loi, soit dans la nullité des actes faits en violation de la loi.

5. Les lois sont dites:

Impératives, quand elles commandent quelque chose; telles sont les lois qui obligent les citoyens au paiement des impôts ou au service militaire.

Permissives, quand elles permettent quelque chose; telle est la loi qui permet sous certaines conditions de se marier ou d'adopter ou de faire un testament.

Prohibitives, quand elles défendent quelque chose. Toutes les lois pénales sont des lois prohibitives. Elles défendent, au moins implicitement, d'accomplir certains faits qualifiés infractions, et prononcent une

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