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Je n'ai pas la prétention de changer les convictions faites; dès qu'elles sont des convictions, je les respecte; je prie les hommes honorables qui ne sont pas dans mes idées de lire attentivement les documents historiques que je mets sous leurs yeux. Nous appartenons tous à une même patrie; nous avons tous le même but, sa grandeur, sa gloire, et je suis convaincu que les esprits les plus prévenus gémissent comme moi de la triste tendance qu'a prise l'histoire dans ces derniers temps.

Ce travail, je l'offre donc comme un recueil de pièces. Quels que soient nos orgueils d'auteur, nous passerons tous, tous, avec nos amours-propres el nos prétentions plus ou moins grandes à la postérité. Ce qui restera de nos œuvres, ce sont les documents; conservons-les intacts pour les générations futures; n'ayons qu'une grande passion, l'amour de la France, de la couronne qui la pro

tége, et de cette politique de restauration qui respecte le droit public européen afin que ce droit public, à son tour, nous respecte dans notre grandeur comme nation et notre destinée comme peuple.

Paris, mai 1847.

HISTOIRE

AUTHENTIQUE ET SECRÈTE

DES TRAITÉS DE 1815.

Les traités de 1815 où (pour parler plus exactement la langue diplomatique) la convention du 20 novembre 1815 et les annexes qui l'accompagnèrent, excitent en ce moment une curiosité attentive, parce qu'ils se lient aux plus chers intérêts des gouvernements et des peuples.

L'Europe fonde son droit public sur ces traités en ce qui touche ses rapports avec la France; et, puisqu'il faut le dire, elle en fait la condition de la paix générale. Je ne crois pas qu'elle souffrit, sous un prétexte même sérieux, que les moindres clauses en fussent violées ou méconnues; tout vote hasardé sur ce point serait une faute et un danger. La condition impérative de l'heureux état de paix maintenu en 1850 a été l'obligation de respecter les traités de 1815; toutes les con

ventions subséquentes ont eu pour base ces actes diplomatiques, et l'on espérerait en vain, par des paroles hautaines ou imprudentes, détacher du faisceau une des puissances signataire de ces traités. Toutes y sont également intéressées, aussi bien l'Angleterre que la Russie, les petites puissances que les grandes. Les clauses ont été si parfaitement entendues contre le réveil de notre fortune, que les États intermédiaires sont même matériellement plus intéressés au maintien de ces traités que les grandes puissances. Il suffit de jeter les yeux sur une carte pour voir qu'on nous a entourés d'États de second ordre que nous avons intérêt à ménager : au midi, le Piémont, la Suisse; au centre, Bade, le Wurtemberg, la Bavière; au nord, la Belgique et la Hollande. La seule grande puissance qui nous avoisine, c'est la Prusse, constituée militairement contre nous et qu'à tout prix nous devrions garder neutre dans un conflit européen.

Ajoutons ceci pour l'instruction de tous, que, par rapport à ces traités existants et impératifs, il n'y aurait aucune dissidence à l'étranger dans les diverses opinions qui partagent les classes et les partis: whigs ou tories en Angleterre, absolutistes ou patriotes en Allémagne, prendraient également fait et cause contre nous dans le cas où l'on en méconnaîtrait la moindre clause; alors ce serait une ligue de tous contre un, ligue sérieuse, sans aucune de ces dissidences qui facilitèrent nos triomphes depuis 1792.

Le gouvernement aurait tort néanmoins de se dissimuler qu'en France une grande irritation se révèle toutes les fois que les traités de 1815 sont rappelés dans leurs clauses fatales. Qui pourrait nous en faire un reproche? N'est-ce pas l'expression d'uñ juste patriotisme, un écho de ce sentiment de nationalité, feu sacré qu'un pouvoir doit toujours respecter? De ce que la fortune nous fut alors défavorable; il ne faut rien en conclure contre notre gloire; il se mêle uií frémissement général au souvenir de 1815, et le gouvernement, tout en sachant le respect qu'il doit à la foi jurée, n'est pas toujours maître de contenir ces répulsions spontanées de tout un peuple.

Aussi la situation, en ce qui touche ces traités, est délicate, car elle tient à l'honneur, si l'on veut, à l'orgueil d'un grand peuple, et les hommes d'État de l'Europe doivent me comprendre. Toutes les fois qu'un gouvernement est placé dans l'alternative, ou de violer la foi jurée, ou de déplaire à l'opinion nationale, il est obligé de ménager chaque événement et de louvoyer entre toutes les situations; il ne faut pas qu'on le presse trop dans ces étreintes.

Je me propose de définir et de pénétrer cette situation en retraçant l'histoire authentique des traités de 1815, de leurs causes et des négociations secrètes qui en préparèrent la signature. Je voudrais inspirer aux cabinets plus de ménagements pour nos susceptibilités

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