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cent XII, dont la conformité avec les décrets du concile œcuménique de Vienne est assez connue.

Pour ne laisser aucun lieu à tant d'explications, où les défenseurs du livre sembloient mettre leur confiance, sa Sainteté a expliqué qu'elle en condamnoit les propositions, soit dans leur sens qui se présente d'abord, OBVIO SENSU, soit à raison de la connexion des opinions, SIVE EX CONNEXIONE SENTENTIARUM: par où le saint Pontife fait sentir que, non content de condamner le sens naturel qui paroît d'abord dans le livre, il en a voulu pénétrer à fond toute l'intention, dans la liaison de ses principes.

L'auteur du livre, selon la promesse qu'on a pu voir dans sa lettre à sa Sainteté en avoit envoyé à Rome la traduction latine tournée en explications adoucies. Mais le pape, sans s'y arrêter, non plus qu'à celles qu'il insinuoit dès sa lettre, condamne ce livre au sens naturel que l'original françois présentoit, et en quelque langue qu'il soit imprimé, QUOCUMQUE IDIOMATE: ce qui comprend même le texte latin, sur lequel l'auteur avoit demandé d'être jugé.

Le roi, dont le zèle et la piété égalent la pénétration et les lumières, et qui n'avoit demandé au pape qu'une décision prompte et précise, reçut avec une joie digne du fils aîné de l'Eglise, l'exemplaire du décret du pape que monseigneur Delphini, nonce de sa Sainteté, aujourd'hui cardinal, remit entre les mains de sa majesté, et le même ministre lui présenta peu de temps après le bref qui s'ensuit, du 31 de mars 1699.

INNOCENTIUS PAPA XII.

Charissime in Christo fili noster, salutem et apostolicam benedictionem. Novum ac præclarum specimen illius pietatis quam semper Majestas Tua præ-fert, potissimum verò ubi de catholicæ veritatis integritate agitur, percepimus ex regiis tuis ad nos litteris, sextâ decimâ labentis martii datis, quibus profiteris te summo studio præstolari hujus sanctæ Sedis judicium super doctrina contenta in libro antistitis Cameracensis, atque à nobis enixè postulas, ut moram omnem atque obicem, si quem fortè ab aliquibus interponi contigisset, quominùs definitiva prodiret sententia, removere auctoritate nostrā

INNOCENT PAPE XII.

Notre très-ther fils en Jésus-Christ, salut et bénédiction apostolique. Nous avons reçu une nouvelle et signalée preuve de la piété dont votre Majesté fait toujours profession, principalement quand il s'agit de l'intégrité de la foi catholique, par sa lettre du 16 du présent mois de mars, dans laquelle vous nous assurez que vous attendez avec une extrême impatience le jugement du saint Siége, sur la doctrine contenue dans le livre de l'archevêque de Cambrai, et vous nous priez instamment d'empêcher, par notre autorité tous les délais, et de lever tous les obstacles que certaines personnes auroient pu faire naître, pour retarder la publication de notre sentence

velimus. Sanè ex ipso decreto quod nuper evulgari statimque ad te deferri jussimus, te jam cognovisse arbitramur, quæ fuerit ea in re obeundi muneris nostri justisque petitionibus tuis annuendi, pontificia nostra sollicitudo, cui profectò respondisse zelum eorum, quibus aut discutiendi aut promovendi hujusmodi negotii provincia demandata erat, persuasum te omnino esse volumus; Majestati interim Tuæ uberem bonorum copiam ab eorumdem largitore Deo precamur, et apostolicam benedictionem amantissimè impertimur. Datum Romæ apud Sanctam-Mariam-Majorem sub annulo Piscatoris, die 31 martii 1699, pontificatûs nostri anno octavo.

Et au dos,

Sign. ULYSSES-JOSEPH GOSSADInus.

Charissimo in Christo filio nostro LUDOVICO Francorum regi Christianis

simo.

définitive. Mais nous croyons que vous savez à présent, par le décret que nous venons de publier, et que nous avons donné ordre de vous remettre aussitôt entre les mains, quelle a été en cette occasion notre sollicitude pastorale à remplir nos devoirs et à satisfaire à vos justes instances. Vous devez aussi être persuadé que ceux qui ont été chargés de l'examen de cette affaire et d'en avancer le jugement, y ont correspondu avec zèle. Cependant nous prions Dieu, auteur de tout bien, de combler de ses grâces votre Majesté; et nous vous donnons de bon cœur notre bénédiction apostolique. Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, sous l'anneau du pêcheur, le 31 jour de mars 1699, et le huitième de notre pontificat.

Et au dos,

Signé ULYSSES-JOSEPH GOSSADINO.

A notre très-cher fils en Notre-Seigneur Jésus-Christ, LOUIS, roi de France trèschrétien.

Ce bref fait voir le grand zèle de sa Majesté à procurer de la part du saint Siége une prompte décision de cette importante affaire, sans entrer dans le fond de la matière, dont elle attendoit le jugement de sa Sainteté ; et en même temps le soin particulier que le pape a eu de faire porter au roi la décision aussitôt qu'elle fut prononcée, ainsi que monseigneur le nonce l'avoit exécuté.

Avant que ce bref du pape eût pu arriver en France, sa Majesté avertie, comme on vient de voir, du jugement du saint Siége, en témoigna sa joie au saint Père par cette lettre en date du 6 avril 1699.

LETTRE de la main du Roi au Pape.

TRÈS-SAINT PÈRE,

Après avoir reçu par le nonce de votre Sainteté la part qu'elle m'a fait donner de son jugement sur le livre de l'archevêque de Cambrai, je n'ai pas voulu différer à la remercier des peines et de l'application que le zèle infatigable de votre Béatitude lui a fait apporter à la discussion de cette affaire. Les instances que j'ai faites à votre Sainteté pour terminer au plus tôt cette dispute, étoient fondées sur la parfaite connoissance que j'avois du préjudice qu'elle causoit au bien de l'Eglise. L'intérêt que je prends à sa tranquillité

m'oblige également à rendre des actions de grâces à votre Béatitude de l'avoir enfin procurée. Il me reste à souhaiter que votre Sainteté puisse voir longtemps l'heureux fruit des soins qu'elle donne au gouvernement de l'Eglise, et qu'il plaise à Dieu d'accorder aux prières des fidèles la conservation d'un aussi grand Pape. Votre Sainteté doit être persuadée que j'y prends un intérêt particulier et personnel, et que je suis avec vénération, très-saint Père, votre très-dévot fils.

Signé LOUIS.

Cette lettre sera un monument éternel à la postérité, de la piété d'un grand Roi, et la part qu'elle lui a fait prendre à la tranquillité rendue à l'Eglise, qui avoit été altérée et le pouvoit être beaucoup plus par cette dispute, si elle n'avoit été si heureusement terminée.

La même lettre justifie encore la grande estime et l'affection filiale de Louis le Grand envers Innocent XII. Ce qui console et réjouit les vrais chrétiens, et sera d'un grand exemple aux siècles futurs.

Dieu donnoit une visible bénédiction à cet ouvrage ; la constitution du saint Père fit tout son effet sur l'esprit de monseigneur l'archevêque de Cambrai, qui, sans hésiter, déclara sa soumission absolue et sans réserve en ces termes :

MANDEMENȚ de monseigneur l'archevêque-duc de Cambrai.

FRANÇOIS, par la miséricorde de Dieu et la grâce du saint Siége apostolique, archevêque-duc de Cambrai, prince du saint empire, comte du Cambrésis, etc., au clergé séculier et régulier de notre diocèse, salut et bénédiction en NotreSeigneur.

Nous nous devons à vous sans réserve, mes très-chers Frères, puisque nous ne sommes plus à nous, mais au troupeau qui nous est confié. Nos autem servos vestros per Jesum. C'est dans cet esprit que nous nous sentons obligés de vous ouvrir ici notre cœur, et de continuer à vous faire part de ce qui nous touche sur le livre intitulé: Explication des Maximes des Saints. Enfin notre saint Père le pape a condamné ce livre avec les vingt-trois propositions qui en ont été extraites par un bref daté du douze mars qui est maintenant répandu partout, et que vous avez déjà vu.

Nous adhérons à ce bref, mes très-chers Frères, tant pour le texte du livre

MANDATUM illustrissimi domini archiepiscopi ducis Cameracensis.

FRANCISCUS, miseratione divinâ et sanctæ Sedis apostolicæ gratiâ, archiepiscopus dux Cameracensis, sancti romani imperii princeps, comes Cameracesii, etc.; clero sæculari et regulari nostræ diœcesis, salutem et benedictionem in Domino.

Vobis, Fratres charissimi, nos totos debemus, quippe non jam nostri, sed gregi credito devoti sumus: Servos autem vestros per Jesum. Sic affecti, quæ nos attinent super libello cui titulus: Placita Sanctorum explicita, apertis præcordiis hic exponendum esse arbitramur.

Tandem opusculum cum XXIII propositionibus excerptis damnatum est brevi Pontificio martii, die 12 dato, quod jam vulgatum legistis.

Cui quidem brevi apostolico tam de libelli contextu, quàm de xxIII propositionibus

que pour les vingt-trois propositions, simplement, absolument et sans ombre de restriction. Ainsi nous condamnons tant le livre que les vingt-trois propositions, précisément dans la même forme, et avec les mêmes qualifications, simplement, absolument, et sans aucune restriction. De plus, nous défendons sous la même peine, à tous les fidèles de ce diocèse, de lire et de garder ce livre.

Nous nous consolerons, mes très-chers Frères, de ce qui nous humilie, pourvu que le ministère de la parole que nous avons reçu du Seigneur pour votre sanctification n'en soit pas affoibli; et que, nonobstant l'humiliation du pasteur, le troupeau croisse en grâce devant Dieu.

C'est donc de tout notre cœur que nous vous exhortons à une soumission sincère, et à une docilité sans réserve, de peur qu'on n'altère insensiblement la simplicité de l'obéissance pour le saint Siége, dont nous voulons, moyennant la grâce de Dieu, vous donner l'exemple jusqu'au dernier soupir de notre vie.

A Dieu ne plaise qu'il soit jamais parlé de nous, si ce n'est pour se souvenir qu'un pasteur a cru devoir être plus docile que la dernière brebis du troupeau, et qu'il n'a mis aucune borne à sa soumission.

Je souhaite, mes très-chers Frères, que la grâce de Notre-Seigneur JésusChrist, l'amour de Dieu et la communication du Saint-Esprit demeure avec vous tous. Amen. Donné à Cambrai, le 9 avril 1699.

Signé FRANÇOIS, archevêque-duc de Cambrai.

simpliciter, absolutè et absque ullà.vel restrictionis umbrâ adhærentes, libellum cum XXIII propositionibus eâdem præcisè formâ iisdemque qualificationibus simpliciter, absolutè et absque ullâ restrictione condemnamus. Insuper et eâdem pœnâ prohibemus ne quis hujus diœcesis libellum aut legat aut domi servet.

Cæterùm, Fratres charissimi, quanquam humiliatur minister, haud deerit solatium, modò verbi ministerium', quod accepit à Domino, non sordescat in illius ore, neque eo minùs grex apud Deum gratiâ crescat.

Porro vos omnes ex animo adhortamur ad sinceram submissionem et intimam docilitatem, ne sensim marcescat illa erga Sedem apostolicam obedientiæ simplicitas, in quâ præstandà, Deo misericorditer adjuvante, ad extremum usque spiritum vobis exemplo erimus.

Absit ut unquam nostri mentio fiat, nisi fortè ut meminerint aliquando fideles, pastorem infimâ gregis ove se dociliorem præbendum duxisse, nullumque obedientiæ limitem fuisse positum.

Oro, Fratres charissimi, ut gratia Domini nostri Jesu Christi, charitas Dei et communicatio Spiritus sancti maneat cum omnibus vobis. Amen. Datum Cameraci, die 9 aprilis 1699.

Signatum FRANCISCUS, archiepiscopus dux Cameracensis.

Les ennemis de l'Eglise parurent surpris d'un changement si soudain et si exemplaire, et ils eussent bien voulu ne le pas croire. Mais l'Eglise qui sait la grâce attachée à l'obéissance, reconnut dans la soumission de cet archevêque, l'effet naturel de l'humilité chrétienne et de la subordination ecclésiastique. Il y a un premier évêque, il y a un Pierre préposé par Jésus-Christ même à conduire tout le troupeau : il y a une mère Eglise qui est établie pour enseigner toutes les

autres; et l'Eglise de Jésus-Christ, fondée sur cette unité comme sur un roc immobile, est inébranlable.

On travailloit cependant à tirer l'utilité qu'on devoit attendre d'une constitution si solennelle, et à assurer par ce moyen la paix de l'Eglise. Le roi par sa piété et par sa droiture se détermina d'abord aux voies les plus canoniques, et les plus conformes à l'ancienne tradition et aux maximes reçues de tout temps dans l'Eglise de son royaume, qui sont aussi celles de l'Eglise universelle. Mais on connoîtra mieux ses intentions par la lettre de sa Majesté, qu'on va transcrire, que par nos paroles.

LETTRE circulaire du Roi aux Métropolitains.

MONSIEUR l'archevêque de...... ou mon cousin, à ceux qui sont cardinaux ou pairs.

Le sieur archevêque de Cambrai ayant porté devant N. S. P. le pape le jugement des plaintes qu'avoit excitées en différents endroits de mon royaume, et particulièrement en ma bonne ville de Paris, le livre qu'il y avoit fait imprimer en l'année 1697, sous le titre d'Explication des Maximes des Saints sur la vie intérieure; Sa Sainteté l'auroit fait examiner avec tout le temps, l'exactitude et l'attention que pouvoient désirer l'importance de sa matière et le caractère de son auteur, et l'auroit enfin condamné par sa constitution en forme de bref du 12 mars dernier, dont le sieur Delphini, son nonce, me seroit venu informer par ses ordres, et m'auroit présenté en même temps un exemplaire de ladite constitution : et j'ai appris dans la suite que ledit sieur archevêque de Cambrai en ayant été informé, avoit voulu être le premier à reconnoître la justice de cette condamnation, et réparer par la promptitude de sa soumission le malheur qu'il avoit eu de l'attirer par les propositions qui étoient contenues dans son livre. Et comme il est également de mon devoir et de mon inclination d'employer la puissance qu'il a plu à Dieu de me donner, pour maintenir la pureté de la foi, et d'appuyer d'une protection singulière tout ce qui peut y contribuer, je vous adresse une copie de ladite constitution de notre saint Père le pape, vous admonestant, et néanmoins enjoignant d'assembler le plus tôt qu'il vous sera possible les sieurs évêques suffragants de votre métropole, afin que vous puissiez recevoir et accepter ladite constitution avec le respect qui est dû à notre saint Père le pape, et convenir ensemble des moyens que vous estimerez les plus propres pour la faire exécuter ponctuellement et d'une manière uniforme dans tous les diocèses; et qu'après que j'aurai été informé de l'acceptation qui en aura été faite, et des résolutions qui auront été prises dans toutes les assemblées qui seront tenues å cette fin, je fasse expédier mes lettres-patentes pour la publication et exécution de ladite constitution dans toute l'étendue de mon royaume, terres, et pays de mon obéissance. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait, Monsieur l'archevêque, ou Mon cousin, en sa sainte et digne garde.

Ecrit à Versailles, le vingt-deuxième jour d'avril mil six cent quatre-vingtdix-neuf.

Et au dos est écrit :

Signé LOUIS: Et plus bas : Colbert.

A mon cousin, etc. ou A monsieur l'archevêque de... etc.

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