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placé a mis fin au compromis, et que tout ce qui a été fait en vertu des pouvoirs conférés aux arbitres, est censé n'avoir point existé.

Par là, comme on le voit, le système dont nous parlons se complique de plus en plus, et nous paraît s'écarter davantage des vrais principes.

A la vérité, la cour suprême a décidé, arrêt du 6 novembre 1815, D., t. Ier, p. 750, que lorsque des arbitres amiables compositeurs, opérant dans le délai du compromis, jugent définitivement une partie du litige et interloquent sur l'autre, en renvoyant le jugement à une époque placée hors du délai du compromis, la circonstance que cette dernière di sposition peut devenir sans effet, si les pouvoirs des arbitres ne sont pas prorogés, ne rend pas nulle la disposition définitive.

Mais, on ne peut invoquer cette décision pour justifier le système dont il s'agit, d'abord, parce qu'il n'y a point parité dans les espèces; qu'ensuite les circonstances, les faits de la cause, aussi-bien que les motifs de l'arrêt de la cour suprême, n'offrent aucun point d'appui à l'argumentation; on peut le vérifier

loco citato.

Pour abréger cette discussion, nous nous bornerons à dire que, dans cette dernière espèce, il s'agissait de débats entre parens concernant le partage d'une communauté de biens qui avait existé entre leurs auteurs; que des arbitres avaient été choisis pour prononcer comme amiables compositeurs, sans appel ni recours en cassation; que ceux-ci avaient statue sur les différens points de la contestation,

avaient réglé les droits de chacun des co-partageans, etc.; mais ils renvoyèrent à un autre jour, qui dépassait le délai du compromis, pour déterminer les parts de chacun. Il y eut opposition à l'ordonnance d'exécution de leur sentence, et le jugement qui intervint fut déféré à la cour de Limoges, qui rendit un arrêt dont il y eut pourvoi: on y remarque, entre autres considérans, que la sentence arbitrale sur le fond avait été rendue dans le délai et dans les termes du compromis; qu'elle fut noncée en présence des parties, signée par tous les arbitres, enregistrée et déposée au greffe; qu'à la vérité, si le compromis ne durait que trois mois, les arbitres, en s'ajournant au-delà de ce délai pour procéder au partage, prononçaient un ajournement inutile, si les parties ne leur continuaient pas leurs pouvoirs; qu'elles étaient libres alors, puisque les questions du fond étaient résolues, de faire devant les tribunaux ordinaires le partage ordonné par les

arbitres.

pro

Ainsi qu'on le remarque, il n'y a point d'analogie entre les deux espèces jugées par la cour de Limoges et par celle de Bruxelles, et on n'en pourrait tirer les mêmes conséquences en faveur du système que nous combattons. Ici, il est vrai, les arbitres n'avaient prononcé définitivement que sur une partie du litige, en ce sens qu'ayant jugé le fond, ils avaient renvoyé, pour l'exécution de leur sentence, à une époque qui dépassait le délai du compromis, mais au moins, il y avait sentence rendue en forme sur les points contestés et soumis aux arbitres: cette sen

tence avait été datée, signée, enregistrée et lue aux parties; les arbitres avaient rempli, autant qu'il leur était possible, la mission qu'ils avaient reçue; leur décision était un lien pour les parties; il ne manquait, pour rendre l'arbitrage complet, que l'exécu tion de leur interlocutoire touchant la portion d'héritage qui devait être assignée à chaque partie; opération qui, d'ailleurs, pouvait se faire sans la médiation des arbitres et devant les tribunaux ordinaires, s'il y avait difficulté entre les parties.

Dans l'espèce jugée par la cour de Bruxelles, au contraire, il n'existait qu'un procès-verbal constatant certains points du litige délibérés et arrêtés, alors qu'un des arbitres décéda, et qu'il fut avisé à son remplacement. Ce procès-verbal n'était qu'une chose provisoire convenue entre les arbitres; mais si le décès de l'un d'eux ne fut point arrivé, ces arbitres, en procédant à l'examen des autres points contestés, n'auraient-ils pas pu trouver contradiction, incohé rence ou injustice sur les points déjà arrêtés et ceux postérieurement mis en délibération, et par consé quent les rétracter ou les modifier, afin de mettre plus d'harmonie, plus d'ensemble, afin de rendre un jugement plus équitable et plus conforme aux principes? Or, dans une telle position, qui se présenté fréquemment dans les délibérations des juges de la loi comme dans celles des arbitres, on demande quel caractère aurait un jugement si le juge ou l'arbitre remplaçant ne pouvait plus mettre en question les points déjà arrêtés, et si, ne devant donner son avis que sur les points non encore discutés, il arrivait

que cette dernière partie de l'opération, examinée et jugée, se trouvât en contradiction manifeste avec la première, de telle sorte qu'elles n'offriraient plus qu'un résultat inconciliable? N'est-il pas probable que ce résultat eût été plus satisfaisant si le nouvel arbitre eût pu remettre en question les points déjà arrêtés ? En les discutant avec les premiers arbitres, n'aurait-il pas pu, par ses raisonnemens, ramener ceux-ci à rectifier des erreurs, à modifier, à peser toute chose dans une juste balance; enfin, à rendre une sentence plus équitable et plus conforme aux intérêts respectifs des parties?

On dira peut-être que les parties ont la faculté de se pourvoir contre la sentence, par les voies de droit; mais, si elles ont renoncé à prendre aucune de ces voies, si la sentence est d'ailleurs inattaquable pour l'un des vices signalés par l'art. 1028 C. Pr., et que l'une des parties se décide à profiter des avantages que lui offre une disposition injuste de cette sentence rendue avec le mode de procéder que l'on soutient, c'est-à-dire quand il y a un juge, un arbitre remplaçant, il faudra donc que l'autre partie en soit victime? Cela nous paraît absurde.

Nous sommes donc d'avis, d'après toutes les considérations dans lesquelles nous venons d'entrer, que s'il il y a remplacement d'un arbitre décédé, les points qui auraient déjà été arrêtés par les premiers arbitres doivent être mis de nouveau en délibération avec l'arbitre remplaçant; car, quoiqu'il n'y ait rien de changé dans l'arbitrage par la survenance du nouvel arbitre, quoique le fond de la contestation soit tou

jours le même; cependant, il est vrai de dire que le tribunal arbitral se trouve composé d'un nouveau juge, lequel doit prendre connaissance de toutes les parties du litige, à qui on doit communiquer toutes les pièces et les moyens de défense, qui doit concourir comme les autres à l'ensemble de la discussion, et contribuer, par son vote, à former le jugement.

Au reste, cette manière de voir satisfait la raison, elle est la règle des tribunaux, elle est plus conforme aux principes, plus sage, et expose à moins d'inconvéniens que le système que nous venons de combattre.

S II.

De l'empêchement d'un des arbitres.

Suivant l'art. 1012 C. Pr., l'empêchement d'un des arbitres est aussi une cause qui met fin au compromis, si les parties, dans l'acte du compromis, n'ont pas prévu cette circonstance en se réservant le choix d'un autre arbitre, ou en abandonnant ce choix à l'arbitre ou aux arbitres restans, ou en autorisant ceux-ci à passer outre, c'est-à-dire à continuer d'instruire et juger sans qu'il y ait lieu au remplacement de l'arbitre empêché.

Quoique le mot empêchement ne soit pas accompagné d'autres expressions qui auraient démontré l'intention de la loi, il n'en est pas moins vrai qu'il faut prendre ce mot dans cette acception, que l'empêchement doit être réel, légitime et justifié; car, dès l'instant qu'un arbitre choisi par l'une ou l'autre partie

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