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a accepté sa mission, et qu'il a commencé à procéder, il s'est formé volontairement entre lui et les parties un quasi-contrat qui l'oblige, et dont il ne peut se dégager qu'en justifiant d'une cause légitime.

Il est des causes d'empêchement de plusieurs sortes qui dispensent l'arbitre de continuer la mission qu'il a commencé à remplir. On peut citer, entre autres, le cas où il serait tombé malade au point de ne pouvoir vaquer à l'arbitrage; ou bien si un incident dans ses affaires l'obligeait à ne pas s'en séparer, ou à faire un long voyage; si encore un emploi public, accepté depuis le compromis, réclamait tous ses momens, ou qu'il dût l'exercer dans un pays éloigné de celui où se réunissent les arbitres; enfin, il est plusieurs autres causes aussi légitimes que nous nous dispenserons d'énumérer ici, et qui étaient admises dans la loi romaine. (On peut voir Dictionn. du Digeste, Vbo Arbitrage, n. 15 et 16.)

Maintenant, si l'arbitre volontaire, après avoir accepté sa mission et commencé d'opérer, la discontinuait sans justifier d'un empêchement légitime, pourrait-il être contraint par le juge, non pas à rendre jugement, puisque c'est là une obligation de faire, mais à des dommages-intérêts, pour ne pas remplir le devoir qu'il s'est imposé volontairement?

Nous le pensons, dès que, d'après l'art. 1142 C. C., toute obligation de faire se résout en dommages-intérêts, en cas d'inexécution de la part de celui qui s'est engagé. Ensuite, l'art. 1014 C. Pr., en défendant aux arbitres de se déporter, si leurs opérations sont commencées, indique assez l'obligation de faire

pas

de leur part, et par conséquent cet article donne aux parties le droit d'obtenir, contre l'arbitre qui ne justifierait d'une cause valable d'empêchement, les dommages-intérêts auxquels peut être condamné (article 1142 C. C.) celui qui ne remplit pas l'obligation qui consiste à faire.

C'est aussi l'avis de divers auteurs, tels que Voet, liv. IV, tit. VIII, § 14; Dictionn. du Digeste, Vo Arbitrage, no 15; Carré, Lois de la Procéd., no 3314; Pardessus, no 1392; les auteurs du Praticien, t. V, p. 367; Boucher, p. 302, n° 619.

On a remarqué que nous n'avons parlé de l'empêchement d'un arbitre que dans le cas où il a accepté sa mission et qu'il a commencé à procéder; mais si les opérations ne sont pas commencées avec lui, et s'il ne se présente pas, est-il tenu de justifier d'un empêchement légitime, son silence suffit-il, équivaut-il à un refus?

On doit le croire, en comparant la disposition de l'art. 1012 avec celle de l'art. 1014. Suivant l'article 1012, l'arbitre choisi peut refuser de concourir à l'arbitrage, et s'il refuse, le compromis finit lorsqu'il ne renferme pas l'une des clauses dont parle cet article, et lorsque les parties, de leur consentement unanime, ne remplacent pas cet arbitre; par conséquent, ce même arbitre refusant avant d'avoir commencé la mission qui lui est offerte, n'est point dans l'obligation de justifier de causes légitimes de son refus, comme dans le cas de l'art. 1014. Cet article est positif, il établit clairement que l'arbitre, si les opérations sont commencées avec lui, ne peut plus se dis

penser de les continuer sans donner des motifs légitimes; partant, on doit regarder comme certain, par le rapprochement des deux articles ci-dessus, que les fonctions d'arbitre étant essentiellement libres, l'arbitre qui refuse ou qui a un empêchement quelconque n'est pas tenu d'en donner les motifs, s'il n'est pas encore entré en fonction. (V. Jousse, p. 706, no 51; Berriat-Saint-Prix, p. 4, no 14.)

Avant de terminer ce paragraphe, nous faisons remarquer que, dans le cas où un arbitre légitimement empêché, après avoir commencé les opérations, est remplacé par un autre arbitre, et que déjà des points de la contestation ont été discutés et arrêtés par les premiers arbitres, il faut appliquer les mêmes motifs que ceux exposés dans le paragraphe précédent, lorsqu'il y a remplacement pour cause de décès de l'un des arbitres. En substance, ces motifs sont que les points déjà délibérés et arrêtés ne doivent pas être considérés comme définitifs; qu'ils doivent être mis de nouveau en délibération avec le remplaçant, puisque le tribunal arbitral se trouve composé d'un nouveau juge, devant lequel la discussion de toute l'affaire doit être recommencée, comme dans la circonstance prévue par l'art. 118 C. Pr.

S III.

Du déport, refus d'un des arbitres.

D'après le même art. 1012, le déport, le refus d'un des arbitres, s'il n'y a dans le compromis l'une des

clauses dont parle cet article, mettent encore fin à cette convention, sous la condition cependant ajoutée

par l'art. 1014, que cet arbitre ne pourra se déporter si les opérations sont commencées.

Le législateur, par ces deux articles, a donc posé deux règles, l'une relative à la convention, l'autre concernant les obligations des arbitres, une fois qu'ils ont accepté le mandat et qu'ils ont commencé à l'exécuter; aussi, dit la loi romaine, ff. 15, qui arbitr. voluntatis est enim suscipere mandatum, necessitatis

consumere.

En conséquence, il faut distinguer, comme nous l'avons fait dans le précédent paragraphe, entre le cas où les opérations de l'arbitrage ne sont pas commencées et celui où l'arbitre a déjà concouru avec ses eo-arbitres à l'examen de l'affaire, à son instruction.

Dans le premier cas, si l'arbitre refuse la mission, se déporte, ou s'il est empêché, il est constant qu'il n'est point tenu de justifier des motifs qui le déterminent à agir ainsi ou qui l'empêchent.

Dans le second cas, au contraire, bien que la mission d'arbitre soit volontaire et qu'il dépende de toute personne, appelée pour la remplir, de l'accepter ou de la refuser, même de la refuser après l'avoir acceptée: néanmoins, dès l'instant que cette personne a commencé à opérer, il s'est formé entre elle et les parties un quasi-contrat qui lui interdit de se déporter, ou de refuser de continuer ce qu'elle a commencé. En un mot, il y a de sa part obligation de faire, dans le sens de l'art. 1014 C. Pr., à moins donc, car la raison et l'équité le suggèrent, que cette personne n'ait

une cause légitime pour se dégager de la mission qu'elle a acceptée et qu'elle a commencé à remplir; alors elle est excusée, elle est déliée de son obligation de faire, et elle doit profiter de l'avantage accordé, par l'art. 1148 C. C., à celui qui a été empêché de faire ce à quoi il était obligé.

Ces causes légitimes, ainsi que nous l'avons déjà dit, sont de diverses natures; nous nous dispenserons d'en donner un détail; cependant, nous indiquerons celles pour lesquelles des juges ordinaires pourraient être récusés (V. 378, 380 C. Pr.), et en général les causes qui dépendraient du compromis même ou des personnes des arbitres et des parties; par exemple, 1o si le compromis contenait des dispositions contraires à l'ordre, à l'intérêt public, aux bonnes mœurs, ou s'il était relatif à l'une des choses désignées dans l'art. 1004 C. Pr.; 2o si l'arbitre avait été injurié, diffamé par les parties ou l'une d'elles, ou s'il était survenu entre lui et elles, ou l'une d'elles, une inimitié capitale, etc., etc. Dans tous ces cas, il y a des causes légitimes de déport ou de refus.

Mais, nous le répétons, si l'arbitre volontaire, sans justifier de motifs légitimes, se déporte, refuse d'accomplir sa mission, quand il a commencé d'opérer, il est évident (V. le paragraphe précédent) qu'il peut être contraint par le juge, non pas à rendre jugement, puisque c'est là une obligation de faire, mais à des dommages-intérêts que les parties peuvent réclamer, en vertu de l'art. 1142 C. C.

Il en est autrement en arbitrage forcé, l'arbitre qui se déporte ou refuse de juger, sans excuse légitime, et

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