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renvoyant le fond à d'autres juges, soit en rejetant la récusation.

En arbitrage volontaire, au contraire, on ne peut imposer aux parties, contre leur gré, de nouveaux juges, si ceux qu'elles avaient choisis sont déclarés ne pouvoir juger, et si ces parties ne s'accordent ou ne se sont accordées, par le compromis, à en choisir d'autres. Dans cette hypothèse, ainsi que nous l'avons déjà dit, le compromis doit prendre fin.

15° (OPPOSITION DES ARBITRES RÉCUSÉS EN MASSE. Les arbitres récusés en masse peuvent-ils former opposition à la décision qui a accueilli la récusation ?

La cour d'Angers, par son arrêt déjà cité du 12 janvier 1815, S., XVII, 11, 129, a consacré cette règle, qu'un tribunal récusé en masse pouvait venir par opposition à l'arrêt qui a accueilli la récusation, bien que ce tribunal n'eut pas présenté ses défenses, et que la récusation eût été admise sur simple requête d'une des parties.

Les motifs de cette cour sont ainsi établis : « Qu'à » l'époque de l'arrêt qui a accueilli la récusation, il » n'avait été rien produit par le tribunal pour dé» truire les moyens proposés, et qu'ainsi il n'y avait >> pas lieu d'ordonner que la requête en récusation » lui fùt communiquée. Toutefois, considérant que » l'arrêt qui faisait droit à la requête avait été si

gnifié aux membres du tribunal, et que ceux-ci >> avaient le droit d'être entendus dans leurs obser»vations, c'est pourquoi la cour a reçu les prési» dent, juges et greffiers opposans audit arrêt. »

Sans nous occuper de savoir si la cour d'Angers

devait se conformer aux règles de la procédure, et notamment à certaines dispositions de l'art. 378 C. Pr., il est évident qu'elle devait être d'autant plus embarrassée que cet article ne prévoit pas le cas où tous les membres d'un tribunal, ainsi que le greffier, sont récusés. Néanmoins, pénétrée du principe que la défense est de droit naturel, cette cour n'a pas cru devoir refuser aux président et juges de les admettre à présenter leurs observations, et de prononcer sur leur opposition contradictoirement avec le récusant.

Ainsi donc, en partant de cet arrêt, et plus encore d'un droit immuable, les arbitres, récusés en masse, peuvent proposer leurs observations et démontrer que la récusation est sans fondement: ils peuvent, en conséquence, demander l'application de l'art. 390 C. Pr. A cette fin, ils ont la faculté, dès le premier acte connu qui les récuse, de présenter une requète d'intervention expositive de leurs moyens; et en suppo sant qu'ils fussent appelés par les intéressés à s'expliquer, et qu'il fût statué contre eux par défaut, ils ont le droit de former opposition et de se défendre contradictoirement: c'est du moins rentrer par là dans les règles ordinaires de la procédure, en l'absence de règles spéciales pour la récusation en masse.

16° (DÉPENS.) Un juge, un arbitre récusé qui ne se déporte pas et qui laisse juger la récusation, devient-il pour cela partie au procès, et peut-il être condamné aux dépens?

Décidé négativement par la cour de cassation, 13 novembre 1809, S., X, 1, 80, d'où il suit, a contrario, qu'un arbitre récusé qui ne se déporte pas et

qui veut défendre à la récusation, doit être condamné aux dépens, s'il succombe, parce qu'il est partie au procès.

17° (DU TRIBUNAL DE LA RÉCUSATION.) La récusation de l'un des arbitres, soit en arbitrage volontaire, soit en arbitrage forcé, doit-elle toujours être portée au tribunal civil?

La cour royale de Paris, arrêt du 30 décembre 1813, D., t. Ier, 694, a jugé qu'un tribunal de commerce qui a renvoyé des associés devant des arbitres nommés par eux, est compétent pour statuer sur la récusation proposée contre ces arbitres. «< Attendu, a-t-elle dit, que le tribunal auquel des arbitres sont substitués, et qui est chargé, d'après lui d'organiser le tribunal arbitral et d'imprimer à ses décisions le sceau de l'autorité publique, est seul compétent pour prononcer sur la récusation desdits arbitres. >>

Dans l'espèce, les arbitres avaient été nommés par les parties; cependant, il en serait de même en arbitrage forcé, si les arbitres avaient été nommés par tribunal de commerce.

le

La cour de Metz, dans une question de récusation qu'elle a jugée le 12 mai 1818, D., t. Ier, 695, où il s'agissait de difficultés entre deux négocians non associés, et soumises à des arbitres volontaires, s'exprime ainsi : «D'après la combinaison des art. 1020, » 1021 C. Pr. avec les articles de la section II, tit. 3 » du Code de Commerce, et d'après l'intention du » législateur, ce n'est exclusivement que dans le cas » d'un arbitrage forcé que l'incident relatif à la ré

»cusation des arbitres doit être porté devant le tri>> bunal de commerce, et que dans l'arbitrage ordi>> naire ou d'amiables-compositeurs, c'est toujours le » tribunal d'arrondissement qui en doit connaître. » On peut donc conclure que le tribunal qui doit prononcer sur la récusation individuelle ou en masse des arbitres doit être, suivant la matière, le tribunal civil ou le tribunal de commerce du lieu où la cause eût été portée s'il n'eût pas existé d'arbitrage, et qui, si la récusation est mal fondée, peut statuer sur les dommages – intérêts: c'est ce que dit également M. Carré, no 3321, Lois de la Procéd.

SECTION XII.

De la procédure devant les arbitres, ou de l'instruction de l'affaire.

En cette partie, notre Code de Procédure civile est encore très-laconique, les textes qui y sont établis pour servir de règles aux parties et aux arbitres, dans l'instruction du litige, auraient dû offrir plus de clarté et moins abandonner à l'interprétation: on y remarque des obligations à remplir, qui, la plupart et le plus souvent, sont inutiles dans la procédure arbitrale. Quoi qu'il en soit, nous allons transcrire les articles du Code que le législateur a conçus pour indiquer la marche à suivre, et nous leur donnerons les développemens qui nous paraîtront les plus nécessaires.

Art. 1009. Les parties et les arbitres suivront, dans

la procédure, les délais et les formes établis pour les tribunaux, si les parties n'en sont autrement convenues.

Art. 1011. Les actes de l'instruction et les procèsverbaux du ministère des arbitres, seront faits par tous les arbitres, si le compromis ne les autorise à commettre l'un d'eux.

Art. 1016. Chacune des parties sera tenue de produire ses défenses et pièces, quinzaine au moins avant l'expiration du délai du compromis, et seront tenus les arbitres de juger sur ce qui aura été produit.

D'après ces dispositions de la loi, spécialement d'après celles de l'art. 1009, peut-on se borner à dire, comme l'ont fait certains auteurs, tels que MM. Carré, n° 3288; Pigeau, Boucher, p. 510, que les arbitres doivent suivre la procédure propre à la matière qui leur est soumise? Qu'ainsi, lorsque les parties ne se sont pas expliquées, et que l'affaire est de la compétence du tribunal civil, les arbitres doivent se conformer à la procédure observée devant ce tribunal, et vice versâ; si l'affaire est commerciale, ils doivent procéder comme devant les tribunaux de commerce?

Non sans doute, autrement on ne ferait que reproduire les termes mêmes de l'art. 1009, et on semblerait éluder les explications que nécessite cet article. D'ailleurs, l'espèce d'antinomie qui existe entre ledit art. 1009 et l'art. 1016, rend indispensables ces explications, et nous les empruntons d'un arrêt de la cour de Gênes du 15 janvier 1811, S., II, II, 139, laquelle cour eut à se prononcer sur le véritable sens de l'art. 1009; elle considéra donc, et nous pensons qu'on ne peut interpréter autrement ce même arti

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