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n'avaient pas fixé d'une manière certaine les devoirs respectifs et de ceux qui prenaient la voie de l'arbitrage, et de ceux qui étaient appelés à juger le litige; que, de cette imprévoyance, il était résulté un simple usage qui servait de guide aux parties et aux arbitres, mais qui variait suivant telles localités. Instruit par l'expérience, le législateur a voulu mettre fin à cette diversité d'usages en prescrivant aux parties ce qu'elles ont à faire pour mettre les arbitrcs à portée de juger, et en traçant à ces derniers la marche qu'ils doivent suivre pour rendre une sentence régulière et valable.

Ainsi, d'un côté, pour que la sentence arbitrale ait le caractère de jugement, il faut que chaque partie ait produit ses moyens et pièces dans le cours du délai, d'après l'obligation que leur fait la loi. Néanmoins, si l'une d'elles n'a pas terminé sa production quinzaine au moins avant l'expiration du délai du compromis ou de la loi, les arbitres sont tenus de juger sur ce qui aura été produit.

D'un autre côté, pour que la sentence soit également valable, comme nous le répéterons ailleurs, il faut que tous les arbitres aient participé à toutes les discussions et résolutions, dès que leurs pouvoirs sont indivisibles, qu'ils ont été conférés par les parties pour leur intérêt réciproque. D'où il suit que si l'un des arbitres ne voulait pas prendre part aux discussions et délibérations, et que le jugement fùt rendu en son absence, ce jugement serait nul; néanmoins, si après avoir refusé de discuter et délibérer, il était constaté qu'il était présent aux opinions pour rendre

décision, le jugement serait valable, parce que son silence serait censé une adhésion: il était libre de manifester un avis contraire, et s'il l'eût fait, les arbitres n'étant, nous le supposons, qu'au nombre de deux, il y eût eu partage. En un mot, il n'y aurait que son absence, lors de la décision, qui frapperait de nullité le jugement, à moins que le compromis n'eût autorisé les arbitres à prononcer nonobstant l'absence de quelques-uns d'entre eux, argument de l'art. 1012 C. Pr.

Nous verrons aussi à la section XIV, du Jugement, ce qui est réglé pour la signature de la sentence par les arbitres une explication serait prématurée ici.

Mais ce qui se rattache à la première disposition de l'art. 1016, est la question posée par M. Carré, no 3325 (édition 1824); elle est ainsi conçue :

« Peut-on produire après la quinzaine qui précède » l'expiration du compromis, si les arbitres n'ont pas » encore rendu leur sentence. »

Oui, répond-il, puisque la loi ne prononce aucune déchéance, et il cite le Praticien, t. V, p. 383.

Nous pensons qu'il y a erreur d'impression dans les mots après la quinzaine, et que le manuscrit de ce savant professeur portait pendant la quinzaine. Néanmoins, si nous supposons que l'auteur a eu l'intention d'établir la question telle qu'elle est, nous la réfuterons par le mémorable arrêt de la cour suprème du 22 avril 1823, et par celui de la cour d'Angers, rendu sur renvoi, dont nous avons déjà parlé à la section IX. On y reconnaît qu'il est formellement décidé que les pouvoirs des arbitres volontaires ou for

cés cessent de plein droit à l'expiration du délai fixé, soit par les parties ou par la loi, soit par le tribunal, et qu'à ce sujet on ne doit prendre pour règle que celle de l'art. 1012; qu'en conséquence, il n'y a point de prorogation tacite des pouvoirs, par cela seul que les parties auraient gardé le silence ou auraient procédé devant les arbitres, depuis l'expiration du délai, sans qu'aucun ait argué de cette expiration; qu'il faut, pour que la prorogation des pouvoirs existe réellement, qu'un nouveau délai soit fixé dans les formes déterminées par l'art. 1005, et que le consentement unanime des parties de proroger apparaisse par écrit et d'une manière formelle.

Si, au contraire, M. Carré a entendu poser la question en ce sens : Les parties peuvent-elles produire pendant la quinzaine qui précède l'expiration du compromis, dans le cas où les arbitres n'auraient point encore rendu leur sentence? Alors, nous répondrons avec lui que la loi ne prononçant aucune déchéance, chaque partie a encore la faculté de soumettre aux arbitres des pièces, documens, moyens de défense, et les arbitres peuvent s'en servir pour éclairer leur conscience, et rendre une décision peutêtre plus équitable ou mieux fondée qu'elle ne l'eût été avant la production de ces pièces et documens; car, si la loi veut que les partics produisent leurs défenses et pièces quinzaine au moins avant l'expiration du délai, c'est afin que les arbitres aient le temps nécessaire pour examiner et prononcer, puisque leurs pouvoirs cessent de plein droit à la fin du délai, lorsque les parties, par un consentement unanime

et formel, ne l'ont pas prorogé. Ensuite, si le législateur n'eût pas imposé cette obligation aux parties et aux arbitres, on serait retombé dans les anciens abus les lenteurs de l'arbitrage seraient encore devenues préjudiciables aux intérêts des parties. D'ailleurs, un autre système serait en désaccord avec les bases constitutives de notre législation nouvelle, qui sont, une marche prompte et réglée dans l'expédition des procès, des droits positifs, leur transmission facile, et une foule d'autres avantages pour la société que n'offrait pas l'ancienne législation.

Mais, en admettant que les parties ont la faculté dont nous venons de parler, les arbitres peuvent-ils rendre leur sentence avant la quinzaine, si les parties n'ont pas produit.

M. Carré, no 3326, ainsi que les auteurs du Praticien, t. V, p. 383, qui se sont occupés de cette question, sont pour la négative. Il est évident, en effet, d'après l'économie de la première partie de l'art. 1016, que les arbitres ne pourraient pas priver les parties du droit qu'elles ont de produire jusqu'à la quinzaine au moins avant l'expiration du délai, et même pendant cette quinzaine, si ces juges n'avaient pas encore prononcé la sentence définitive. Toutefois, ajoutent ces auteurs, si les parties avaient autorisé les arbitres à prononcer avant cette époque, par suite d'un jugement préparatoire qui aurait ordonné la production des pièces avant la quinzaine, la sentence deviendrait inattaquable, quoique rendue antérieurement à cette

quinzaine, parce que, dans ce cas, les parties se sont

fait une loi qu'elles doivent respecter.

En général, quand les arbitres voient que les parties sont tardives à produire leurs défenses et pièces, afin qu'ils puissent avoir le temps, suivant la nature de la contestation, d'examiner, discuter et rendre jugement, la nécessité, comme la bonne foi, leur font un devoir d'en prévenir ces mêmes parties, ou de provoquer auprès d'elles une prorogation de délai, s'ils la croient utile.

A la suite de toutes ces observations concernant l'instruction de l'affaire devant les arbitres, et qui s'identifient avec certaines règles qu'ils doivent observer, ou dont ils peuvent s'écarter, nous aurions désiré pouvoir rapporter quelques décisions intervenues depuis la publication du Code de procédure, afin de faciliter la solution de plusieurs difficultés dont nous ne dissimulons pas l'existence; mais la jurisprudence actuelle n'offre encore rien de satisfaisant sur beaucoup de cas. Quoi qu'il en soit, nous allons faire connaître des arrêts assez importans qui pourront éclairer les parties et les arbitres.

QUESTIONS ET DÉCISIONS.

1° (PIÈCES COMMUNIQUÉES.) Des pièces communiquées dans une contestation soumise à des arbitres, deviennent-elles communes; en conséquence, peuvent-elles être distraites par la partie qui les a produites, sans le consentement de l'autre?

La cour de Paris, arrêt du 3 ventôse an X, D., t. Ier, p. 743, a jugé (et il y a analogic avec les art. 188, 189 C. Pr.), qu'une pièce communiquée par une parTM

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